Désigné officiellement candidat à la présidence de la Catalogne, Carles Puigdemont affirme que son camp formera bientôt un gouvernement. Mais pour l'heure, la situation ressemble à un casse-tête, le leader indépendantiste étant toujours condamné à l'exil.
L'indépendantiste catalan Carles Puigdemont, officiellement désigné candidat à la présidence de la Catalogne, a dénoncé ce lundi 22 janvier depuis le Danemark "l'autoritarisme" de Madrid, assurant que son camp formerait "bientôt" un gouvernement.
Le nouveau président du Parlement régional Roger Torrent a confirmé lundi matin qu'il proposerait à la chambre la candidature de Carles Puigdemont pour diriger à nouveau la Catalogne, région de 7,5 millions d'habitants qu'il avait menée au bord de la rupture avec l'Espagne.
Une candidature "absolument légitime", "en dépit de la situation personnelle et judiciaire de M. Puigdemont, selon M. Torrent.
L'annonce a été faite moins de trois mois après la proclamation d'une "République catalane" mort-née, suivie par la destitution du gouvernement et la prise de contrôle de la région par Madrid.
Si Carles Puigdemont était investi, l'article 155 (de la Constitution espagnole), ayant permis de placer la Catalogne sous tutelle, continuera à s'appliquer, a prévenu le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.
"Prétendre être le président du gouvernement catalan en étant à Bruxelles est illégal", a-t-il affirmé samedi.
Investiture à distance ?
Puigdemont a fui en Belgique le 30 octobre. S'il rentrait en Espagne, il serait immédiatement placé en détention, dans une enquête pour "rébellion", "sédition" et "malversations de fonds".
Il cherche le moyen d'être investi à distance par le parlement régional où les indépendantistes ont retrouvé une majorité en sièges à l'issue des élections de décembre.
Une session d'investiture doit se tenir au plus tard le 31 janvier pour débattre de cette candidature à distance mais aucune date n'a encore été fixée.
Critiques contre l’Union européenne
M. Puigdemont a pris le risque de quitter lundi pour la première fois la Belgique pour participer au Danemark à un colloque sur l'avenir de sa région.
"Nous n'allons pas capituler face à l'autoritarisme malgré les menaces de Madrid", a-t-il soutenu. "Bientôt, nous formerons un nouveau gouvernement".
Réélu député catalan, il a appelé au respect du processus démocratique et reproché à l'Union européenne "son incapacité à défendre les droits fondamentaux en Catalogne".
Les Catalans, selon lui, "regardent avec force inquiétude certains développements autour des institutions de l'UE. Nous sommes pro-européens évidemment (...), nous sommes pour davantage d'intégration (européenne) mais seulement si cela renforce la démocratie et (garantit) une application uniforme du droit européen dans tous les pays membres", a-t-il affirmé au Danemark.
La justice espagnole avait renoncé à demander l'arrestation de M. Puigdemont en Belgique, notamment pour éviter des divergences d'interprétation entre juges belges et espagnols sur la gravité des délits qui lui sont reprochés, dont celui - controversé - de "rébellion".
Mais à l'annonce de son déplacement à Copenhague, le parquet espagnol a requis son arrestation au Danemark.
Le juge espagnol chargé de l'enquête le concernant a cependant refusé de lancer un mandat : il a estimé que M. Puigdemont cherchait justement "à provoquer cette arrestation à l'étranger" afin de se doter d'arguments pour être investi en son absence.
Casse-tête
"Ce n'est pas le meilleur début pour la législature de proposer (comme candidat) quelqu'un qui fuit la justice", a déclaré de son côté depuis Bruxelles le ministre espagnol des Affaires étrangères, Alfonso Dastis.
Si Puigdemont reste à l'étranger, il devra être investi à distance, ce que les services juridiques du parlement catalan jugent contraire au règlement.
Et s'il rentre, le parquet général a averti que son immunité parlementaire n'empêcherait pas son arrestation.
Puigdemont dispose du soutien de sa formation de centre-droit Ensemble pour la Catalogne et aussi - en principe - de l'autre grande formation indépendantiste Gauche républicaine de Catalogne (ERC) qui se montre cependant sceptique sur une investiture à distance.
Les poursuites judiciaires ont mis en difficulté le camp indépendantiste : trois députés sont en détention provisoire en Espagne, cinq installés en Belgique.
M. Torrent a sollicité lundi une réunion avec M. Rajoy pour, a-t-il affirmé, rechercher une solution à "la situation anormale que vit le parlement dont huit députés voient leurs droits politiques bafoués".
La Cour constitutionnelle pourrait suspendre le vote en faveur de la candidature de M. Puigdemont, voire la résolution parlementaire qui le nommerait.
Rien n'empêcherait ensuite M. Torrent de présenter une solution alternative.