Albi : la communauté arménienne mobilisée contre une expulsion

Une trentaine de personnes a manifesté ce matin devant le commissariat d'Albi pour empêcher l'expulsion d'une jeune femme d'origine arménienne, Lusine Harutyunyan, réfugiée en France depuis 2008. Une situation douloureuse qui met en lumière l'évolution récente du Droit d'Asile pour les arméniens.

Mardi 8 mars, triste journée des droits des femmes pour Lusine Harutyunyan, les policiers l'interpellent à son domicile et l'emmènent au commissariat d'Albi, simple étape avant le transfert vers le centre de rétention administrative de Cornebarrieu, près de Toulouse, puis l'expulsion vers l'Arménie où elle n'a  aucun point de chute.

Pour ses proches et ses amis qui manifestent ce mercredi 9 mars, l'incompréhension est totale : la famille Mouradyan - Harutyunyan est parfaitement intégrée et n'a jamais posé aucun problème. Devant l'hotel de Police d'Albi, la plupart des manifestants sont des arméniens albigeois régularisés ces dernières années et - pour eux - il n'y a qu'une explication : il faut faire de la place en France  pour accueillir de nouveaux réfugiés. Cela les inquiète évidemment et certains se demandent si leurs dossiers de naturalisation ne vont pas être rejettés sans motifs. A leurs côtés, des lycéens amis des enfants Harutyunyan et des responsables tarnais du Réseau Education Sans Frontières, surpris de voir cette différence de traitement au sein d'une même famille, d'une même commnunauté. Pour eux, il ne peut s'agir que d'une erreur de l'administration. Ce n'est évidemment pas l'avis du préfet du Tarn qui - lui - estime n'avoir aucune communication à faire sur ce "dossier".

Une famille parfaitement intégrée

Derrière ce "dossier", il y a la vie de toute une famille, les Mouradyan - Harutyunyan, arrivés  à Albi en 2008 : Une mère accompagnée de ses trois enfants âgés de 12 à 6 ans et rapidement scolarisés. Le Comité Albigeois de Solidarité avec les réfugiés (CASAR) les prend en charge à leur arrivée et les épaule jusqu'en 2012 sans qu'ils puissent obtenir collectivement une régularisation définitive. Les enfants sont scolarisés, la mère travaille pour des sociétés de nettoyage, peut présenter régulièrement des contrats de travail, justifier de ressources suffisantes et payer des impôts : la famille Mouradyan - Harutyunyan obtient donc plusieurs autorisations temporaires de séjour et tisse un réseau amical à Albi.

Mais en 2015, avec l'arrivée massive de réfugiés syriens et irakiens, les dossiers des arméniens sont réexaminés dans toutes les préfectures françaises. La bienveillance cède la place à la consigne de renvoyer les familles en situation illégale vers l'Arménie. Une attitude incompréhensible pour les ainés Harutyunyan, Lusine et Gevorg, qui s'expriment dans un français parfait : aucun doute, leur vie et leurs projets sont en France et plus vers le lointain pays de leurs parents.

Seulement, Lusine - majeure depuis 2014 - a quitté le lycée Rascol d'Albi. Son statut n'étant désormais plus le même que celui de ses cadets, la préfecture du Tarn lui adresse fin 2015 une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), la principale mesure d'éloignement opposée aux étrangers. La jeune femme doit quitter la France, le Tarn et son fiancé dans un délai de 30 jours. La décision pourrait être facilement contestée devant un tribunal administratif mais la jeune femme, atterrée, n'a ni l'argent ni la force pour engager un recours. C'est une jeune femme brisée que les policiers ont emmené ce soir du 8 mars.


L'Arménie, un "pays sûr" ?

Depuis décembre 2009 l'Arménie est inscrite sur la liste des "pays sûrs" par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ses ressortissants n'ont plus accès aux mêmes droits que les demandeurs d’asile d'autres pays. Selon l'OFPRA, l'Arménie veillerait désormais "au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales". Lorsqu’un pays est défini comme sûr, ses ressortissants n'ont quasiment plus de chances de voir leur demande d’asile aboutir. Cette logique administrative de gestion des demandes d’asile réduit sensiblement les droits et les espoirs des réfugiés arméniens en France alors que beaucoup se disent encore menacés dans leurs pays, notamment à cause de leurs opinions politiques et continuent de demander asile à l'Etat français
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