Succulentes, rampantes mais très envahissantes, les griffes de sorcière pullulent sur le littoral méditerranéen et menacent nombre d'autres espèces végétales endémiques. En Pays Catalan, à l'instar de d'autres départements, une lutte contre cette plante, devenue nuisible, est engagée. Exemple sur la commune du Barcarès dans les Pyrénées-Orientales.
Avec ses fleurs roses flashy, la griffe de sorcière se pare de ses plus beaux atours d'avril au mois d'août voire septembre... Cette plante vivace est très appréciée pour son esthétique. On la voit donc un peu partout dans les jardins mais aussi sur des sites naturels et là est bien le problème car la "belle" nuirait à la flore locale. C'est le cas, par exemple, sur le Parc Naturel des Dosses au Barcarès dans les Pyrénées-Orientales. Sur ce site, en lisière du complexe lagunaire protégé et classé zone "Natura 2000", s'étendent à perte de vue de larges tapis de couleur vert et rouge profond.
Le problème de la griffe de sorcière, c'est qu'elle a tendance à recouvrir le sol de façon homogène. Elle empêche toutes les autres plantes de s'exprimer et de germer. Du coup, on a une homogénéisation des milieux avec une perte de toutes les plantes locales ou endémiques puis tous les polinisateurs puis tous les prédateurs de ces polinisateurs. C'est donc toute une chaîne qui s'écroule à cause de cette espèce envahissante.
Jean-Alexis Noël, Syndicat Mixte Rivage
Une plante grasse originaire d'Afrique du Sud
Originaires d’Afrique du Sud, les Carpobrotus (nom scientifique de la griffe de sorcière) ont été introduits dans les années 1960 sur les côtes méditerranéennes comme plante ornementale et pour cicatriser des talus. Utilisé dans le but de stabiliser les régions côtières, notamment les cordons dunaires et les plages, le carpobrotus semblait, sur le papier, le candidat idéal. Croissance rapide, capacité de fixation du terrain, grande résistance à la sécheresse, au feu et aux embruns.
Les griffes de sorcière, ce sont cependant, révélées être une menace pour la biodiversité des écosystèmes locaux en devenant une espèce invasive empêchant le développement de toute autre plante. Jean-Alexis Noël est chargé de mission au Syndicat mixte Rivage, responsable de la gestion de la lagune et des espaces naturels sur les Pyrénées-Orientales. Devant lui, un parterre de griffes de sorcière forme une sorte de cordon tout autour d'un éphédra, également appelé "raisin de mer".
C'est un cas typique de colonisation envahissante. On voit comment la griffe de sorcière enserre l'éphédra. C'est un véritable combat et souvent la griffe de sorcière est compétitive sur ce genre de secteur. Quant à l'immortelle, juste à côté, et bien on se rend compte que clairement elle a déjà perdu le combat.
Jean-Alexis Noël, Syndicat mixte Rivage
Des campagnes d'arrachage pour rééquilibrer le milieu
Pour lutter contre la prolifération de cette espèce aussi envahissante que résistante à la sécheresse, le syndicat mixte Rivage organise depuis deux ans des campagnes d'arrachage sur des sites bien identifiés comme le celui des Dosses au Barcarès.
L'intérêt est d'éliminer la griffe sorcière sur une zone naturelle donnée, sur les fronts de colonisations notamment où on peut se permettre de préserver un secteur. Sur d'autres secteurs trop envahis ou alors s'il n'y a pas d'enjeu important, nous n'aurons jamais les moyens d'engager une lutte raisonnée.
Jean-Alexis Noël, Syndicat mixte Rivage
Clément est en service civique auprès du syndicat mixte Rivage. Il a déjà participé à l'automne à une première campagne d'arrachage. Un travail long et fastidieux mais qui semble s'avérer efficace à la longue malgré l'étendue de la tâche à accomplir.
Il y a beaucoup de volume. Le site des Dosses, c'est 160 hectares à couvrir. Sur une zone très envahie, durant un chantier de trois semaines et douze bénévoles, on a réussit à éliminer la griffe sur deux-trois hectares. C'est un travail long, physique mais il faut essayer d'endiguer la progression.
Clément Lioson, service civique à Rivage
Griffe de sorcière, toujours vendue en jardinerie
Devant les dizaines de monticules de griffes arrachées, laissées sur site en attendant qu'elles dégorgent l'eau qui les compose, Jean-Alexis Noël évoque la demande d'interdiction de vente formulée concernant la griffe de sorcière. Car aujourd'hui, paradoxalement, la plante est toujours vendue en jardinerie et parfois "s'échappe des jardins".
Il y a deux niveaux de vitesse. Avant qu'une espèce soit déclarée comme envahissante et interdite à la vente, le service juridique prend un peu trop de temps et souvent les espaces naturels en font les frais.
Jean-Alexis Noël, Syndicat mixte Rivage
La griffe de sorcière n'est pas la seule dans le collimateur des protecteurs de l'environnement. D'autres espèces comme le yucca ou l'herbe de la pampa représenteraient un danger pour la stabilité des milieux naturels. L'herbe de la Pampa est d'ailleurs officiellement passée dans la liste des plantes invasives que l’on ne peut plus commercialiser depuis avril 2023. Quid d'une décision semblable pour la griffe de sorcière ? Dans l'attente, les équipes de Rivage continueront de mener des campagnes d'arrachage afin de limiter les dégâts et se fixent une dizaine d'années pour arriver à redonner à la flore du Parc des Dosses sont équilibre d'antan.