Les Européens refusent de commenter sur le fond, le bras de fer toujours plus tendu entre Madrid et les indépendantistes catalans, mais sans parvenir à masquer leur malaise face à cette crise sans précédent dans l'Union Européenne.
A 8 jours du référendum sur l'indépendance de la Catalogne, une vingtaine d'opérations policières ont débouché sur l'arrestation de 14 cadres du gouvernement régional catalan et la saisie de millions de bulletins de vote, compromettant l'organisation de cette consultation interdite par la justice espagnole.
"Nous avons exprimé notre position plusieurs fois à tous les niveaux", a rappelé jeudi un porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas, pressé jeudi de commenter ces évènements.
Bruxelles répète inlassablement "la doctrine Prodi", du nom de Romano Prodi, un ancien président de la Commission, qui avait stipulé en 2004 qu'un Etat né d'une sécession au sein de l'UE ne serait pas automatiquement considéré comme faisant partie de l'Union.
La semaine dernière, Jean-Claude Juncker, l'actuel président de l'exécutif européen, a prévenu qu'il tiendrait compte des "arrêts de la Cour constitutionnelle espagnole et du parlement espagnol", autrement dit qu'il attendrait leur feu vert, avant de reconnaître une déclaration d'indépendance en Catalogne.
De Paris où l'on réclame le "respect du cadre institutionnel espagnol" à Bratislava où l'on demande d'agir "conformément à la Constitution espagnole", les chancelleries se conforment presque mot pour mot à la ligne suivie par Madrid.
Ce serait un "précédent terrible" pour l'Europe déjà en crise
"Une reconnaissance de la Catalogne créerait un précédent terrible pour l'UE, que Bruxelles aurait du mal à gérer et dont tout mouvement séparatiste pourrait se servir par la suite", relève Dan Dungaciu, le directeur de l'Institut d'études politiques et de relations internationales de Bucarest.
Contrairement à la plupart des autres capitales européennes, Madrid n'a d'ailleurs jamais reconnu l'indépendance du Kosovo, quitte à freiner les efforts diplomatiques européens en vue d'apaiser les tensions dans les Balkans.
Mais dans certains Etats membres, le malaise était perceptible après les opérations de police, auxquelles des milliers de partisans du référendum ont riposté en descendant dans les rues de Barcelone.
"Nous suivons tout ce processus avec une très très grande inquiétude", a admis jeudi un diplomate de haut rang, même si, "ce que nous disons en général à ce stade, c'est que nous faisons confiance à la démocratie".
"Même s'il agit dans le cadre de la loi, le gouvernement espagnol gère très mal cette situation", s'est alarmé un autre diplomate, s'exprimant lui aussi sous couvert d'anonymat. "Dépêcher la Guardia civil pour procéder à des arrestations envoie un signal très négatif", a-t-il insisté.
"Il ne s'agit pas juste d'indépendance, du oui ou du non. Il ne s'agit pas seulement des relations entre la Catalogne et l'Espagne (..) Il s'agit ici des droits civiques et des normes démocratiques" dans l'UE, a fulminé jeudi Amadeu Altafaj, le représentant du gouvernement catalan à Bruxelles.
"Nous comprenons tout à fait que la Commission ne veuille pas s'immiscer", mais elle devrait adresser "un message positif, constructif, qui encouragerait au moins les parties à engager un dialogue politique", a-t-il estimé.
Sans surprise, les indépendantistes catalans ont reçu le soutien d'autres dirigeants séparatistes comme la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, qui a appelé au respect du "droit à l'autodétermination des peuples", et le Flamand Geert Bourgeois, qui réclame "une médiation internationale".