Le tribunal administratif de Montpellier a débouté les associations opposées à la construction d'un golf près de Perpignan. Elles demandaient en urgence la suspension de la prolongation de la Déclaration d'utilité publique compte tenu de la crise climatique qui frappe les Pyrénées-Orientales et des modification substantielles apportées au projet initial.
Au téléphone ce vendredi matin, l'avocat de l'association "Agissons" ne cache pas sa déception : le tribunal administratif de Montpellier rejette la requête formulée par ses clients et deux autres organisations opposées à la construction d'un vaste complexe comprenant un golf, un hôtel-restaurant et 595 logements près du lac de Villeneuve-de-la-Raho. Tous réclamaient en urgence la suspension de l'arrêté préfectoral de décembre 2023 prorogeant la Déclaration d'utilité publique (DUP) du projet.
La justice considère en effet que ce programme n'a pas perdu son caractère d'utilité publique, tout en reconnaissant que le contexte climatique a changé et que la feuille de route initiale a subi des modifications substantielles. Les associations espéraient pourtant donner un coup d'arrêt aux premiers coups de pioches (des fouilles archéologiques préventives ont déjà commencé).
Ce qui nous déçoit, c'est que le juge n'a pas entendu nos arguments quand nous avons réclamé une nouvelle enquête publique. Pour nous, elle est justifiée dès lors qu'il reconnaît que le projet a été "substantiellement" modifié". Je pense qu'on va aller au Conseil d'Etat.
Maître Mathieu Pons-Serradeil, avocat de l'association Agissons
Vers un recours au Conseil d'État
Les associations et leurs conseils juridiques doivent se réunir dans le courant de la semaine pour envisager un éventuel recours devant le Conseil d'Etat. Et au-delà de ce jugement en référé, sur le fond de l'affaire, le tribunal reste saisi. Pour l'heure, aucune date n'est connue.
La veille, à l'audience, les porteurs du projet, à savoir la société d'aménagement de la ZAC Golfique et la municipalité de Villeneuve-de-la-Raho, ont voulu rassurer sur la question épineuse de la ressource en eau nécessaire au golf.
Réutiliser les eaux usées
Faisant référence à la possibilité d'utiliser les eaux usées et retraitées de la station d'épuration de la commune, l'avocat de la Ville a assuré : "en année habituelle, il n’y a pas de conflit d’usage. La station d’épuration a une capacité de 230000 mètres cubes d’eau par an. Or, le projet de golf a été revu pour passer d’un besoin de 200000 à 142000 mètres cubes".
Maître Philippe Gras, avocat de la société d'aménagement de la ZAC Golfique, a ajouté, confiant :
Une fois le golf construit, les arrêtés sécheresse s’appliqueront. Pas une goutte d’eau ne sera enlevée à l’irrigation ou à la consommation humaine. Et sur « une année de pluviométrie normale : on aura simplement à combler 17000 mètres cubes pendant l’été. On peut aller chercher l’eau chez BRL ou stocker des eaux usées et de ruissellement dans des bassins de rétention.
Maître Philippe Gras, avocat de la société d'aménagement de la ZAC Golfique
L'enjeu de la ressource en eau
Des arguments balayés par les opposants, défendus par Maître Mathieu Pons-Serradeil : "on sait qu’on va avoir des conflits d’usage de l’eau dès cet été donc évidemment que le projet a perdu son caractère d’utilité publique : on joue avec le feu ! Cette opération privée et lucrative va consommer l’équivalent d’une ville de 12000 habitants pour arroser un green. Villeneuve, c’est 3900 habitants. Comment leurs eaux usées suffiront-elles ? Il n’y a aucune acceptabilité à ce projet".
Alors que la sécheresse chronique qui frappe les Pyrénées-Orientales depuis deux ans plonge le département dans une crise climatique sans précédent et, selon les scientifiques, sans retour, le règlement de l'épineux dossier du golf de Villeneuve-de-la-Raho pourrait venir du politique.
Le ministre se saisit du dossier
En déplacement jeudi sur le territoire, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a rencontré la maire de la commune, à qui il a exprimé son "émotion de voir un projet de ce type (...) à un moment où le stress hydrique réel est présent". Il estime néanmoins qu'il ne faut pas l'abandonner. Mais il pourrait être redimensionné. Une réunion est prévue dans 15 jours.