Robert Mazziotta a quitté son Algérie natale en 1962 à l'âge de 13 ans. Ce chirurgien à la retraite a publié ses souvenirs afin de "réconcilier les mémoires". Un ouvrage qui fait écho au récent rapport de Benjamin Stora portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie.
"Les mémoires réconciliées" : à la fois un titre et un message rempli d'espoir et de tolérance. Robert Mazziotta dévoile, à travers le récit de ses souvenirs, une histoire parmi celle des 700 000 Français d'Algérie qui ont tout laissé derrière eux pour s'exiler en Métropole en 1962.
Lui a quitté Oran, sa ville natale, le 2 juin avant la déclaration d'Indépendance de l'Algérie la ville. Il a alors 13 ans. Les treize premières années de sa vie sont bercées par le soleil et les senteurs des quartiers Boulanger et Miramar. Le jeune Robert reste néanmoins le témoin des "évènements". Les accords d'Evian signent la fin d'une guerre et le cessez-le-feu, pour lui, la fin de son enfance. Départ précipité. Traversée en bateau jusqu'à Marseille pour rejoindre Epinal. Un choc ! Mais ses parents sont là, l'entourent. Une nouvelle vie alors commence. Il passe le bac, puis repart vers le sud, à Montpellier où il entreprend des études de médecine. Il devient chirurgien et exerce à Perpignan dès 1980.
" Ce livre que j'intitule "les mémoires réconciliées" est avant tout une démarche citoyenne et non littéraire. À travers ces pages, je fais part de mon évolution personnelle. Je raconte mon histoire avec mon propre ressenti, cette déchirure en quittant l'Algérie. J'y avais toutes mes racines" confie Robert Mazziotta aujourd'hui à la retraite. "Cet exil était difficile à vivre. D'autant plus que l'accueil parfois n'était pas chaleureux. Un traumatisme pour nous les Pieds Noirs".
Nous avons tous souffert dans ce conflit. Nous, les musulmans et les militaires. Nous avons subi une politique de décolonisation désastreuse. Nous aurions pu éviter tant de morts.
A leur place, j'aurais fait la même chose
Avec du recul, Robert Mazziotta " comprend que certains Algériens aient eu envie de leur indépendance. Si j'avais été à leur place, j'aurais fait la même chose, car toutes les infrastructures que les colons ont apportées étaient utilisées pour eux-mêmes et non pour les Autochtones. On ne peut pas vanter les bienfaits de la colonisation. Il serait impossible aujourd'hui de penser qu'on pourrait aller coloniser un autre pays comme on l'a fait. Cependant, il ne faut pas être naïfs : il y a maintenant des colonisations économiques qui exploitent la main d'œuvre des pays en voie de développement. On subit d'ailleurs des retours de bâtons avec cette crise de la Covid. On tente de relocaliser à présent."
Crime contre l'humanité
Alors, reconnaître que la colonisation peut rentrer dans la catégorie des crimes contre l'Humanité ne dérange pas Robert Mazziotta. " En 2005, j'étais aussi contre l'amendement qui vantait les bienfaits de la colonisation. Heureusement, il n'est pas passé. "
L'histoire de l'Algérie, selon lui, doit s'écrire encore. " Il y a encore des zones d'ombre. Tout n'a pas été révélé. Il y a eu de toutes parts, des crimes abominables qui hantent encore les mémoires. Mais à présent nous devons tous lâcher nos rancœurs. Nous sommes nés sur la même terre. Nous, les Pieds Noirs, étions aussi en quelque sorte des Indigènes. Nous avons une histoire commune et cela nous relie tous ensemble. Alors dire que la France doit s'excuser aujourd'hui cela ne me gêne pas. Mais la repentance oui." s'exclame-t-il.
Je n'ai pas à me repentir d'être né en Algérie. Il est avant tout nécessaire de bien écrire l'Histoire et reconnaître les faits, les exactions, les violences de tous les côtés. Et chacun jugera.
Aujourd'hui Robert Mazziotta s'émeut de voir tant la souffrance de ces jeunes Harragas qui traversent la Méditerranée malgré tous les dangers. "Il faut être très malheureux pour risquer sa vie. Nous devons avoir un regard bienveillant envers ces migrants qui viennent en France. Tous recherchent un monde meilleur que celui qu'ils quittent. Tout comme l'ont fait mes ancêtres en Algérie"
En mars 2022 ce sera le soixantième anniversaire de la fin de 130 années de colonisation française en Algérie. Robert Mazziotta reste optimiste et garde l'espoir pour que " Les mémoires réconciliées " deviennent enfin une réalité.