Bloqué et stationné depuis 2012, sur une piste, non loin de l'aéroport de Perpignan-Rivesaltes, l'avion présidentiel de l'ancien dictateur libyen ne sera pas vendu aux enchères. Le conglomérat koweitien qui réclamait la vente de l'A.340 a été débouté par la justice mais un appel reste possible.
Une mainlevée de la saisie sur l'ancien avion personnel du dictateur libyen Mouammar Khadafi, effectuée par le conglomérat koweïtien Al-Kharafi, a été prononcée lundi par le tribunal de grande instance de Perpignan, a-t-on appris de sources judiciaires. En clair, la demande des débiteurs a été rejetée par la justice et l'A.340 VIP ne sera pas vendu aux enchères. Il reste la propriété de 'l'émanation de l'Etat libyen", dixit le tribunal de Perpignan, Etat qui n'a pas l'argent pour payer la facture de maintenance.
Le juge de l'exécution du TGI de Perpignan a estimé que "l'État libyen avait renoncé à son immunité d'exécution" (ndlr - son droit à refuser l'application d'une juridiction étrangère sur ses propres biens), mais que cette renonciation "ne concernait pas les activités de souveraineté", en l'occurrence cet Airbus A340 de Khadafi que le tribunal a considéré "comme présidentiel", a expliqué Me Rémi Bérousse, défenseur de la société Al-Kharafi.
Un avion de luxe tout neuf qui aurait été mis à prix à 60 millions d'euros
L'avion, luxueusement aménagé et même érigé en symbole de l'outrance du dictateur par les rebelles, avait fait l'objet d'une saisie par Al-Kharafi qui comptait le revendre, avec une mise à prix de 60 millions d'euros. Il est stationné depuis 2012, juste après la chute du régime, sur l'aéroport de Perpignan où il a bénéficié de maintenance non payé pour quelque 3 millions d'euros dans le cadre d'un contrat signé avec Air-France.
C'est une très grande satisfaction de constater que le juge a reconnu l'immunité de l'exécution à l'égard de cet avion qui appartient à l'état de Libye", a commenté Me Carole Sportes, pour l'agence gouvernementale libyenne.
Me Bérousse, qui avait soutenu à l'audience le 19 octobre que l'État libyen avait renoncé implicitement à son "immunité d'exécution" en acceptant le recours à un jugement arbitral en 2013, envisageait d'interjeter appel.
Au centre de cette bagarre, une créance "absolument extraordinaire", selon Me Sportes, reconnue par une sentence du tribunal arbitral du Caire.
En 2006, le groupe Al-Kharafi avait signé un contrat avec le régime de Khadafi pour la construction d'une station balnéaire aux bords de la Méditerranée, qu'elle devait exploiter pendant 90 ans. Mais en 2010, le régime a unilatéralement résilié la concession.
Le groupe koweïtien a alors utilisé une clause du contrat pour saisir, par l'intermédiaire de la Ligue Arabe, un tribunal arbitral du Caire, lequel a tranché en son sens en 2013 : il a accordé une créance de 935 millions d'euros, additionnée de 4% d'intérêts à compter du prononcé.
C'est fort de cette sentence qu'Al-Kharafi a voulu saisir l'avion.
La cour de cassation au Caire vient d'autoriser l'étude d'un recours sur l'arbitrage, ont indiqué les deux avocats.
Aujourd'hui, deux gouvernements rivaux s'opposent en Libye : l'un, dominé par la coalition de milices - pour partie islamistes - Fajr Libya, siège à Tripoli, et l'autre, qui est reconnu par la communauté internationale, est basé dans l'est.