Le crabe bleu profite du changement climatique pour prolifèrer en Europe. Ce crustacé originaire de l'Atlantique Ouest serait arrivé dans le ballast des porte-conteneurs. Souce d'inquiétude pour les pêcheurs albanais à cause de sa voracité, il s'est installé depuis trois ans sur le littoral catalan.
Le crabe bleu est aussi beau que bon ! Doté de pattes bleu vif et d'une chair délicieuse, le Callinectes sapidus possède aussi un tempérament combatif et un solide appétit.
La présence de ce crustacé, capable de nager 15 km par jour, a été constatée dans le delta de l’Èbre en Espagne en 2012, puis en 2014 en Corse. Depuis 2017, il colonise les côtes du golfe du Lion : on en voit de plus en plus dans les étangs, près de Perpignan notamment.
C'est le réchauffement climatique qui a rendu les conditions plus favorables à son developpement : selon Pascal Romans, responsable du service aquariologie de l’observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer, dans les Pyrénées-Orientales, "le crabe bleu est présent en Europe depuis la fin du 19eme siècle, mais sa population explose depuis quelques années. Il s'installe dans les espaces où la faune aquatique est en train de s'appauvrir ".
Deux millions d'oeufs par femelle
Considéré par les scientifiques comme une espèce invasive nuisible pour la biodiversité marine indigène, le crabe bleu est originaire d’Amérique du Nord. Présent au large des Etats-Unis, dans le Golfe du Mexique et jusqu'en Argentine, il s'est propagé à d'autres régions du monde via les eaux de ballast des navires.Omnivore, il coupe les filets, s'introduit dans les nasse et mange tout ce qu'il peut y trouver. ll est capable d'endommager les herbiers sous-marins qui servent de nurseries aux poissons locaux et de dévorer moules, escargots et poissons juvéniles.On trouve ce crabe dans les étangs de Thau, Salses. En 2019, on en a capturé 800 kilos dans l'étang de Canet-en-Roussillon.
"Il a déjà perturbé les équilibres naturels des populations indigènes, entraînant un déclin voire l'extinction de certaines espèces, en particulier de crabes locaux" explique Sajmir Beqiraj, professeur en hydrobiologie à l'AFP.
Chaque femelle pouvant pondre 2 millions d'eufs, sa capacité à se reproduire est impressionnante. Aujourd'hui, le crabe bleu figure parmi 100 espèces considérées comme les plus invasives de Méditerranée et de l'Adriatique.
Il ne faut pas le favoriser chez nous ! D'autant que son cycle de reproduction est déjà en route : on a capturé des individus nés sur notre littoral.
En Albanie, il pertube la pêche
Détecté en nombre sur la côte Adriatique de l'Albanie depuis 2006, il est devenu l'ennemi numéro un des pêcheurs locaux. Au sud de Tirana, dans le parc national du lagon de Karavasta, ce colonisateur aussi beau qu'agressif, il est regardé d'un mauvail oeil.Doté de pinces redoutables, le crabe bleu déchiquette les poissons jusque dans leurs filets et détruit les équipements de pêche. Les populations de loups et de rougets seraient en recul, les anguilles ont disparu, ont expliqué Besmir et Stilian, deux pêcheurs, à un journaliste de l'AFP.De jour en jour, le poisson devient rare. Ils nous prennent notre pain quotidien !
"Ils sont très agressifs et malins, une vraie malédiction ! Cette année, nous constatons que ce crabe est partout, sur la côte, au large mais aussi dans les eaux intérieures, les fleuves, les lagunes. Les dégâts sont énormes, l'un d'eux a même coupé une patte un flamant rose !"
Dans leurs filets, les deux pêcheurs expliquent ramasser certains jours jusqu'à 300 kilogrammes de crabes contre seulement cinq à six kilos de poissons.
Filière inexistante
La chair de ces crustacés est appréciée aux USA pour sa finesse, mais leur consommation n'est pas répandue en Albanie. Le kilo de crabe vaut 40 centimes d'euros contre 14 euros pour les rougets.En attendant une réaction de leur gouvernement, les pêcheurs se servent du soleil pour tuer les crabes. Ils les transportent jusqu'à la terre ferme pourqu'ils y meurent et n'aillent pas déposer leurs oeufs en mer.