Tarn-et-Garonne : pour les réfugiés ballotés depuis Calais, le répit de Bruniquel

"La jungle, c'est mauvais. Ici, c'est déjà ma famille". Malgré les blessures et les traumatismes, Abdalla et d'autres exilés de Calais reprennent pied à Bruniquel, petit village médiéval du Tarn-et-Garonne, résolus à tourner le dos aux sirènes de l'Angleterre.

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A peine 48 heures que ces onze jeunes Soudanais ont débarqué à Bruniquel avec, sur leurs vêtements, l'odeur de fumée âcre de Calais. Avec, dans la tête, tous les cauchemars du plus grand bidonville de France désormais réduit en cendres.
De leurs poignets, plusieurs ont arraché le bracelet qu'on leur avait accroché au démantèlement de Calais, comme pour effacer les stigmates d'heures trop sombres.

Ils racontent l'enfer de Calais
"Calais no good, jungle, no good. No eat, no sleep in jungle: big problem", résume Mohamed, 30 ans. "Il y avait de l'eau partout par terre, les tentes flottaient", ajoute Bushara, également en anglais. "Il faisait très froid, tous les matins quelqu'un était mort", raconte Isam, qui y a vécu près d'un an. "C'était très compliqué, avec les gens qui se battaient, et les meurtres", renchérit Abdalla, 23 ans.
Sur sa peau ébène, Abdalla montre une large cicatrice lui fendant le dos. "Une voiture m'a foncé dessus à Calais". Son compatriote Mugji, 28 ans, a eu la mâchoire cassée et son faciès émacié apparaît tiraillé par la douleur. Mohamed, lui, souffre de la hanche.

Après un long voyage périlleux
Ces jeunes exilés, mariés pour certains, mais sans enfant, ont fui le conflit au Darfour et au Sud-Soudan, par la Libye pour la plupart, avant de rejoindre l'Italie par bateaux pneumatiques, puis la France, à pied et en train.
Une fois posé leurs bagages dans la cour de l'ancienne gendarmerie de Bruniquel, jeudi, après quinze heures de bus et sans rien connaître de ce village classé de 600 âmes, ils ont d'emblée voulu rassurer élus et bénévoles venus les accueillir.
"C'était très difficile d'être à Calais. Ils sont heureux d'être ici et ils ne poseront pas de problème", a prévenu Hujatullah, lui-même ancien migrant afghan
de Calais, traduisant ce que Zakariya venait de dire en arabe.
"Hujatullah était dans leur situation il y a dix mois", leur a signalé le sous-préfet Jean-Michel Delvert, déclenchant d'immédiates étincelles d'espoir dans les yeux fatigués. Hujat, comme on le surnomme au CAO (Centre d'accueil et d'orientation), bénéficie d'un titre de séjour de demandeur d'asile, dans l'attente de décrocher le statut de réfugié en appel.

"Je mourrai dans ce village"
"Ici, c'est leur maison, c'est important de le leur dire, même si ce n'est que pour trois mois", a ajouté Stéphanie Roger, l'assistante sociale. "Je serai là pour les papiers, car nous devrons faire ça ensemble".
Dans le salon du CAO, sorte de trait d'union entre l'Orient et l'Occident, les arrivants ont aussi écouté les mots de bienvenue du maire Michel Montet et applaudi les dizaines de bénévoles qui avaient préparé leur arrivée. Assis sur les canapés, tapis et poufs, ils ont partagé thé, café au gingembre, fruits secs et bananes rassemblés sur les tables basses.
"On ira par petits groupes dans le village, leur montrer la Poste, le bureau de tabac, le château, plutôt que de faire un gros troupeau, ce sera mieux", propose Anaïs Rondeau, la responsable du centre.

Des opposants dans le village
Car à Bruniquel aussi, il y a une opposition au CAO. Mais "dans le village, beaucoup de gens sont favorables et se sont énormément impliqués, alors les contre se sentent un peu isolés", souligne l'édile.
Valérie Chaumeil, une voisine récalcitrante, a pleuré des "larmes de joie" samedi. Elle a expliqué combien elle était "heureuse de voir" les "sourires absolument magnifiques" des jeunes soudanais après avoir eu peur de les voir "à dix mètres" de sa chambre à coucher.
"Tout le monde est si gentil", s'exclame Isam, garçon coiffeur, en taillant les cheveux de ses compagnons au soleil. "C'est magnifique ici, je veux vivre en France, pas en Angleterre", annonce-t-il.
"Je veux apprendre le français, je veux vivre ici", décrète aussi Mohamed, à son retour du cimetière en ce weekend de Toussaint. "Je mourrai dans ce village"

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