Plusieurs collectifs d'opposants au projet d'autoroute Toulouse-Castres, dont la Voie est libre et les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, annoncent avoir déposé des plaintes au pénal pour trafic d'influence, destructions illégales ou prise illégale d'intérêt. Le conflit s'installe sur le terrain judiciaire.
Les collectifs de riverains et de défense de l'environnement poursuivent leur combat contre la construction de l'autoroute A69 reliant Toulouse à Castres. Pour eux, "le chantier n’avance pas aussi vite qu’annoncé et à chaque nouveau kilomètre investi, une nouvelle illégalité grave apparaît". Ils ont donc décidé d'interpeller à nouveau la justice sur trois dossiers.
Accusation de trafic d'influence
Les collectifs d'opposants* dont La Voie est libre et les Amis de la Terre Midi-Pyrénées ont porté plainte contre le maire de Maurens-Scopont qui aurait usé de son influence pour faire modifier le tracé.
"En 2011, le tracé d’autoroute initialement prévu près du château de Maurens-Scopont respectait le périmètre d’exclusion de 500 mètres entre ce bâtiment classé et l’emprise de l’A69. Mais en définitive, il se trouve à 180m du site classé aux monuments historiques (MH)" expliquent les plaignants. Ce nouveau tracé s’affranchit donc des règles qui régissent les Monuments historiques s'insurgent les collectifs. "Il impactera directement et durablement les zones humides du parc du château abritant un patrimoine naturel protégé rare".
Ils dénoncent, en outre que le député Jean Terlier, président de la commission d’enquête parlementaire sur le montage juridique de l’A69, ait opposé son veto sur une audition, celle de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) qui avait rendu un avis défavorable sur le tracé de l’A69 au regard des distances non respectées pour le site classé.
Les associations et collectifs relatent que Jean Terlier, le député mais aussi avocat, serait en charge des intérêts de la famille du maire de Maurens depuis 2012. Elles dénoncent le fait que des omissions dans les documents de l’enquête publique de 2018 sur l’impact de l’autoroute sur le château de Maurens Scopont aient permis d’éviter les terres de Claude Reilhes, le maire. Les opposants, associés au propriétaire du château affirment avoir porté plainte pour faux et usage de faux, trafic d’influence et prise illégale d’intérêts sur la commune de Maurens-Scopont.
Abattages illégaux à la Crém'arbre
Les collectifs dénoncent, en outre, le fait qu'Atosca, l'entreprise chargée de la réalisation des travaux, ait pénétré le 29 juillet sur le site de Crém’arbre "pour préparer les travaux". Elle "s’affranchit une nouvelle fois du cadre de l’autorisation environnementale qui classe l’intégralité de ce site classé à fort enjeu écologique". La décision a statué sur le fait qu'aucuns travaux ne peuvent avoir lieu sur ce site avant le 1er septembre.
S'appuyant sur les déclarations du directeur de la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) lors des auditions de la commission, les plaignants déclarent qu’à la Crém'arbre, "les abattages d’arbres avaient été effectués en toute illégalité". Une déclaration appuyée depuis par des rapports en manquement administratifs et des mises en demeure émises par la DREAL et l’OFB (Office français de la biodiversité), précisent les opposants.
Ils se sont donc constitués partie civile et ont demandé au tribunal judiciaire la saisine d’un juge d’instruction et l’audition des différents acteurs.
Risques d'inondation
Les collectifs ont déposé une troisième plainte au pénal car elles estiment que l'autoroute pourrait augmenter les risques d'inondation en cas d'intempéries sur la commune de Bannières. La plainte porte sur un "risque aggravé, et caché par faux et usages de faux, du risque d’inondation". Ils estiment que sur une portion de près de 500 mètres du chantier de l’autoroute, le risque d’inondation peut aller jusqu’à 1,30 m.
"Les alertes du président de la Commission Locale de l’Eau (CLE) Hers Mort – Girou devant la commission d’enquête parlementaire, ainsi que l’examen attentif du dossier de demande d’autorisation environnementale font en effet apparaître que, sans l’assurance d’une complète transparence hydraulique, les remblais de l’autoroute en zone inondable augmentent le risque d’inondation sans le résorber" précisent-ils.
Les associations dénoncent une modification volontaire et frauduleuse du dossier par les promoteurs du projet qui auraient dissimulé ces risques, démultipliés selon les plaignants en raison du changement climatique. Elles chiffrent à quatorze le nombre de rapports en manquements administratifs (RMA) établis depuis un an par les services de l’Office français de la biodiversité (OFB), les directions départementales des territoires (DDT) du Tarn et de la Haute Garonne et de la DREAL et disent avoir relevé de multiples violations des prescriptions de l’autorisation environnementale depuis le début du chantier.
Les opposants continuent de demander un moratoire sur le projet de l’A69 et la suspension des travaux sur l’intégralité du tracé pour qu’un contrôle rigoureux des services de l’état puisse être fait.
*Les plaignants sont les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, Agir pour l’environnement, ATTAC Tarn, Eau Secours 31, FNE Occitanie, Groupement national de surveillance des arbres (GNSA), Union protection nature environnement du Tarn (UPNET), Association pour la renaissance du château de Scopont.