Annulation du festival Montauban en scène : les annonces du gouvernement ne permettent pas d'être rentable

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Impossible pour le festival Montauban en scène de rester rentable avec la jauge de 5 000 spectateurs imposés par le gouvernement. Les organisateurs vont devoir rembourser les 7 500 places déjà vendues.

Les souvenirs sont nombreux. Quand il parle du festival Montauban en scène, l'organisateur depuis cinq ans, Jérémy Bringuier est fier. "Ici, à cet endroit du jardin des plantes, c'est l'entrée du festival. Il arrive que plus de 2 000 personnes fassent la queue devant cet arbre" se remémore celui qui est aussi directeur de la communication de la Ville. A l'origine, à Montauban, il y avait un festival de jazz et un festival de la chanson française ("Alors chante"). En 2015, les deux événements se réunissent pour n'en former plus qu'un du dernier weekend de juin jusqu'au 14 juillet : "Montauban en scène". Depuis, les artistes ont défilé dans le parc de la ville. Bigflo et Oli, Maître Gims, Vianney ... Autant de grands noms en France et parfois à l'international, qui coûtent cher. Cette année, les têtes d'affiche étaient IAM, Soprano, Vianney ou encore Vitaa et Slimane. Mais avec les 5 000 places assises préconisées par le gouvernement, le festival n'est plus rentable. La prise de décision a été repoussée plusieurs fois. Montauban en scène est finalement annulé.

Artistes, gestes barrières : trop de dépenses

A l'annonce de la ministre de la culture Roselyne Bachelot (les festivals peuvent se maintenir cet été mais avec une jauge de 5 000 spectateurs, assis), les organisateurs du festival ont réfléchi à différentes solutions. Comment et où faire rentrer 5 000 chaises avec des distances entre chacune ? "On a pensé à retirer les pagodes partenaires, à mettre des gradins etc. Mais à chaque fois les aménagements ont un coût et on s'est aperçu qu'on dépensait plus que ce qu'on allait gagner" explique Jérémy Bringuier. 

Les artistes ont essayé tant bien que mal de réduire leurs coûts mais le problème c'est que moins ils vont jouer, plus ils vont coûter. On avait réussi à maintenir les coûts mais il y a énormément de frais que les artistes engendrent : la décoration, les écrans, les tours bus, les heures de studio... Le coût total n'est pas seulement celui de leur prestation. Alors même avec leurs réductions de parfois 30, 40%, ça ne permet toujours pas de faire tourner le festival. En tous cas, à 5 000 places assises, c'est impossible à tenir !

Jérémy Bringuier, directeur du festival Montauban en scène

A cela s'ajoute l'augmentation du prix des cachets des artistes ces dernières années. "Certains sont passés de 500 000 à 800 000 euros parce que les festivals sont devenus leur deuxième source de revenus après internet en quatre, cinq ans. Leur première source n'est plus les albums vendus. Et sur internet, ils gagnent beaucoup d'argent alors il faut que les prix des cachets soit élevés pour être attractifs pour eux".

Chaque année, le festival (municipal) était habitué à des chiffres d'affaires dépassant le million d'euros. La mairie, elle, investissait dans les 200 000 euros mais les concerts rapportaient de l'argent à toute une partie des habitants. "C'est un coup dur pour Montauban" résume le directeur de la communication de la mairie. 

Plus de places vendues qu'autorisées

De plus, le festival a déjà vendu plus de places que le nombre finalement autorisé par le ministère de la culture. 7 500 places ont déjà été réservées. "Afin que les jauges soient respectées, comment choisir les festivaliers qui seraient remboursés sans créer des inégalités et de la frustration ?" se demande les organisateurs sur le site internet du festival. "On a vendu plus de billets que jamais !" constate Jérémy Bringuier. Signe que tout le monde attend avec impatience le retour des concerts, de la culture.

Chaque année, environ 25 000 spectateurs assistaient aux concerts de Montauban, et 25 000 autres assistaient aux coulisses, au "off" gratuit. En tout, la ville recevait donc jusqu'à 50 000 personnes tous les étés sur une période de quinze jours, et près de 200 artistes.

Pertes financières d'une multitude de professions

Un festival c'est aussi un village avec des food-trucks par exemple. Sauf qu'évidemment, ils sont interdits en cette période de crise sanitaire. "C'est une partie vivante indispensable pour moi sur un festival. Ca fait partie de l'essence même du festival" précise le directeur. 

Avant on avait au moins une rentabilité sur tout ce qui est bar, restauration... parce que le festival c'est un microcosme. C'est environ 650 personnes qui y travaillent chaque soir. C'est donc toute une économie locale impactée. En ville, les restaurants, les hôtels sont impactés aussi par exemple.

Jérémy Bringuier, directeur du festival Montauban en scène

Au total, près d'une centaine de sous-traitants voient ainsi des contrats s'annuler. Régies, lumière, productions, plombiers, menuisiers, électriciens... "presque 30 personnes travaillent derrière chaque artiste" raconte Jérémy Bringuier. C'est autant d'employés ou d'intermittents du spectacle qui perdent leur contrat avec Montauban. 

Sous-traitants touchés financièrement et émotionnellement

C'est le cas de l'agence de production et de communication BMV, qui s'occupait de filmer les concerts de Montauban en scène et de les diffuser sur les réseaux sociaux. Cette société travaille depuis la création du festival avec les organisateurs. Pour pallier le manque "économique et émotionnel", indique le directeur associé Alexandre Viguier, il décide de réaliser des vidéos des artistes prévus pendant le festival, sans public, et de les diffuser en ligne.  

Ces vidéos en ligne d'artistes en concert sans public sont presque devenues un nouveau modèle dans le monde de la culture tant on s'y est (déjà) habitué. 

ça ne compensera jamais financièrement nos pertes. En termes de matériel, de temps de montage etc. ça n'a rien avoir avec un concert. C'est surtout un palliatif émotionnel parce que ça nous permet, au public aussi, d'avoir toujours un lien avec ce festival. 

Alexandre Viguier, co-directeur de l'agence BMV

Sur le mois du festival, l'agence, qui compte 28 salariés, perdra un tiers de son chiffre d'affaires. "C'est rien par rapport au préjudice moral" ressent Alexandre Viguier, "on va surtout pas pouvoir profiter de ce merveilleux moment du festival". Le directeur d'agence comprend l'annulation du festival car pour lui, on ne va pas à un concert assis ! 

Pour compenser (encore une fois) l'annulation du festival, Montauban prévoit d'autres festivités, plus petites, tout l'été.

 

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