La guerre en Ukraine relance le projet de gazoduc MidCat/Step, pourtant abandonné en 2019. Une infrastructure coûteuse qui permettrait d’assurer l’interconnexion gazière entre l'Espagne et la France, dont ne veulent pas les populations du Roussillon et de l'Aude.
Le projet de gazoduc baptisé MidCat (Midi-Catalogne) lancé en 2013 devait relier, via les Pyrénées, Hostalric au nord de Barcelone à Barbaira, dans l'Aude, à l’est de Carcassonne. Son but était de faire remonter vers le nord de l'Europe, le gaz en provenance d’Algérie, un pays qui fournit déjà 11% du gaz consommé dans l'Union européenne.
Mais le projet a été abandonné en 2019. Il était jugé trop cher, estimé à 500 millions d'euros, trop invasif pour l'environnement et à l'époque, pas indispensable à l'approvisionnement en gaz de la France et de l'Europe.
Une interconnexion sud-nord pour seulement 120km de gazoduc
Ce gazoduc existe déjà jusqu'au Sud de Gérone, en Catalogne. Il était donc prévu de le prolonger à travers les Pyrénées via Le Perthus jusqu'à une jonction du côté de Carcassonne. Le but étant d'approvisionner l'Europe en gaz liquéfié venu d'Algérie et des Etats-Unis. Mais l'Union européenne y a renoncé pour des raisons économiques notamment.
L'Espagne ne possède actuellement que deux connexions avec les gazoducs français, à Irún (Pays-Basque) et Larrau (Navarre). Or, ces 2 pipelines n'ont qu'une faible capacité de livraison.
Ce projet pourrait-il être relancé au vu du nouveau contexte international ?
La ministre espagnole de l'Économie, Nadia Calviño, s'y est dite favorable, tout en insistant sur le fait que cette interconnexion devait concerner également le transport d'"hydrogène vert" et pas seulement de gaz.
Même discours de l'Europe délivré par Ursula von der Leyen.
"Nous devons travailler sur les interconnexions. C'est l'une de nos priorités".
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Un message également relayé par le ministre portugais des Affaires étrangères, Augusto Santos Silva, favorable à la création d'un gazoduc supplémentaire entre l'Espagne et la France.
Les experts sont plus réservés
Pour Gonzalo Escribano, chercheur à l'institut Elcano de Madrid "le contexte a changé" et pourrait justifier "de remettre le projet sur les rails". Mais "même si on délivre un permis maintenant, les travaux dureront des années, alors que les besoins concernent l'hiver prochain", prévient-il.
"Un projet comme cela, c'est au moins quatre ou cinq ans de travaux, ce n'est pas une solution de court terme", abonde Thierry Bros, sceptique sur l'utilité d'une telle infrastructure, d'autant que "la capacité de l'Algérie à suppléer l'offre russe est limitée".
Déjà en 2019, les régulateurs de l'énergie en France et en Espagne étaient contre le gazoduc MidCat.
La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) en France avait annoncé avoir rejeté le projet de gazoduc. Tout comme son homologue espagnol CNMC expliquant que "le projet, dans sa configuration et ses capacités actuelles, ne répondait pas aux besoins du marché et ne présentait pas une maturité suffisante pour pouvoir faire l'objet d'une décision favorable". Conséquence, faute des financements de ces 2 organismes, le projet de gazoduc France-Espagne est resté dans les cartons.
Des opposants en Occitanie
Les opposants d'hier et d'aujourd'hui scrutent maintenant la position du gouvernement français sur ce dossier et celle de l'Europe. Car le projet avait soulevé un grande contestation écologiste entre 2013 et 2019.
Le projet initial concernait 44 communes de l'Aude et 51 des Pyrénées-Orientales.
Le gazoduc devait être enterré à 1 mètre de profondeur minimum et aurait dû avoir un diamètre de 90 cm avec 7 à 8 "postes de sectionnement", entre la frontière espagnole et Barbaira qui servent à la surveillance et à la maintenance du réseau.