Les retenues d'eau collinaires pourraient être une des solutions pour lutter contre la sécheresse, selon certains agriculteurs catalans. Un projet a été lancé depuis une bonne décennie dans les Aspres, mais il n'a toujours pas abouti, au grand regret des viticulteurs locaux.
Depuis plus de douze ans, les viticulteurs de Terrats et de Saint-Colombe-de-la-Commanderie, au sud de Thuir, dans les Pyrénées-Orientales, portent un double projet de retenue collinaire pour irriguer leurs vignes. Ces deux retenues auraient une capacité totale de 120 000 m3.
"L'idée est de remonter l’eau par une station de pompage au niveau du canal de Thuir pour alimenter un premier bassin sur la zone de Sainte-Colombe, puis un second un peu plus loin", explique Jerôme de Maure, maire de Saint-Colombe-de-la-Commanderie et référent du projet pour la Communauté de communes des Aspres.
Ces retenues irrigueraient une trentaine d'exploitations, soit 350 hectares. La sécheresse actuelle compromet la survie des vignes dans les Aspres, un territoire qui a toujours été plus sec qu'ailleurs dans le secteur.
On voit bien quand il y a des orages que ça part sur les vallées de la Têt et du Tech. Les Aspres, au centre, ne bénéficient souvent de rien. Tous les étés, on voit des orages s’étendre du Canigou et descendre côté Vallespir, on les voit glisser, mais ils ne s’approchent jamais.
Patrick Mauran, directeur de la cave coopérative de Terrats
Feu vert du gouvernement ?
Ces agriculteurs, lassés des lenteurs administratives et des contraintes environnementales qu'ils subissent, espèrent que la venue de Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture sur site le 15 février dernier, va changer la donne.
"Le ministre a parlé d’une autorisation dans les deux ans qui viennent. Pour la réalisation, il faut compter six mois à un an de travaux. Si on peut essayer d’avancer les autorisations pour faire sortir le premier tuyau dans les deux ans qui viennent, ce serait parfait !", affirme Jerôme de Maury, le maire de Saint-Colombe-de-la-Commanderie.
Les retenues collinaires, mieux que les mégabassines?
La seule retenue collinaire qui existe pour l'instant dans les Pyrénées-Orientales a été aménagée à Prats de Sournia il y a 20 ans. Alimentée par une rivière, elle retient 35 000 mètres cubes d'eau.
Ces retenues sont alimentées par ruissellement des eaux ou par cours d'eau, contrairement aux mégas bassines : là, l'eau est pompée dans les nappes phréatiques pour remplacer les prélèvements l'été.
Selon un rapport du Sénat, publié en novembre 2022, "les retenues collinaires sont globalement mieux acceptées que les retenues en plaine, [néanmoins] les opposants au développement des retenues soulignent qu’une stratégie fondée sur les retenues d’eau inciterait à ne pas réfléchir à une agriculture moins consommatrice d’eau et créerait un faux sentiment de sécurité, alors même que l’accélération du réchauffement climatique pourrait conduire ces retenues à être à sec (...)"
Toujours selon ce rapport, "les opposants contestent l’utilité de dépenses publiques importantes pour mettre en place des infrastructures qui ne bénéficieraient qu’à quelques agriculteurs".
En effet, France Nature environnement estime que ces retenues collinaires constituent une solution à très court terme et rappelle la nécessité de laisser les pluies de l’hiver recharger les nappes souterraines.
Pour Simon Popy, écologue et président de France Nature environnement Occitanie, "On va vite toucher la limite. L’extension de l’irrigation conduit à l’accroissement de la dépendance à la ressource en eau. Comme la ressource en eau de nos territoires diminue avec le changement climatique, et que les tensions autour de son usage se renforcent mécaniquement, la politique du toujours plus d’irrigation relève de la maladaptation".
Nous ne pouvons pas soutenir ce modèle de développement. Cela ne signifie pas que nous nous opposons à tous ces projets, s'ils ne sont pas sur un cours d'eau, s'il y a une vraie logique de substitution, si l'usage est alimentaire. Il faut regarder au cas par cas.
Simon Popy, président de FNe Occitanie
Cette association de défense de l'environnement, qui a déjà attaqué en justice des projets similaires en Haute-Savoie, s’interroge néanmoins sur "l’intérêt de stocker, en surface et à grands frais, de l’eau qui va s’évaporer et croupir. Moins d’eau sous terre, c’est moins d’eau rendue aux sources, donc plus de sécheresse. Nos voisins espagnols en font l’amère expérience : dans les régions les plus équipées de barrages, les sécheresses sont deux fois plus intenses et plus longues."
Écrit avec Phlippe Georget