Les élus de la Communauté d'agglomération Gaillac Graulhet (CAGG) ont voté, jeudi 18 janvier 2024, la prise en charge des frais judiciaires du président de la collectivité, Paul Salvador. Malgré les enquêtes en cours sur des allégations de prise illégale d'intérêt concernant la vente de terrains de l'usine de bitume de Montans et de nouvelles révélations, la délibération a été approuvée.
Dans un contexte d'information judiciaire visant son président, Paul Salvador, pour prise illégale d'intérêt, l'assemblée du conseil communautaire Gaillac Graulhet du jeudi 18 janvier 2024 s'annonçait houleuse. Mais il n'en fut rien. Pas de questions. Pas de contestation. Pas d'opposition. Pas de commentaires. Le sujet ne semblait ne pas en être un. Et pourtant...
Prise en charge des frais de justice du président de la CAGG
Durant cette soirée a été mis au vote une demande de protection fonctionnelle au bénéfice du président de la communauté d'agglomération (CAGG), Paul Salvador. En clair, autoriser la prise en charge par la collectivité de ses frais d'avocat en cas de poursuites judiciaires. La délibération donne plus d'éléments sur les raisons de cette requête. Paul Salvador demande une "protection fonctionnelle contre les mises en causes judiciaires dont il fait l'objet ès qualité dans les procédures contentieuses relatives à la vente de terrains référencés ZP 80 et ZP 81 lieu-dit Guarrigue Longue, commune de Montans, ainsi qu'à la location de terrains référencés ZP 08 et ZP 09 lieu-dit Issats-le-Rau, commune de Montans, et dans les procédures contentieuses connexes."
Les premiers terrains, ceux du lieu-dit Guarrigue Longue, concernent le projet d'usine d'enrobage de Montans, particulièrement contesté localement. Comme l'a révélé France 3 Occitanie en juin 2023, ces parcelles de la communauté d'agglomération ont été vendues à l'entreprise MEP, dont une partie des actionnaires se nomment Jean-Marc et Sylvain Laclau. Ces entrepreneurs tarnais sont aussi associés à Paul Salvador dans un projet de résidence de luxe sur le département. Des liens qui n'ont pas empêché le président de la collectivité et maire de Castelnau-de-Montmiral de participer au vote et de signer la vente de ces terrains à ses propres partenaires, les Laclau.
Une pratique interdite qui constitue aux yeux de la loi, une prise illégale d'intérêt. Bien que conseillé, selon les informations de France 3 Occitanie, par une importante autorité locale de voter "une nouvelle "délibération rectificative", sans que Paul Salvador intervienne à quelques niveaux que ce soit, et éviter ainsi des poursuites. Le parquet d'Albi (Tarn) a pourtant considéré les éléments assez graves pour ouvrir une enquête préliminaire et ouvrir par la suite une information judiciaire. Des investigations qui ont valu aux locaux de la communauté d'agglomération Gaillac-Graulhet et au domicile de Paul Salvador d'être perquisitionnés fin 2023.
Révélation d'un nouveau possible conflit d'intérêt
La mise en cause de Paul Salvador dans la location de terrains au lieu-dit Issats-le-Rau n'étaient pas encore publiquement connues. Ces parcelles, appartenant à la famille Laclau, ont été louées en avril 2023 par la CACG pour y installer une aire de grand passage. Plusieurs points posent question dans ce dossier. Pourquoi louer ces terrains alors que la communauté d'agglomération dispose pourtant de réserves foncières à proximité ? Comment justifier le montant particulièrement élevé de la location, 36.000 euros pour un an ? Comment expliquer que les travaux d'aménagement aient été confiés à l'entreprise Laclau, propriétaires des terrains, sans passations de marché public, et malgré les liens d'affaires avec Paul Salvador ?
Des interrogations d'autant plus légitimes lorsque l'on connaît le poids des Laclau dans ce territoire. C'est d'ailleurs la communauté d'agglomération Gaillac-Graulhet qui en parle le mieux.
L'absence de réaction des élus et le poids économique des Laclau
Dans un publi-reportage diffusé sur le site internet de la collectivité, les frères Laclau listent l'ensemble de leurs activités : "Nous avons créé une société immobilière TPS dès 1996 et avons successivement repris plusieurs entreprises locales (les carrières et centrales à béton SGM à Brens en 2003, l’usine de préfabrication béton Vigne à Gaillac en 2006, la distillerie Alcools du Tarn à Gaillac en 2007) . Nous avons ensuite créé le bureau d’études des sols ST2D en 2006. En 2008, le groupe a entrepris la construction du pôle commercial de Piquerouge à Gaillac qui sera agrandi quatre ans plus tard avec l’adjonction du pôle médical. Le pôle immobilier est un complément évident de nos autres structures : exploitation de carrières, préfabrication, transport, travaux publics… Pour boucler ce cycle économique vertueux, nous achetons des terrains bruts viabilisés avec le concours des autres sociétés du groupe ; nous revendons ensuite des terrains à bâtir viabilisés ou nous louons des bâtiments dédiés à des entreprises, commerces et activités libérales, comme la zone de Piquerouge à Gaillac."
Sans oublier les marchés publics comme celui du contrôle des installations d'assainissement non-collectives, attribué en 2019 par une délibération signée du président de la communauté d'agglomération Gaillac-Graulhet de l'époque. Déjà un certain Paul Salvador...
Soumise au vote, la délibération de protection fonctionnelle a été votée à l'unanimité des élus présents, moins une abstention. Seul Gabriel Carramusa (gauche écologiste), conseiller municipal d'opposition à Gaillac s'est abstenu. Sollicité par France 3 Occitanie, Paul Salvador n'a souhaité faire aucun commentaire. Il reste à ce stade présumé innocent.