Les indépendantistes ont conservé leur majorité au parlement régional après le vote de jeudi dernier. Depuis, il ne se passe pas un jour sans qu'un acteur majeur ne s'exprime sur ce qui semble être une nouvelle impasse entre Madrid (Rajoy) et Barcelone (Puigdemont) avec le roi Felipe VI en arbitre.
Après le vote de jeudi dernier, les trois formations indépendantistes disposent d'une majorité absolue au parlement régional avec 70 sièges sur 135. Depuis ce vote, plusieurs faits marquants se sont produits. On fait le point.1. Rajoy refuse de rencontrer Puigdemont
Dès le lendemain du vote, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a rejeté la demande de l'ex-président indépendantiste Carles Puigdemont de le rencontrer "à Bruxelles ou dans n'importe quel autre lieu de l'Union européenne". Interrogé sur cette proposition de dialogue lancée par Carles Puigdemont depuis Bruxelles où il s'est exilé, Mariano Rajoy a répondu : "la personne avec laquelle je devrais m'asseoir, c'est celle qui a remporté les élections, Madame (Inès) Arrimadas", la tête de liste du parti anti-indépendance Ciudadanos qui a remporté le plus de sièges au parlement catalan.
"La société catalane est une société civile très puissante dans son comportement électoral et civique et ce qui est étonnant c'est que tout le monde pariait sur le fait que cette forte participation serait le signe d'un regain de force des unionistes, et cela n'a pas été le cas.", selon le politologue Emmanuel Négrier..
2. Puigdemont risque d'être arrêté s'il rentre en Espagne
La Cour suprême espagnole a annoncé vendredi avoir élargi à six personnalités indépendantistes catalanes supplémentaires les poursuites pour rébellion, sédition et malversations, au lendemain vote. Elles viennent s'ajouter aux 22 déjà inculpées pour leur rôle dans la marche vers l'indépendance du pouvoir catalan, qui a culminé le 27 octobre avec le vote d'une déclaration unilatérale d'indépendance au parlement régional puis la mise sous tutelle de la Catalogne par le gouvernement central.Parmi les inculpés se trouvent les 14 membres du gouvernement destitué de Carles Puigdemont et deux présidents d'associations indépendantistes, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart. Ces deux derniers sont emprisonnés avec les ex-membres du gouvernement déchu Oriol Junqueras et Joaquim Forn. Poursuivi pour "rébellion et sédition", Carles Puigdemont risque toujours d'être arrêté s'il remet le pied en Espagne.
"Il faut mesurer si cela vaut la peine, s'il peut faire davantage dedans que dehors, il est évident que s'il vient et est emprisonné, cela génère (...) un conflit politique très important", a déclaré Me Jaume Alonso-Cuevillas, l'un de ses avocats en Catalogne, au micro de Catalunya radio.
3. Statu quo... de nouvelles élections à venir ?
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy avait déjà prévenu, dès le lendemain du vote, que le prochain gouvernement catalan, "quel qu'il soit (...), sera soumis à l'empire de la loi". Une façon de sous-entendre qu'il n'hésiterait pas à recourir à nouveau à l'article 155 de la constitution, utilisé pour la première fois le 27 octobre (comme rappelé ci-dessus) pour destituer le gouvernement catalan et dissoudre le parlement qui venait de déclarer l'indépendance.
Carles Puigdemont a, lui, également demandé à être entendu par les institutions européennes. Dans son bras de fer avec Madrid, le dirigeant nationaliste cherche systématiquement à se placer sur le même plan que le chef du gouvernement espagnol et à être reconnu par la communauté internationale, sans y parvenir pour l'instant.
Selon Federico Santi, chercheur au sein de l'Eurasia Group, "le plus probable est la formation d'un gouvernement indépendantiste minoritaire comprenant les trois parti séparatistes". Si aucun gouvernement n'est formé à Barcelone avant la fin mars, de nouvelles élections devront être convoquées dans les deux mois.
"Je pense que les indépendantistes ne vont pas laisser une autre alternative se faire, notamment autour de Cuidadamos.", estime le politologue Emmanuel Négrier.
4. Puigdemont : "Je suis le président du gouvernement régional et je le resterai si..."
"Je veux revenir en Catalogne le plus tôt possible. Je voudrais revenir dès maintenant.", a déclaré Carles Puigdemont samedi 23 décembre dans une interview donnée à Reuters. Il a invité le gouvernement espagnol à le laisser rentrer à temps pour la séance inaugurale de la nouvelle législature catalane, le 23 janvier. Son objectif : être élu président de la région. "Je suis le président du gouvernement régional et je le resterai si l'Etat espagnol respecte les résultats du vote.", a-t-il aussi déclaré.
Par ailleurs, le vice-président catalan destitué, Oriol Junqueras, est en prison depuis le 2 novembre et avait pris la tête d'une liste séparée, qui a été devancée par celle de celle Puigdemont. Joan Tarda, le porte-parole de son parti : la gauche républicaine de Catalogne (ERC), parti de gauche indépendantiste, s'est adressé samedi à Carles Puigdemont, dans un tweet en le reconnaissant comme "président": "nous vous attendons pour que vous dirigiez la Généralité (l'exécutif catalan) avec le vice-président Junqueras".
President Puigdemont @KRLS la ciutadania ha restituït democràticament el Govern legítim i a vostè com a President. L’esperem perquè comandi la Generalitat conjuntament amb el vicepresident @junqueras No tingui cap dubte que és el que hauria fet Francesc Macià.
— Joan Tardà i Coma (@JoanTarda) 23 décembre 2017
5. Dans ses vœux de Noël, le roi d'Espagne demande aux élus catalans d'éviter un nouvel "affrontement"
Le roi Felipe VI a demandé dimanche aux nouveaux élus du parlement catalan, en majorité indépendantiste, d'éviter un nouvel "affrontement" après une tentative de sécession qui a divisé la Catalogne et secoué l'Espagne. A l'occasion de ses voeux de Noël, les quatrièmes depuis son accession au trône en 2014, Felipe VI a averti le nouveau parlement régional qu'il devrait "affronter les problèmes qui affectent tous les Catalans, en respectant la pluralité et en pensant avec responsabilité au bien de tous". Cela conduirait à un "appauvrissement moral, civique, et bien sûr économique, de toute une société", a averti Felipe VI.
En bonus : les indépendantistes s'y voient déjà
Après la victoire des indépendantistes, jeudi dernier, un panneau "République de Catalogne" a été installé à la frontière franco-espagnole, au Perthus, dans les Pyrénées-Orientales.