Exhumation de Franco : les enfants des républicains espagnols de Prats-de-Mollo face à leurs souvenirs douloureux

La dépouille du dictateur espagnol décédé en 1975 a été exhumé, jeudi 24 octobre, du mausolée du "Valle de los Caidos", en Espagne. Il a été transféré vers un caveau familial à Madrid. Des images qui font ressurgir les souvenirs douloureux des enfants des républicains espagnols à Prats-de-Mollo.

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Quarante-quatre ans après sa mort, le dictateur Franco a été exhumé jeudi 24 octobre du monumental mausolée de Valle de los Caidos, où sa présence était très controversée. Sa dépouille a été transférée dans le caveau familial, dans au cimetière au nord de Madrid. Cette décision a été prise pour que ce mausolée ne puisse plus être un "lieu d'apologie" du franquisme. 

À Prats-de-Mollo, dans les Pyrénées-Orientales, cet évènement a été suivi de près. Depuis 80 ans, la mémoire de 36 républicains espagnols repose dans le cimetière de ce village qui en 1939 a accueilli 100.000 exilés fuyant le franquisme.

Besoin de justice


Floréal Falco, 83 ans, est un enfant de la Retirada, fils de républicain espagnol. Au lendemain de l'exhumation du corps de Franco, il exprime son amertume. Il aurait souhaité un traitement différent pour le dictateur. 

On a beaucoup souffert pendant la Retirade. Mon père a fait 11 mois de camp à Argelès. ​​​​​​C'est à cause que cet homme que je suis en France depuis 80 ans. C'est la même famille qu’Hitler et que Mussolini. Je ne veux plus en entendre parler de cet homme, il ne faut plus qu’il y ait de trace de ces gens là.

Pour lui, c'est un besoin de justice au regard des autres défunts qui reposent loin de leur famille. 

Ce que je voudrais, c’est de la même façon qu’on l’a exhumé, qu’on rende tous les républicains qui sont aussi au Valle de los Caidos à leur famille. Il y a très longtemps que les familles ont demandé à récupérer ces corps-là, et on leur a toujours refusé.


Des souvenirs qui ressurgissent

Ces images du cercueil de Franco, diffusées en direct, ont choqué les personnes chez qui les plaies du franquisme sont encore ouvertes. Michel Ferrer avait 6 ans lorsqu'il a fuit l'Espagne avec ses parents.

Je n’y pense pas chaque jour, mais on a tant souffert dans la famille, mes parents, mes frères, mes cousins… que je ne peux pas me le sortir de ma tête
Michel Ferrer, fils de républicain espagnol

Une histoire transmise à son fils, aujourd'hui maire de Parts de Mollo. Dans la famille, personne n'a oublié les horreurs du franquisme. Il les racontent encore aujourd'hui avec émotion.

Mon grand oncle qui était maire de son village n'a pas voulu le quitter à l'arrivée des troupes franquistes. Il a été attaché à des chevaux, ils l’ont traîné jusqu’à ce qu’il n’ait plus de peau. Il a été enterré à moitié vivant avec sa femme dans une colline, les mains dehors. Le frère de mon père, on n'a jamais retrouvé son corps. Donc tout ça on le vit difficilement. Franco mériteraient d’être enterré avec ces pauvres gens.
- Claude Ferrer, maire de Prats de Mollo


Un transfert contesté

Le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, avait fait du transfert de la dépouille du dictateur une priorité dès son arrivée au pouvoir en juin 2018. En 2017, un vote du Parlement espagnol avait demandé l'exhumation de Franco, mais était resté lettre morte en raison de l'opposition du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
 


L'opération a ensuite été retardée de plus d'un an par les recours en justice successifs des descendants du dictateur. À l'arrivée à Madrid du cercueil, plusieurs centaines de partisans du franquisme l'y attendait, même si leur manifestation avait été interdite. Certains ont effectué un salut fasciste.

Pas sûr que l'exhumation du corps du "Caudillo" suffise à panser les plaies de près de 40 ans de dictature en Espagne.
 
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