La remise des prix Méditerranée 2020, le 3 octobre prochain à Perpignan, se fera sans les principaux lauréats. Trois écrivains ont en effet décidé de ne pas venir, estimant leurs convictions incompatibles avec celles de l'équipe RN qui dirige maintenant la ville.
La conquête de Perpignan par le Rassemblement national fait grincer certaines dents. Pour preuve, trois lauréats du prix Méditerranée 2020 ont annoncé qu'ils ne participeront pas à la remise du prix le 3 octobre, celui-ci étant parrainé par la mairie.
L'écrivain marocain francophone Mahi Binebine (prix Méditerranée 2020 pour Rue du pardon), le romancier italien Giosuè Calaciura (prix Etranger 2020 pour Borgo Vecchio) et la poétesse algéro-tuniso-française Souad Labbize (colauréate avec Carles Diaz du prix Méditerranée Poésie 2020 pour son recueil Je franchis les barbelés), ont cosigné un texte expliquant qu'ils déclinaient l'invitation, pour "éviter tout amalgame et toute récupération ou instrumentalisation de la culture à des fins idéologiques ou politiques".
"Il était hors de question de me faire remettre ce prix, qui est un très joli prix, par quelqu'un du Rassemblement national, nous confie Mahi Binebine. Ça ne va pas avec mes convictions."
Il est hors de question de dédiaboliser le RN, mouvement basé sur l'exclusion, le rejet de l'autre.
Souad Labbize, dont la maison d'édition a elle aussi indiqué qu'elle ne viendrait pas, nous fournit les mêmes explications :
S'ajoute à cela la démission du président du jury, l'écrivain et académicien Dominique Fernandez, juste après l'élection de Louis Aliot, pour protester contre le passage à l'extrême-droite de la ville.Je ne peux pas écrire ce que j'écris de manière générale et me rendre tranquillement à une remise de prix où je dois serrer la main à des personnes qui représentent et défendent une idéologie que je trouve extrêmement dangereuse. Cette idéologie, qui n'existe pas qu'en France, nous emmène dans le mur.
Des "donneurs de leçons", selon la municipalité
Ces défections n'ont bien sûr pas manqué de faire réagir la municipalité. Et notamment André Bonet, nouvel adjoint à la Culture de la ville, mais également fondateur du prix. "Quelle mouche a donc piqué Mahi Benebine et Dominique Fernandez ?", s'interroge-t-il dans un communiqué publié dimanche 26 juillet, dénonçant une "mini fronde guignolesque" qui "agite le petit microcosme des biens pensants (sic) et donneurs de leçons".Concernant le premier, l'adjoint tacle : Mahi Binbine a selon lui bénéficié d'un "sacré coup de projecteur" sur son livre "passé quasiment inaperçu lors de sa parution en 2019". "Son opération de boycott du prix n’a pas d’autre intention que de tenter de faire le buzz en s’offrant une bonne conscience et un peu de publicité sur le dos de ceux qui l’ont consacré", ajoute-t-il.
Le cas du second est "beaucoup plus grave" selon André Bonet, qui accuse Dominique Fernandez, lui-même lauréat du prix en 1988, de se "prêter au jeu peu glorieux des amalgames", et qui lui reproche son "ingratitude". "Il n'y a pas un seul livre de Dominique Fernandez qui n'a pas été présenté à Perpignan depuis 1988", souligne-t-il devant nos caméras.
"Ils boycottent, mais on ne va pas les boycotter puisque leurs livres seront célébrés", ajoute-t-il, précisant que les autres lauréats seront bel et bien présents à la cérémonie de remise de prix.