L'entreprise Missegle installée dans le Tarn vient de lancer, avec plus de 300 entreprises à travers toute la France, un mouvement appelé "En mode climat". Objectif : demander de justes régulations afin de lutter contre le réchauffement climatique.
"En mode climat" est né à la rentrée et réunit déjà plus de 300 entreprises du textile françaises. Son objectif : lutter contre l'impact environnemental du secteur et ses conséquences sur le réchauffement climatique. Le mouvement en a conscience : "il n'est pas courant que des entreprises demandent qu’on les régule. Mais devant l’urgence environnementale, nous n’avons plus le choix".
Car l'industrie de la mode est l'une des plus polluantes au monde. Comme le rapporte l'Ademe, dans son rapport "la mode sans dessus dessous", 130 milliards de vêtements sont consommés chaque année dans le monde. L’industrie textile est le troisième secteur le plus consommateur d’eau dans le monde ; elle utilise 4% de l’eau potable disponible dans le monde ; 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre sont émis chaque année par le secteur du textile, ce qui représente jusqu’à 10% des émissions mondiales. L'entreprise tarnaise Missegle, spécialisée depuis 1983 dans la fabrication de chaussettes, de pulls, d'écharpes ou de couvertures, a décidé de se lancer dans la bataille. Sa patronne, Myriam Joly, est la porte-parole du mouvement.
France 3 Occitanie : pourquoi avoir engagé Missegle dans "En mode climat" ?
Myriam Joly : les marques, ayant lancé "En mode climat", sont des marques pour lesquelles nous fabriquons. Pour ma part, c'est mon cheval de bataille depuis quarante ans. Le changement du climat et l'épuisement des ressources sont des questions qui me travaillent très fortement. Cela devient de plus en plus préoccupant. D'autant plus que j'ai des petits-enfants et je me dis que ce n'est pas possible et qu'il nous faut agir. La création d'En mode climat consiste à dire "nous avons les meilleures pratiques possibles mais cela ne va pas suffire".
France 3 Occitanie : pourquoi la filière textile est-elle concernée par le problème ?
Myriam Joly : c'est la deuxième industrie la plus polluante au monde. Nous sommes conscients que pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre et de limitation de la hausse de température à 1,5°, il faut que, nous-mêmes industriels, nous nous mettions au travail pour ces engagements. Aujourd'hui, en France, nous importons 97 % de ce que nous consommons en France. La majorité de ces 97 % sont fabriqués en Asie par des entreprises qui utilisent une énergie carbonée.
France 3 Occitanie : quelles sont les revendications et les objectifs d'En mode climat ?
Myriam Joly : Nous, marques, souhaitons faire pression sur le gouvernement pour qu'il y ait des lois qui taxent les produits qui polluent.* Tout a été déréglementé dans les années 2000 pour favoriser l'importation de ces produits. Il faut revenir sur une réglementation qui permet une prime au vice. Aujourd'hui, au Bangladesh, un t-shirt, c'est un euro. Cette mode là est une mode du jetable. Non seulement, elle pollue. De plus, c'est réalisé dans des conditions humaines qui ne sont pas acceptables. Tout cela incite à acheter toujours plus et à consommer. Nous sommes donc dans un véritable cercle vicieux.
France 3 Occitanie : vous demandez, finalement, d'aller à l'encontre du modèle économique actuel ?
Myriam Joly : Aujourd'hui, les consommateurs veulent ça. Nous le voyons. Nos demandes sont exponentielles, c'est impressionnant. La Covid a aidé à faire prendre conscience de tout ça. Les consommateurs ont changé leur comportement. Pas tous les consommateurs, mais une partie assez importante pour que des petites entreprises comme la notre (Missegle compte cinquante salariés) cela soit très sensible. Donc cela veut dire que des lois en plus appuient ces démarches, nous allons vers une réindustrialisation en France.
France 3 Occitanie : quels dispositifs votre entreprise a-t-elle adoptés pour être plus vertueuse ?
Myriam Joly : nous essayons de le faire depuis notre création, en utilisant au maximum des matières proches de chez nous. Nous sommes engagés avec des éleveurs pour acheter leur production avec un prix qui leur permette de vivre dignement. Tous nos toits sont équipés de panneaux solaires. Nous avons conçu nos bâtiments en fonction de l'exposition. On travaille tous nos déchets. Nos machines permettent de détricoter tous les pulls à défauts. Nous avons mis en place, avec nos clients, un service de récupération des pulls qu'ils ne veulent plus. Des pulls, soit en bon état et qui vont repartir en seconde main, soit que l'on va réparer, soit que l'on va customiser, soit que l'on va envoyer en déchet. Nous travaillons avec la filature du Parc pour valoriser, refaire des fils avec ces pulls qui n'ont plus un usage textile.
France 3 Occitanie : est-ce que la France produit assez de matière première pour répondre à vos besoins ?
Myriam Joly : très clairement, non. Nos fils viennent d'Italie ou d'Espagne. Mais je ne suis pas pour être complètement en autarcie. Des échanges, il y en eu de tout temps. Ils sont source de richesse. Il faut seulement qu'ils soient justes et qu'ils soient établis sur des bases saines. Nous allons chercher notre laine de Yack en Mongolie et nous sommes ravis d'échanger avec ces éleveurs. Moi, je suis clairement pour un monde ouvert, mais pas sans règles.
* En mode climat fait cinq propositions : revoir l’écocontribution, adapter l’affichage environnemental, intégrer l’industrie textile au Pacte Vert pour l’Europe, instaurer une TVA préférentielle et orienter la commande publique.