Protéger les espèces nicheuses sur le littoral catalan, c'est une des nombreuses missions que s'est donnée le Parc naturel marin du Golfe du Lion. Le "gravelot à collier interrompu" et la "sterne naine" sont deux espèces d'oiseaux menacées, entre autres, par les interactions humaines.
Au petit matin, dans les Pyrénées-Orientales, sur la plage entre Canet-en-Roussillon et Saint-Cyprien, règne une ambiance sereine et calme. Quelques promeneurs, les pieds dans l'eau profitent de la fraîcheur matinale et du bruit des vagues qui s'échouent sur le sable fin.
Et si l'on tend l'oreille, au-delà des clapotis, on peut percevoir des petits cris stridents en provenance des dunes. Il s'agit du chant des sternes naines. Chante également, le gravelot à collier interrompu en venant picorer dans la laisse de mer.
En été, sur les plages du littoral catalan, on peut les entendre piailler à tue-tête. Une chance que l'on se doit d'apprécier pour des oiseaux qu'il faut aujourd'hui protéger. Et ça, c'est le travail de l'Office Français de la Biodiversité et du Parc naturel marin du Golfe du Lion.
"Le gravelot à collier interrompu, par exemple, a complètement disparu de l'intérieur de la France. Il n'est plus présent que dans neuf départements, dont cinq sur le pourtour méditerranéen. Quant à la sterne naine c'est à peu près le même déclin, nous explique Thierry Auga-Bascou, inspecteur environnement à l'Office Français pour la Biodiversité (l'OFB).
Deux espèces nicheuses sur le littoral catalan
Peut-être y avez-vous prêté attention si vous êtes un amateur d'oiseaux, la sterne naine et le gravelot à collier interrompu viennent chaque année nicher sur le littoral catalan. Après un hivernage sur les côtes africaines, ces deux espèces d’oiseaux migratrices reviennent effectuer leur cycle de reproduction sur certaines plages. Bien qu’elles soient protégées, leurs populations sont malheureusement en déclin permanent.
Nous avons une grande responsabilité, nous humains, de faire en sorte que la reproduction de ces oiseaux puisse avoir lieu. Malheureusement, nous avons connu quatre années consécutives à zéro envol d'oisillons de sterne naine.
Thierry Auga-Bascou, inspecteur environnement à l'Office Français pour la Biodiversité (l'OFB)
Dans les Pyrénées-Orientales, des zones sont mises en défens (clôtures de protection) par le Parc naturel marin du Golfe du Lion et ses partenaires, d’avril à août, sur des secteurs du littoral fréquentés tous les ans par la sterne naine et le gravelot à collier interrompu pour permettre leur nidification.
Cette année 2024, les agents du Parc ont observé une cinquantaine de poussins de sternes naines à l'envol, un soulagement même si on est très, très loin des 160 poussins comptabilisés en 2018.
Quatre zones de mise en défens dans les Pyrénées-Orientales
- Torreilles (embouchure du Bourdigou)
- Le Grau de l’étang de Canet-en-Roussillon (Arrêté Ministériel Protection du Biotope)
- Le Barcarès (îlot de Coudalère)
- Saint-Laurent-de-la-Salanque (îlots sur l’étang de Salses-Leucate)
C'est sur ces sites bien connus des scientifiques que viennent se reproduire depuis de nombreuses années la sterne naine et le gravelot à collier interrompu. Filets, clôtures, informations... Les espaces ainsi identifiés se voient, chaque année à la même période, délimités afin de signifier aux usagers de la plage la présence d'espèces animales à protéger.
La plage, un espace partagé
Difficile par exemple d'apercevoir des œufs de sterne ou de gravelot dans le sable, ces derniers possédant un mimétisme important avec leur environnement. C’est pourquoi ces protections sont essentielles afin d’éviter les œufs écrasés, les nichées piétinées mais aussi les poussins séparés de leurs parents, voire dévorés par les chiens non tenus en laisse.
Ces perturbations constantes ont pour conséquence de nuire à la viabilité des populations de ces deux espèces qui sont également très peureuses et sensibles. Des dérangements répétés sur leur zone de nidification provoquent l’abandon du site par ces oiseaux et donc la perte d’une génération de futurs reproducteurs.
Malgré les ganivelles installées sur la plage de Canet, en face de l'étang, on a des personnes qui ont encore du mal à partager l'espace ne serait-ce que pour quelques temps et qui traversent les zones protégées. Ce n'est pas la majorité heureusement mais les oiseaux sont tellement sensibles qu'il suffit d'un ou deux passages au milieu de la zone de reproduction et ils abandonnent le site avec œufs et poussins. Résultat : zéro oisillon viable.
Thierry Auga-Bascou, inspecteur environnement à l'Office Français pour la Biodiversité (l'OFB)
Respecter les zones balisées
La protection de ces espèces emblématiques du littoral catalan représente donc un vrai challenge pour les agents du Parc naturel marin mais aussi un défi pour notre société. Sommes-nous capables de trouver des solutions afin de conserver la biodiversité ? Compliqué de garder espoir lorsqu'on entend la suite des propos de Thierry Auga-Bascou.
A Canet, par exemple, souvent ce sont des pêcheurs de loisir qui passent au milieu des secteurs protégés, un coup de pince coupante dans les ganivelles et en avant. Tout ça par ce que ça les embête de faire un détour de cinquante mètres pour atteindre les enrochements. A Saint-Laurent-de-la-Salanque, ce sont des kiteurs et des véliplanchistes qui ne respectent pas les limites. A Torreilles, on sait qu'il y a une personne avec un petit chien qui nous rentre et qui met en échec la couvée.
Thierry Auga-Bascou, inspecteur environnement à l'Office Français pour la Biodiversité (l'OFB)
Et des exemples comme ceux-là Thierry Bascou en a beaucoup. Conscient qu'il ne s'agit que d'une infime partie des usagers il ne peut que dénoncer haut et fort ce genre d'infractions. Il faut environ quatre semaines aux oisillons pour être autonomes et s'envoler. Jusque-là, les jeunes sont totalement vulnérables aux prédateurs qui les entourent sans la présence de leurs parents : goélands, faucons ou des chiens qui voient courir ces petites bestioles de dix grammes à peine dans le sable. "Pour les chiens, ces oisillons sont comme des croquettes sur pattes".
Malgré la multiplicité des sources d'information, la communication mais aussi les rondes effectuées par les agents du Parc, les arrêtés préfectoraux, municipaux, la collaboration avec la police municipale des villages concernés, les violations des espaces protégés se poursuivent en Roussillon. Triste constat que ce dérangement d'espèces protégées et une infraction, on le rappelle, au code de l'environnement.
Plan B, des couvées de remplacement
"Cette saison partait super bien" nous lance Thierry Auga-Bascou, "on avait plus d'une centaine d'oeufs sur les quatre sites de ponte" mais tous ont subi des dérangements. Ces sites connus et identifiés de nidification du gravelot et de la sterne naine ont donc tour à tour été abandonnés par les oiseaux adultes. Par chance certaines colonies tenaces se sont rabattues sur de nouveaux emplacements. On appelle ça des "couvées de remplacement".
Les oiseaux ont ainsi établi leur Plan B sur d’autres lieux comme « le grau des conchyliculteurs » à Leucate ou la plage de « l’avant-port » sur la commune du Barcarès.
Les sternes naines ont tenté le tout pour le tout. Exception qui confirme la règle, on a une soixantaine d'adultes qui se sont installés au Barcarès à 25 mètres d'un club de plage avec de la musique, du passage. C'est le Groupe Ornithologique du Roussillon qui nous a prévenu. On a installé la mise en défens et bien c'est là que ça réussit le mieux. On a une trentaine de poussins dont 17 volants. C'est ce qui nous sauve la saison. Sur ce site les gens ont super bien respecté les barrières.
Thierry Auga-Bascou, inspecteur environnement à l'Office Français pour la Biodiversité (l'OFB)
Deux stagiaires ont pris la responsabilité de visiter tous les trois jours ce site de ponte peu académique pour des sternes naines. Une présence constante qui a permis une communication directe et quasi quotidienne avec les usagers de la plage et du club pour un résultat qui permet de regagner confiance en l'humain et ses capacités à prendre soin de son environnement.
Effets Mer pour en savoir plus sur les oiseaux nicheurs
Au-delà des différentes patrouilles durant la période de nidification sur les plages des Pyrénées-Orientales, le Parc naturel marin du Golfe du Lion et l'Office Français de la Biodiversité ont lancé une opération communication à l'attention du grand public.
Son nom "les Effets Mer", un évènement du style "bar des sciences" où scientifiques et agents de terrain pour la défense de notre environnement viennent échanger avec le grand public pour un moment convivial et en toute décontraction. Objectif : informer et sensibiliser aux enjeux de l'environnement animal et végétal.
Après plusieurs éditions consacrées aux tortues marines, aux requins ou encore aux méduses, la cinquième rencontre des Effets Mer sera dédiée aux oiseaux nicheurs, sterne naine et gravelot à collier interrompu, évidemment mais aussi aux "oiseaux waouh", ceux qu'on ne s'attend pas à trouver en Méditerranée comme le Pingouin Torda ou le Macareu Moine et pourtant ils sont bien présents au large de la côte catalane !
"Ces oiseaux que vous ne pensiez pas trouver là ?", Mercredi 7 août, de 19 à 21h - Le Barcarès au Bar de plage "Chez Ginette".
Petit rappel de la réglementation et des précautions à prendre
- Respectez les zones balisées.
- Tenez strictement votre chien en laisse aux abords des zones identifiées.
- Évitez de fréquenter le haut de plage, les dunes de sable ou végétalisées en arrière-littoral.
- Si vous voyez un oiseau posé au sol qui vous semble blessé ou pousse des cris répétés, éloignez-vous au plus vite car il s’agit de la manœuvre d’un oiseau adulte destinée à vous tenir à distance du nid ou une alarme indiquant la présence d’un nid ou de poussins.