TEMOIGNAGE. Tarn-et-Garonne : des parents victimes d'une filière d'adoption mafieuse portent plainte pour escroquerie

Véronique et Jean-Noël Piaser ont adopté en 1985 un bébé sri lankais. En 2018, ils ont découvert que la petite orpheline avait en fait été volée à sa mère. Un choc immense. Après une enquête minutieuse, ils ont décidé de porter plainte, ce vendredi.

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Les époux Piaser avaient deux garçons d’une dizaine d’années lorsqu’ils ont décidé d’adopter un enfant. En 1985, Maria, deux semaines, entre dans leur vie. Mais 33 ans plus tard, en 2018, quand elle souhaite retrouver ses parents biologiques, la famille découvre l’impensable. Maria a été volée à sa mère sri lankaise par des mafieux. La jeune femme et ses parents adoptifs et naturels ont été victimes d’une filière qu’on nomme au Sri Lanka, un "baby business".

Les époux Piaser le découvrent avant leur fille. Anticipant le voyage, pour gagner du temps dans les démarches, ils demandent à un ami sri lankais de débuter les recherches.  "On lui a confié le dossier d’adoption qui ne faisait que 6 ou 7 pages, explique Véronique Piaser. Il a commencé à se renseigner (…) et nous a rappelé pour nous dire : it’s a baby business".

"Il faut lui annoncer cette catastrophe"

"Là tout s’écroule ! poursuit la mère adoptive. Dire à son enfant : les circonstances de ton adoption étaient crapuleuses et on s'est fait escroqué. C'est super difficile, parce qu'on l'aime et c'est notre fille. Et en même temps, il faut lui annoncer cette catastrophe".

Là tout s’écroule !

Jean-Noël et Véronique Piaser sont aspirés dans un véritable cauchemar. Ils prennent une semaine "pour se dire : il faut être sûr de nous. Il ne faut pas lui dire des impressions parce que c’est super grave. On n’a jamais été dans le déni (…) on a filé sur internet. On a tapé des mots clés et là, la vérité nous est tombée dessus".

Ils découvrent que des journalistes des Pays-Bas ont mené une enquête un an auparavant. "C’était notre histoire et c’était l’histoire que notre ami nous racontait au Sri Lanka. Oui, c’était un baby business, un trafic d’enfants. Et sur l’écran, on a revu médusés nos interlocuteurs de 1985, ceux qu’on pensait être, pour Mme Perera, une directrice d’orphelinat. En fait, c’était une mafieuse".

Le rêve altruiste s'effondre

A l’époque de l’adoption, "nous estimions qu’il y avait suffisamment d’enfants sur la planète et que nous agissions en citoyens responsables en adoptant un enfant qui avait besoin de parents" raconte Véronique Piaser dans un livre à la fois intense et subjuguant, intitulé « Titania, histoire d’un Baby Business », qu’elle vient de publier. Mais le rêve altruiste s’effondre.

Les parents adoptifs découvrent, aux côtés de leurs filles en 2018, l’existence des baby farm, de faux orphelinats.

C'est un lieu où sont rassemblées à la fois des femmes enceintes, des mères de substitution... lorsque l'on vole ou que l'on fait croire aux parents que l'enfant est mort, il faut bien mettre en place une complice.

Véronique Piaser.

Elle ajoute : "On pense aussi, et ça c'est l'enquête qui a été faite par des universitaires suisses, qu'il y a des femmes qui ont été prostituées pour être enceinte et produire des enfants".

Des réseaux mafieux internationaux

En France, 1.500 enfants sri lankais ont été adoptés dans les années 80. D’après les autorités suisses et néerlandaises qui ont enquêté sur les mêmes réseaux, 75% des enfants auraient été volés ou achetés. Lors de la procédure d’adoption, les époux Piaser ne se sont doutés de rien.

"On a fait confiance à l'administration française, se souvient Véronique Piaser. Nous, quand on est parti adopter notre fille au Sri Lanka en 1985, on avait un dossier en bonne et due forme, tamponnée par le ministère des Relations extérieures, un agrément de la DDASS (...). On attend qu'ils nous disent que nous, les parents adoptifs, on n'était pas complices".

"Les ambassadeurs savaient"

Pour les Piaser, l’Etat doit reconnaître ses fautes et s’excuser. Le couple enquête depuis deux ans. Aux archives diplomatiques, ils expliquent avoir trouvé des courriers datant de 1983. "Les ambassadeurs savaient bien que c'était des achats d'enfants. Et la presse locale, la presse sri lankaise le dénonçait".

Et maintenant, au ministère, ils savent que l'on sait qu'ils savaient.

Véronique Piaser

"Le problème de l'Etat, renchérit Jean-Noël Piaser, c'est qu'on est des témoins. Avec les enfants, c'est facile, ils ne se souviennent pas. Ils ne savent pas, ce qui est normal. Mais nous, on est des témoins, on sait comment ça s'est passé et ça les embête".

Plainte contre X

Ces évènements ont totalement bouleversé l’équilibre familial et les relations entre Maria et ses parents. Des parents qui veulent aller au bout de leur combat. Ce vendredi, leurs avocats déposent une plainte contre X  pour escroquerie, recel d’escroquerie, abus de confiance et association de malfaiteurs. Avec eux dans la procédure, une jeune femme, Champika, qui avait témoigné dans l'émission Envoyé spécial en 2019. 

Jusqu'à 11 000 enfants sri-lankais, comme Maria et Champika, pourraient avoir été vendus à des familles européennes sur la base de faux documents. L'objectif des plaignants, parents adoptifs ou enfants adoptés : que ces trafics d’enfants, quel que soit le pays, cessent.

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