En France, une trentaine de communes a déjà instauré la gratuité des transports en commun. Un choix souvent motivé par une volonté d'inciter les conducteurs à laisser la voiture au garage au profit d'un mode de déplacement plus respectueux de l'environnement. Une idée louable mais qui paie la note ?
Les dernières échéances électorales ont marqué l’émergence des partis écologistes, preuve que les citoyens se soucient de l’avenir de la planète. Une prise de conscience qui n’a pas échappé aux élus locaux. De plus en plus de communes s’interrogent sur l’opportunité de mettre en place la gratuité des transports en commun avec la volonté affichée de limiter et de fluidifier le trafic dans les centres villes.
La démarche n’est pourtant pas nouvelle. En 1971, Colomiers (Haute-Garonne) est la première commune française à la mettre en place. La gratuité sera supprimée en 2018 au moment de l’intégration au réseau Tisséo.
A Compiègne (Oise) la gratuité a été instaurée dès 1975 et la ville l’a maintenue depuis cette date. En 2009, Aubagne (Bouches du Rhône) est la première agglomération de plus de 100.000 habitants à suivre cet exemple. Le 1er septembre 2018, Dunkerque est la première agglomération européenne de plus de 200.000 habitants à passer le cap du tout gratuit. Des villes comme Nantes, Lille et même Paris réfléchissent à une formule de gratuité totale ou partielle.
En Occitanie, des communes comme Castres, Gaillac et Graulhet dans le Tarn mais aussi Figeac et plus récemment Cahors dans le Lot ont, elles aussi opté pour la gratuité totale du réseau de transport urbain.
Quel impact ?
Le premier effet attendu de la gratuité est un changement de comportement des usagers dans leur mode de déplacement au quotidien. A Cahors, la gratuité, effective depuis 4 mois, s’est traduit par une hausse du nombre de voyageurs. Stable en fin d’année dernière, la fréquentation a enregistré en janvier une progression significative par rapport à janvier 2019. Il est cependant trop tôt pour faire un bilan fiable de l’impact de la gratuité sur la fréquentation. Dans la plupart des communes qui l’ont adopté, les effets de la gratuité se sont réellement fait sentir 12 à 24 mois après sa mise en place, le temps que les usagers changent leurs habitudes.
Ce que coûte la gratuité
Si le transport est gratuit pour l’usager, il ne l’est pas pour la collectivité qui doit donc trouver les ressources nécessaires pour absorber le coût d’exploitation. Dans beaucoup de villes, ces ressources proviennent du « versement transport », une taxe payée sur leur masse salariale par les entreprises de plus de neuf salariés. Plus il y a d’entreprises sur un territoire, plus les recettes provenant de cette taxe sont élevées. Ainsi à Figeac, où cette taxe est fixée à 0,43% de la masse salariale, le budget transport urbain est excédentaire malgré la gratuité ; ce en raison de la présence sur la commune de deux employeurs de poids, Ratier et Figeac Aéro qui emploient à elles seules plus de 2500 salariés.André Mellinger – Maire de FigeacSi le transport était payant, il nous faudrait installer des bornes de vente de tickets, équiper les bus de composteurs et embaucher des contrôleurs. C’est paradoxal mais nous avons fait l’étude et cela nous coûterait plus cher que la gratuité.
Même constat à Cahors. Avant le passage à la gratuité, les recettes liées à la billetterie couvraient moins de 10 % du coût global du transport urbain. Les économies faites sur la billetterie et les contrôles compensent la perte de ces recettes.
Jean-Marc Vayssouze-Faure – Président du Grand CahorsIl n’y a aucune incidence pour les contribuables et les financeurs, puisque le taux du Versement transport reste le même qu’avant, soit 0,6 % de la masse salariale. On reste dans le même budget, avec des enveloppes constantes
Des pour et des contre
Dans le Tarn, la communauté d’agglomération de Castres-Mazamet a elle aussi adopté la gratuité depuis le 1er octobre 2008 avec pour conséquence une forte augmentation de fréquentation de la part des scolaires mais aussi des actifs. Mais d’autres communautés d’agglomération ont fait le choix inverse. C’est le cas du Grand Albigeois qui considère que la gratuité ne fait pas mécaniquement augmenter la fréquentation.Muriel Roques-Etienne - Conseillère communautaire déléguée aux transports urbains, à la mobilité et au stationnementPour nous, il n’est pas question de passer à la gratuité qui coûterait 2 millions d’euro à la communauté d’agglomération. Ce n’est d’ailleurs pas la gratuité qui amène les gens à prendre les transports en commun, mais la qualité de service et le cadencement des bus. C’est ce sur quoi il faut travailler.
Choisir la gratuité ou y être opposé, il s’agit avant tout d’un choix politique. La preuve en est que le thème s’est invité dans la campagne des municipales à Albi comme à Nantes, Metz, Clermont-Ferrand, Lille ou encore Paris.