Réchauffement climatique : comment s'adaptent la faune et la flore au sein du Parc National des Pyrénées ?

Le réchauffement climatique a des effets sur la faune et la flore en plaine, mais aussi en altitude. Son impact est observé et étudié par le Parc national des Pyrénées. Christophe Cognet, le chef du service connaissances et gestion des patrimoines naturels, fait un point sur ces changements.

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En montagne, les températures sont de plus en plus clémentes, en témoignent les images régulièrement publiées sur la fonte des glaciers. Mais quel impact a le réchauffement de la planète sur les écosystèmes d'altitude ? Nous avons posé la question à Christophe Cognet, le responsable du service connaissances et gestion des patrimoines naturels du Parc national des Pyrénées.

Vous avez constaté des changements à votre niveau du fait du réchauffement climatique ?

Oui. On en constate avec l'arrivée d'espèces. Ce phénomène ne concerne pas forcément que la zone du parc, mais il y a des mouvements d'espèces, des mouvements de cortèges d'espèces dus au changement climatique. Ce n'est pas nouveau, mais on se rend compte qu'aujourd'hui, ça se produit de façon très rapide.

On a des épisodes comme les sécheresses qui sont plus forts et plus longs, et des changements aussi au niveau de la pluviométrie. Ces changements modifient les milieux naturels, les habitats des espèces. Si on prend l'exemple des forêts, la disparition du hêtre par exemple est écrite.

Aujourd'hui on a des endroits qui sont sans arbre du fait des conditions climatiques, de la hauteur et de la durée de l'enneigement. Mais au vu des conditions différentes, des arbres vont pouvoir s'installer là où ils ne peuvent se développer aujourd'hui donc les cortèges végétaux changent et les espèces animales changent en cascade.

Quels sont les espèces qui sont les plus mises à mal par ces changements rapides ?

Toutes les espèces voient leur habitat évoluer. Le plus difficile, c'est pour les espèces de très haute altitude, car contrairement aux autres, elles ne vont pas pouvoir retrouver leurs conditions de vie habituelles en cherchant plus haut. Donc à un moment donné, elles n'auront plus de substrat pour vivre. Ces espèces-là sont très menacées, comme le grand tétras et d'autres.

Est-ce le cas des isards par exemple ?

Non les isards peuvent vivre à plus basse altitude tout comme les bouquetins ou les mouflons. On trouve des bouquetins au bord de la mer. Ce dont ils ont besoin, c'est de falaises. Les espèces concernées sont celles qui vivent dans des milieux très froids, qu'on appelle des reliques glaciaires, qui sont restées après les glaciations, comme le grand tétras ou le lagopède alpin.

C'est la même chose pour les rivières. On nous annonce une baisse des débits de 30% et donc, forcément, ça va avoir un impact. Cela veut dire moins d'eau et des températures plus élevées. On sait par exemple, que les truites ont besoin d'un niveau de température pour se reproduire. Elles doivent frayer à 4° environ donc il se peut qu'elles aient des problèmes du fait des températures plus élevées et d'une moindre profondeur de l'eau.

On va avoir des espèces comme ça qui peuvent ne pas trouver les conditions pour diverses raisons. Il y a aussi celles qui ne disparaîtront pas, mais qui vont connaître une modification de répartition : elles vont devoir changer d'endroit et ne vivront peut-être pas aux mêmes altitudes. On peut avoir des espèces de plaine qui vont se réfugier en altitude. On s'attend à des déplacements d'espèces.

On le constate déjà aujourd'hui : on a des espèces qui arrivent d'Afrique et s'installent en France. C'est le cas de l'élanion blanc. C'est un petit rapace qui a un peu la corpulence du faucon crécerelle. Il est arrivé dans les années 90, il était observé en Espagne dès les années 70-80. Tout doucement il remonte. On le trouve jusque dans le nord de la France.

Il est capable de se reproduire toute l'année. Chez lui, il n'y a pas de saisonnalité. Il peut se reproduire 2 fois sans problème, 3 fois même. Il a gardé ça et s'adapte bien. Certains animaux arrivent à très bien vivre le changement. Autre exemple : une libellule à ailes pourpre a aussi fait son apparition, elle est devenue commune en montagne.

Est-ce que ces changements créent de nouveaux équilibres ?

On est parti pour des centaines d'années puisque le climat ne va pas se stabiliser. On ne sait pas faire à ce stade. On sait qu'il y aura encore des augmentations d'émission de gaz à effet de serre donc on sait qu'on continue de réchauffer. Le déséquilibre va être maintenu. Pour qu'on ait un nouvel équilibre, il faudrait des conditions de vie stables. Or on n'a pas stabilisé les émissions et quand on les aura stabilisées, on va chercher à les réduire parce qu'il fait trop chaud... Bref, on en a pour un long moment avant de retrouver un équilibre.

Il y a d'autres choses presque plus sournoises pour les espèces : certaines fonctionnent ensemble. Un écosystème, c'est un fonctionnement en chaîne. Or, il y a des changements dans la phénologie des espèces, c'est-à-dire les phases de développement saisonnier. Je pense à la flore : on peut constater dans son propre jardin que les végétaux ne fleurissent plus à la même période.

Ils peuvent fleurir plus tôt ou pas du tout si une sécheresse intervient. Si la fleur est pollinisée par un insecte qui a l'habitude de sortir, par exemple, au mois de mai et que la fleur est là un mois plus tôt, l'insecte pourra-t-il s'adapter ? Ces décalages phénologiques peuvent entraîner la disparition d'espèces.

Un papillon qui serait par exemple inféodé à une plante peut ne pas s'adapter si la plante n'est plus présente ou plus au même stade quand il apparaît. La papillon va-t-il se déplacer pour retrouver les mêmes conditions ailleurs ? Va-t-il pouvoir changer de plante ? Quelle capacité d'adaptation va-t-il avoir ?

Ce sont des réactions en chaîne qu'on peut imaginer, mais on ne sait pas réellement ce qui va se passer.

Vous avez vu comme ça disparaître certaines espèces de papillons ? 

Non. En montagne, on a peut-être un peu plus de facilité d'adaptation car il y a les fameux dénivelés. Des espèces trouvent refuge un peu plus haut, alors qu'en plaine, elles doivent aller plus au nord, changer de territoire. Donc pour l'instant, on voit beaucoup d'apparitions d'espèces et pas encore vraiment de disparitions, ça mettra un peu plus de temps.

On voit arriver des espèces colonisatrices qui ont des capacités de déplacement importantes comme les oiseaux, les insectes volants. En corollaire, on voit arriver de nouvelles maladies notamment d'Asie sur les animaux sauvages tout comme sur les animaux domestiques d'ailleurs.

C'est en partie dû au vecteur : beaucoup de ces maladies sont transportées par des tiques qui sont de plus en plus présentes. Les montagnards le disent : avant ils n'en voyaient jamais et maintenant certains endroits sont "blindés" de tiques. Des animaux sauvages, des ongulés comme les isards, les cerfs, les chevreuils peuvent être fragilisés par les maladies qu'elles véhiculent et aussi parce qu'elles peuvent être présentes en grand nombre sur un même individu et pomper son sang.

La marmotte est aussi victime de ces changements ?

La marmotte typiquement est une espèce qui pâtit du changement climatique. On a déjà des études qui montrent qu'à certaines altitudes, quand le manteau neigeux est beaucoup moins présent, moins longtemps, elle a une reproduction plus faible.

On aurait pu penser le contraire mais, en fait, quand elle sort de son hibernation, elle ne trouve pas assez à manger, c'est trop tôt. Elle est affaiblie et se retrouve à avoir froid dans son terrier qui n'est plus couvert et donc isolé par la neige. Son potentiel de reproduction est moindre car c'est l'état graisseux qui va déterminer le taux de fécondité.

Les conditions très chaudes ou les sécheresses peuvent affaiblir l'ensemble des populations, mais aussi l'arrivée de maladies. L'altitude conditionne aussi la survie. On ne sait pas par exemple ce qu'il va advenir du lièvre variable. Il n'y en a pas dans les Pyrénées mais il est étudié dans les Alpes. La question est : va-t-il rester brun toute l'année et pouvoir échapper à ses prédateurs ? Peut-être ou pas. En tout cas, la sélection va sûrement faire que les individus qui seront les moins blancs dans les périodes où il ne faut pas l'être, seront moins prélevés. On revient à la sélection naturelle. On revient à Darwin.

Dans les choses qui évoluent et qui sont constatées, il y a aussi la modification des dates d'arrivée de migrateurs comme les passereaux, mais aussi des oiseaux plus gros comme les grues ou les cigognes qu'on voit de plus en plus. Ces dernières recolonisent beaucoup l'ensemble du Piémont pyrénéen.

Météo Pyrénées a publié un tweet avec le chant des cigales à 1000m d'altitude en Ariège, c'est surprenant pour vous ?

Non, on voit des cigales assez haut enfin on les entend surtout. Elles se sont échappées du pourtour méditerranéen depuis longtemps. Elles remontent vers le nord et l'ouest. On n'y fait pas attention parce qu'on ne les voit pas. La cigale stridule à une certaine température seulement. Quand on l'entend, elle est peut-être déjà là depuis 10 ans car elle a une période larvaire très longue. Elle peut rester en terre pendant 10 ans avant d'émerger.

Donc on ne les entendait pas parce que les conditions météo n'étaient pas requises en terme de température, mais elles étaient là depuis 10-15 ans.

Qu'en est-il des reptiles ?

Jusque-là on avait des espèces de lézards spécifiques à la haute montagne, des espèces endémiques des Pyrénées. Maintenant on voit apparaître des lézards des murailles, les lézards classiques que l'on voit en plaine. Ils commencent à arriver dans les mêmes zones que le lézard de Bonnal. Est-ce qu'ils vont cohabiter ?

Le lézard de Bonnal, lui, remonte un peu en altitude. Va-t-il trouver des habitats assez hauts ? C'est un peu la même chose que pour les espèces de très hautes altitudes, les reliques glaciaires. Il y a un moment où ils ne pourront plus monter en altitude et ils peuvent disparaître.

Certains animaux peuvent aussi être concurrencés par une espèce qui arrive et qui a la même niche écologique. Est-ce qu'ils vont cohabiter ? Est-ce que l'un va supplanter l'autre ? Si celui qui arrive apporte des maladies, va-t-il mettre en péril l'autre espèce ? 

Les reptiles ont des besoins spécifiques pour leur reproduction, un peu comme la truite qui va se reproduire ou frayer à une certaine température. Les reptiles comme tous les animaux qui pondent des œufs sont dépendants des conditions climatiques.

Par exemple, pour certaines espèces, si vous avez jusqu'à 28°, il peut y avoir femelles et mâles alors qu'au delà de 28°, il n'y a que des mâles. Imaginons que les températures montent beaucoup et qu'on n'ait plus que des mâles. La reproduction les années suivantes va être compliquée. En deux générations, il peut ne plus y avoir personne.

Donc voilà, il y a énormément d'interrogations sur ces grands changements et le fait que ça aille très vite, ça ne facilite pas les adaptations. Sans parler des espèces exotiques qui peuvent être envahissantes. On l'a vu en plaine avec les tortues de Floride. Certains animaux vont profiter du changement, d'autres le subir et ne pas y survivre.

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