10 ans après le drame de Sivens, aucun des acteurs présents dans les manifestations n'a oublié la mort tragique de Rémi Fraisse

10 ans après le drame de Sivens, aucun des acteurs, présents dans les manifestations contre le barrage, n'a oublié la mort tragique de Rémi Fraisse. Françoise Blandel se souvient avec émotion et tristesse de cette lutte. Et pour elle, rien n'a changé aujourd'hui. Entretien

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Depuis 2011, Françoise Blandel est engagée pour la défense de la nature et de l'environnement. Cette militante de la première heure, aujourd'hui septuagénaire, tenait le stand du collectif Testet pendant les mobilisations contre le barrage de Sivens. 

La nature défigurée, les tensions permanentes entre écologistes et agriculteurs, l'impossible dialogue avec l'État. Elle garde, 10 ans après, une certaine amertume, même si le projet a fini par être abandonné. Cela méritait-il la mort d'un jeune homme ? La militante écologiste tarnaise estime que rien n’a changé et qu'un tel drame pourrait se reproduire sur le chantier de l'A69. 

France 3 Occitanie : quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?

Françoise Blandel : C'était une époque très tourmentée. Nous, avec le collectif, on se préoccupait de la sauvegarde de la zone humide du Testet depuis 2012 et on était très mobilisé pour s'opposer au projet de barrage, sans être complètement opposés à l'irrigation. C'était un projet surdimensionné et situé sur cette zone humide qui est la dernière zone d'importance sur la vallée du Tescou.

Moi, je tenais le stand du collectif Testet puisque pour nous c'était important. C'était en fait la dernière possibilité qu'on avait d'essayer de faire entendre raison aux pouvoirs publics avant que les travaux pour réaliser la digue commencent. C'était très dur de voir la zone complètement défrichée, mais la nature pouvait encore reprendre.

S'ils avaient effectué les travaux pour installer la digue, c'est-à-dire jusqu'à 7 mètres de profondeur pour enrocher la digue, la zone humide aurait été entièrement bouleversée, puisque c'est à la base de la digue qu'elle se trouvait. Ségolène Royal, avait envoyé des experts depuis le 8 septembre 2014. On avait fait pression pour les rencontrer pour essayer d'arrêter les travaux, éviter le défrichement total. Et puis, nous attendions le rapport des experts pour vérifier la raison d'être de ce projet, sa légalité. Ce qu'on ne savait pas, c'était que le Conseil départemental avait déjà perdu le financement de l'Europe. Nous savions qu'il y avait eu des échanges entre le ministère de l'Écologie et l'Europe, mais nous ne savions pas que l'Europe mettait la France en infraction, et ça dès juillet 2014.

France 3 Occitanie : Quand vous avez appris la mort de Rémi Fraisse, comment vous avez réagi ? Est-ce que vous vous souvenez de ce moment-là ?

Françoise Blandel : Oui, bien sûr. Moi, je n'ai pas passé la nuit du 25 à la zone humide du Testet, vu mon âge. J'étais chez moi et à 8h, j'apprends qu'ils ont retrouvé un homme décédé dans les bois. C'était incompréhensible de voir que quelqu'un était mort, un jeune en plus. Tout de suite j'ai essayé de contacter des jeunes que je connaissais. Et c'est moi qui leur ai appris, parce qu'en fait, ça s'est passé dans la nuit. 

On ne sait pas trop ce qui s'est passé. Il n'y a pas eu de reconstitution.  Il y a beaucoup de flou encore sur cet événement.

France 3 Occitanie :  Aujourd'hui, dix ans après, qu'est-ce que vous en retenez de tout ça ?

Françoise Blandel  : Maintenant, je participe au projet de territoire pour la gestion de l'eau de la vallée du Tescou depuis 2017. Un projet de territoire, c'est une table ronde où il y a tous les acteurs de l'eau. Et en tant qu'association, nous y participons.

Dix ans après, c'est toujours la même chose. On disait déjà à l'époque, qu'on aurait dû commencer par le projet de territoire, le dialogue, mettre tout le monde autour de la table. En 2013 à la conférence environnementale organisée par François Hollande, il avait été dit que pour toute nouvelle réserve d'eau pour l'agriculture, ou irrigations, il fallait passer par un projet de territoire. Or, ils ont exempté le barrage de Sivens en 2013. Par contre, ils ont lancé l'autorisation des travaux avec des arrêtés préfectoraux.

France 3 Occitanie : Aujourd'hui, il y a une autre lutte dans le Tarn, contre l'autoroute A69. Est-ce que vous y voyez des points communs ?

Françoise Blandel : Oui, tout à fait. Là aussi l'État ne veut pas entendre raison. Aujourd'hui, dans le contexte où nous sommes, de dérèglement climatique, c'est dangereux. Cette autoroute est vraiment écocide au regard du dérèglement climatique. Elle est associale, elle ne respecte pas l'arrêté de l'autorité environnementale. Normalement, il aurait fallu ne pas intervenir sur certaines parcelles parce qu'il y avait des espèces protégées. Et les écureuils se sont mobilisés et ont donné leur corps pour défendre les arbres.

Là, on est à un moment de tension extrême, d'un monde qui doit changer et des pouvoirs publics qui sont toujours à essayer de privilégier l'économique, de faire des profits, toujours plus.

France 3 Occitanie : Pour en revenir à Sivens, si vous ne deviez garder qu'un souvenir de cette période-là, ce serait quoi ?

Françoise Blandel : C'est la forêt défrichée, le Tescou tout nu, Cette image-là. Et par contre, pour être plus positif, il y avait aussi tout le bouillonnement des gens qui travaillent à changer le monde. Ce qui était très, très réjouissant. 

Plusieurs cérémonies d'hommage à Rémi Fraisse sont prévues ces 25 et 26 octobre 2024 dans le Tarn.

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