La course aux parrainages s’intensifie au fur et à mesure que la date fatidique approche. Pour obtenir la précieuse signature, certains candidats n’hésitent plus à user de subterfuges pour pouvoir contacter les maires. Le maire d'Espira de Conflent (Pyrénées-Orientales) en a fait l'expérience.
Un trésor à Espira-de-Conflent ? C’est l’incroyable découverte annoncée par une mystérieuse personne qui a appelé la mairie de cette petite commune rurale des Pyrénées-Orientales, il y a quelques jours. Mais pour obtenir les détails, elle laisse son numéro de téléphone pour que le maire la contacte. “Pour moi, c’est un peu normal le fait de trouver un trésor à Espira parce qu’on a déjà trouvé un sarcophage, qu’on a un patrimoine riche et que beaucoup de personnes ici s’intéressent à l’histoire de notre région et de notre village”, explique Roger Paillès, le maire d’Espira.
Il rappelle donc mais comprend rapidement la supercherie. “Il me dit : oui, effectivement, on a un trésor pour vous. Et il commence à embrayer sur une demande de parrainage.” Loin de fonctionner, la méthode rebute et fâche l’élu : “Je trouve ça irrespectueux et pas très sérieux. On ne peut pas approcher un élu sous cet angle d’approche. C’est considéré l’élu comme un naïf et ça manque totalement de sincérité.”
Roger Paillès a choisi de taire le nom du candidat mais refuse de lui donner son parrainage, à lui mais aussi à tout autre candidat bien que les demandes arrivent en continu. “Moi, je n’ai aucune carte de parti et je suis bien comme ça. J’ai la liberté de pensée et j’ai une personnalité consensuelle”, précise le maire sans étiquette politique. En 32 ans de mandat, il n’a donné que deux fois son soutien au même candidat. “Je ne donne pas de parrainage par respect pour les idées qui sont variées au sein des habitants et de mon conseil municipal. Et puis je trouve qu’on manque de personnalités qui véritablement ont un dessein pour le pays et je suis un peu frustré par le manque de courage politique.”
De plus en plus d'élus frileux à l'idée de donner leur signature
Dans les Pyrénées-Orientales comme ailleurs en France, nombreux sont les élus réticents à donner leur signature. D’autant plus que depuis la dernière présidentielle, les noms des maires parrainant un candidat sont publiés par le Conseil constitutionnel. “Ce qui gêne les maires dans ce système de parrainage, c’est qu’il y a une identification au candidat”, analyse Edmond Jorda, le président de l’Association des maires des Pyrénées-Orientales. “Les citoyens pensent que lorsqu’un maire parraine un candidat, il partage forcément son programme et ses valeurs, or ce n’est pas tout à fait le cas. Il y a toujours eu des parrainages républicains pour permettre à des candidats de représenter une tendance dans l’opinion.”
Autre piste d’explication : le clivage de plus en plus marqué dans le débat politique français. “Les personnalités sont clivantes parce qu’il faut rassembler son camp au maximum pour pouvoir être élu”, précise Edmond Jorda. “Le ticket d’entrée pour le second tour est finalement relativement bas. A partir de là, il est clair que ça polarise, que ça hystérise même parfois les situations. Les maires n’ont pas envie de se retrouver mêlés à ça.” L’élu parle d'une pratique datée qu’il faudrait renouveler mais en attendant, les candidats poursuivent leur chasse au trésor, ou aux parrainages.
Le recueil officiel des signatures débute le 30 janvier et se termine le 4 mars prochain.