Laurent Boyet, 49 ans, est une victime de l'inceste. En 2017, ce capitaine de police publie son histoire "Tous les frères font comme ça". Un livre qui raconte les viols que son frère lui a fait subir. Aujourd'hui, la médiatisation de l'affaire Duhamel relance son action pour briser les tabous.
"Les révélations du livre de Camille Kouchner ont provoqué tout à coup un déferlement de témoignages. La parole se libère enfin avec le hashtag #metooinceste et c'est tant mieux. Je voudrais que cette vague ne s'arrête jamais".
Laurent Boyet salue ce déchainement médiatique et cette mise en lumière. Lui qui en 2017 a confié dans un livre intitulé "Tous les frères font comme ça", les viols que lui a fait subir son frère durant trois années. Il avait alors tout juste 6 ans. Mais lui ne faisait pas partie de la "familia grande". Son nom n'était pas connu. Il était seulement un simple officier de la police aux Frontières à Perpignan qui brisait dans son coin le tabou de l'inceste.
Ce livre "Tous les frères font comme ça" a permis de me libérer et de me reconstruire. Le poids de plus de trente ans de silence était trop lourd à porter. Et depuis, je milite pour que les victimes parlent sans aucun tabou.
Création de l'association "les papillons"
Dès la publication de son histoire, Laurent Boyet donne des conférences pour démontrer que "la honte des victimes peut changer de camp". Il rencontre des responsables politiques, des députés au président Macron en passant par Marlène Schiappa et intervient dans quelques médias. Dans l'émission de Marina Carrère d'Encausse "Le monde en Face" sur France 5, il entend le témoignage émouvant de la petite Lily elle aussi une victime de l'inceste, une fillette qui dit aimer les papillons. Un déclic pour Laurent, suffisant pour créer en 2019 l'association "Les Papillons".
Elle compte à ce jour 500 adhérents. Sa mission : libérer la parole des enfants victimes de maltraitances quelles qu'elles soient et le plus tôt possible mais aussi proposer des "outils" afin de "réparer" les blessures et surtout briser l'omerta.
Il faut savoir que l'on estime à 165 000, le nombre d'enfants qui sont victimes chaque année de viols et d'agressions sexuelles. Soit, un enfant toutes les trois minutes !
Depuis, l'onde de choc de l'affaire Olivier Duhamel, l'association reçoit des témoignages. "Le week-end dernier, il y a eu plus de quatre vingts messages. Les gens nous racontent leurs souffrances. J'espère que cela va continuer. Déjà #metooinceste a quitté le top 20 des hashtag de twitter. Nous nous devons d'aider les victimes en souffrance psychologique. Il faut à présent que l'ancien monde s'écroule pour les agresseurs comme pour ceux qui savent."
Et Laurent Boyet de poursuivre : "Il faut que les victimes déposent plainte même si les faits se sont déroulés au delà des trente ans de prescription. La justice appréciera et donnera une décision."
Aujourd'hui, l'association réclame la création d'un numéro spécial Info Service Inceste ainsi que la diffusion de spots de prévention et d'information sur les chaînes de télévision.
Elle vient de lancer est la mise en place de boîtes aux lettres dans les écoles pour que les jeunes victimes de violences sexuelles lancent un appel au secours. "On s'est aperçu que le 119, le numéro dédié aux violences sexuelles faites aux enfants, n'était pas utilisé. Ils ne disposent pas obligatoirement de téléphone" fait remarquer Laurent Boyet. " Avec ces boîtes, ils peuvent glisser leur message avec leur nom et prénom, à l'abri des regards, d'autant plus que nous les installons dans les toilettes".
Déjà quelques établissements dans le Finistère ont accepté de leur mise en place. "Cela prend parfois du temps. D'une part, il faut convaincre l'administration scolaire pour qu'il informe les élèves. Et d'autre part, nous avons besoin de bénévoles pour relever le courrier qui est décrypté ensuite par une cellule nationale composée de policiers, d’éducateurs spécialisés et de psychologues".
Des boîtes aux lettres dans les écoles et les clubs sportifs à Perpignan
A Perpignan, Chantal Bruzi, conseillère municipale d'opposition, a convaincu ses collègues lors du conseil de décembre dernier "Nous allons réunir les acteurs de l'Education Nationale, les services techniques de la Ville pour installer ces boîtes dans toutes les écoles. Dés la rentrée prochaine tout sera en place et le dispositif sera même étendu dans les clubs sportifs"
Laurent Boyet fonde beaucoup d'espoir avec toutes ces actions: "Il faut que la société toute entière participe à cette prévention. Je sens qu'elle est prête aujourd'hui à libérer la parole pour protéger ses enfants."
Mais pour lui, le combat contre l'inceste ne fait que commencer.