Pour la première fois, l'ONU se positionne sur les adoptions illégales. Qualifiées jusqu'ici d'escroquerie, elles sont désormais reconnues comme crimes contre l'humanité. Une avancée déterminante pour les familles qui ont été victimes de réseaux mafieux.
C'est plus qu'une victoire pour les Montalbanais Véronique et Jean-Noël Piaser. Ils ont adopté en 1985 un bébé au Sri Lanka. En 2018, le couple a découvert que la petite orpheline avait en fait été volée à sa mère. Depuis ces parents adoptifs se battent sans relâche pour faire reconnaître et cesser ces trafics d'enfants. Or l'ONU, saisie par 13 associations d'adoptés et de parents adoptifs, le collectif VAIA (dont font partie les Piaser), vient de reconnaître que ces adoptions constituent une violation des droits de l'homme et, davantage, des crimes contre l'humanité.
"Les adoptions internationales illégales peuvent violer l'interdiction de l'enlèvement, de la vente ou de la traite d'enfants, et, dans des circonstances spécifiques, peuvent également violer l'interdiction des disparitions forcées. Dans certaines conditions prévues par le droit international, les adoptions internationales illégales peuvent constituer des crimes graves tels que le génocide ou les crimes contre l'humanité".
Disparitions forcées
"Lorsque des adoptions internationales illégales ont lieu, divers droits de l'homme sont violés, notamment le droit de tout enfant de bénéficier, sans aucune discrimination, des mesures de protection qu'exige sa condition d'enfant, de la part de sa famille, de la société et de l'État et le droit de la famille à la protection. La famille joue un rôle fondamental dans la vie de l'enfant".
"Ayant des conséquences dévastatrices sur la vie et les droits des victimes, les adoptions illégales sont le résultat d'une grande variété d'actes illégaux ou de pratiques illicites, tels que l'enlèvement, la vente et la traite d'enfants, la disparition forcée et le déplacement illicite d'enfants dans le cadre d'une disparition forcée, ainsi que les adoptions impliquant une fraude dans la déclaration d'adoptabilité, la falsification de documents officiels ou la coercition, l'absence de consentement approprié des parents biologiques, les gains financiers indus des intermédiaires et la corruption qui en découle".
Pour Véronique et Jean-Noël Piaser, cette déclaration fait l'effet d'une réparation attendue, espérée mais qui n'est jamais venue de la part de l'État français. "On n'arrive même pas à reprendre notre souffle, réagit Véronique Piaser. Ils veulent nous entendre à Genève, les représentants des 13 associations. Ils demandent tout ce qu'on demande, c'est-à-dire qu'enfin les États prennent leurs responsabilités et que cessent ces trafics. C'est énorme ! C'est véritablement un moment historique !"
Les avocats avaient jusque-là certifié aux Piaser, comme aux autres plaignants, que le chef d'accusation ne pouvait être que l'escroquerie. "Désormais on qualifiera ces trafics pour ce qu'ils sont, des crimes contre l'humanité. Nous, pour notre fille, on n'a pas le consentement de la mère, donc c'est un crime contre l'humanité !". Cet évènement marque une libération pour ces parents à qui on faisait jusque-là porter, plus ou moins implicitement, la responsabilité de ces trafics.
Discrimination à l'égard des peuples autochtones
Le communiqué de l'ONU mentionne que ces actes et pratiques "reflètent les déficiences des systèmes de protection de l'enfance qui sont exploités par des réseaux criminels, souvent avec la participation d'agents de l'État ou à la suite de politiques publiques permissives".
Un autre point, et non des moindres, est abordé par l'ONU : la discrimination à l'égard des minorités et des peuples autochtones. L'organisation internationale souligne aussi que la discrimination et la violence fondées sur des constructions morales et religieuses concernant le statut social ou marital de la mère ont été un moteur essentiel des adoptions illégales dans plusieurs pays.