C'est un fait devenu désormais banal dans les Pyrénées-Orientales. Les médecins généralistes libéraux qui partent à la retraite ne sont souvent pas remplacés ce qui les désolent. Mais c'est aussi une source d'inquiétude pour les patients qui vont se retrouver sans médecin traitant.
À Perpignan, le 31 mars prochain, le docteur Serge Sicard part à la retraite. Originaire de Montpellier où il a fait ses études de médecine, ce généraliste s'est installé en 1984 dans le quartier du Moulin à vent. "A l'époque, j'ai dû acheter la patientèle d'un médecin qui terminait sa carrière. Nous étions dix médecins dans le quartier. Et aujourd'hui, nous ne sommes plus que 5 pour la même population depuis le départ de deux autres confrères il y a deux ans qui n'ont pas été remplacés", se désole Serge Sicard.
Ce qui est consternant, c'est que depuis que j'ai décidé d'arrêter il y a 6 mois, je n'ai pas encore trouvé un successeur. Je ne demande rien en échange. Je donne ma patientèle mais aucun de mes jeunes confrères ou consoeurs ne sont intéressés. Donc, il y a urgence pour mes patients qui vont se retrouver sans médecin traitant.
Et cela pourrait bien arriver. Car dans ce quartier sud de Perpignan, les quatre autres médecins sont déjà saturés. Autour de 2.000 patients chacun. Alors pas question d'en prendre davantage. "Où va-t-on aller pour se faire soigner maintenant ?" s'alarme Jacqueline, 76 ans une des 2.000 patients du docteur Sicard.
Je vis seule. Je n'ai pas de voiture. Je ne peux pas aller à l'autre bout de la ville pour trouver un autre médecin-traitant.
Guillaume Dubois, le directeur de l'ARS 66, l'agence de santé des Pyrénées-Orientales, est conscient du problème. "C'est vrai que les installations de médecins généralistes en libéral ne se bousculent pas. Nous les incitons à venir en milieu rural mais en ville rien n'est vraiment prévu. Concernant les patients qui voient leur médecin partir à la retraite, nous leur conseillons de récupérer leur dossier médical et de contacter le médiateur de l'Assurance Maladie à Perpignan. Il pourra à ce moment les diriger vers d'autres médecins selon leur zone géographique".
Pénurie dans les Pyrénées-Orientales ?
Selon les statistiques du conseil de l'Ordre des Médecins 66, le nombre de médecins généralistes est passé de 832 en 2010 à 1.204 en 2019. "Cela peut paraître paradoxal car il y a une forte augmentation en 10 ans" constate Jean-François Loève, le président de l'Ordre des Médecins. "Mais ces chiffres comprennent tous les généralistes quel que soit leur exercice ou leur type d'activités.
Beaucoup de généralistes se tournent vers des offres d'emploi stables dans les administrations, les hôpitaux et les cliniques. Ils ne veulent pas exercer en libéral comme nous qui avons des journées bien remplies et des scrupules pour prendre seulement trois semaines de vacances. Ils veulent voir grandir leurs enfants.
Et de poursuivre : "C'est aussi compréhensible. Il y a maintenant trop de charges administratives. Alors les jeunes se dirigent en libéral vers les maisons de santé pluri-professionnelles. Mais il n'y en a pas beaucoup pour l'instant. Cela mutualise les besoins en secrétariat. Et puis cela leur permet de prendre des vacances plus facilement et que leurs patients soient suivis en cas d'urgence par le ou la collègue".
En 10 ans dans les Pyrénées-Orientales, l'âge moyen des médecins généralistes libéraux est passé de 55 à 58 ans et demi. Une population vieillissante due par ailleurs à la réduction drastique des réussites au concours d'accès en seconde année en école de Médecine, le fameux "Numérus Clausus" mis en place en 1971.
En mars 2019, les députés ont voté une loi pour le supprimer. Mais les effets sur l'augmentation des étudiants diplômés ne se feront sentir que dans 6 ou 7 ans.
Pour Romain Grau, le député LREM de la 1ère circonscription des Pyrénées-Orientales "le problème du manque de médecins dans le département n'est pas encore réglé car les jeunes médecins préfèrent les grandes villes universitaires comme Paris, Toulouse, ou Montpellier."
C'est pour cela que nous travaillons pour que le centre hospitalier de Perpignan devienne universitaire, c'est à dire un CHU rattaché à la faculté de médecine de Montpellier. Ainsi, nous aurions chaque année de 40 à 80 internes qui seraient en poste à Perpignan.
"En espérant, leur faire aimer le pays catalan afin qu'ils s'y installent à l'issue de leurs études. Mais il faut attendre au moins cinq ans" conclut le député.
Pour l'instant, le manque de médecins de famille en Roussillon est un véritable problème. A croire que le soleil du sud et la proximité de la mer ne suffisent plus à convaincre les éventuels candidats du Nord de la France.
Aux dernières nouvelles, le docteur Sicard vient de recevoir enfin un premier CV... posté de Cuenca entre Madrid et Valencia en Espagne !