Les élus du conseil communautaire de l'agglomération Gaillac-Grauhlet (Tarn) doivent à nouveau débattre, ce jeudi 12 décembre 2024 de la cotisation foncière des entreprises qui soulève la colère des artisans et commerçants de l'ouest du territoire tarnais. Mais la gestion de ce dossier se révèle de plus en plus opaque.
La séance s'annonce houleuse. Ce jeudi 12 décembre 2024, les élus de la communauté d'agglomération Gaillac-Grauhlet dans le Tarn se retrouvent en séance plénière à trois jours du délai de paiement de la Cotisation foncière des entreprises. La dite CFE qui a entraîné depuis plusieurs jours la colère des artisans et commerçants du territoire allant jusqu'à assiéger les élus, comme ce fut le cas le 4 décembre dernier, à Tecou ou à la mairie de Cahuzac-sur-Vère.
Votée par les élus de l'agglomération qui regroupe 56 communes en septembre 2023, la taxe n'avait pas été augmentée depuis 2016, soit avant que l'agglomération ne fusionne avec d'autres intercommunalités.
Cette remise à niveau entraîne une hausse pour certains entrepreneurs de plus de 300%, provoquant leur révolte. Mais les conditions de calcul de cette taxe et son vote se sont révélés très opaques, comme le dénoncent certains élus, qui assurent ne pas s'être rendu compte de son impact. Pour quelles raisons ?
1.265 million d'euros de recettes supplémentaires
D'abord parce que la décision repose sur des études effectuées, selon nos informations, par un cabinet spécialisé "Ressources locales" domicilié en région parisienne, missionné 39.000 euros HT au milieu de l'été 2023. Étude que la direction des services fiscaux peut elle-même fournir gratuitement, toujours selon nos informations.
Autre bizarrerie, seule une poignée d'élus ont participé aux réunions pour discuter de la hausse de la CFE, certains n'ayant jamais eu le fond de l'étude en main ou des simulations pour les entreprises du territoire.
"Pourquoi ai-je démissionné ? À cause de dysfonctionnements"
C'est ce que dénonçaient dès la semaine dernière, Blaise Aznar, maire de Grauhlet, ou encore Maryline Lherm, maire de Lisle-sur-Tarn et présidente de la commission économie. Le 4 décembre dernier, l'élue a annoncé sa démission de la présidence de cette commission, la goutte CFE ayant débordé le vase.
"Pourquoi ai-je démissionné ? À cause de dysfonctionnements. Nous subissons une gestion en silo, des zones d'ombre, des zones opaques. Des réunions se sont par exemple tenues en off, comme pour ce dossier. Durant l'été, un cabinet a été engagé, dont je n'ai jamais vu le contrat. Je n'avais même pas connaissance de son existence. La présentation de son travail a eu lieu uniquement devant la commission finances. Si nous avions été correctement informés, avec la présentation de simulations, nous n'aurions jamais voté cette augmentation en l'état" déclare à France 3 Occitanie, l'élue.
"Faux", rétorque un autre maire de l'agglomération qui affirme qu'à deux reprises, une augmentation trop rapide de la CFE a été évoquée, en réunion.
Un lissage de la hausse de la CFE
Informés ou non, les élus ont donc voté l'augmentation du calcul de base de la CFE, dont le produit devrait rapporter 1,265 million d'euros à l'agglomération sur un total de 6 millions d'euros, selon le rapport d'orientation budgétaire 2024. Une recette supplémentaire qui tombait à pic en ces périodes de disette financière.
Au Conseil d'agglomération de ce jeudi, une délibération sera bien soumise aux élus pour procéder au "lissage de la hausse de Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) liée à la hausse des bases minimum approuvée le 18 septembre 2023", selon l'ordre du jour déjà lisible sur le site internet de la collectivité.
Lissée sur 3 ans, puis " rétrocédée". C'est en tout cas que ce qu'a annoncé Paul Salvador, le président de l'agglomération le soir du 4 décembre 2024. L'augmentation de la taxe pourrait être rétrocédée en s'appuyant sur le dispositif des aides directes aux entreprises, dont une partie serait versée par la Région. Coût : 800 000 euros.
Sollicitée par France 3 Occitanie, la collectivité dirigée par Carole Delga apporte quelques nuances : "La Région Occitanie tient à préciser qu’elle ne va pas compenser 800 000 € à la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet. La Région, en sa qualité de chef de file du développement économique, doit uniquement délibérer pour permettre à la CA de soutenir financièrement les entreprises impactées."
Une délibération pourrait être votée par les élus en février prochain, comme l'évoque un document interne qui sert de base aux négociations entre les élus et les représentants des artisans et commerçants. La région aurait donné son accord pour "déléguer à la communauté d'agglomération sa compétence pour les aides directes", selon l'agglomération Gaillac-Graulhet.
Il n'est pas certain que cette solution satisfait tous les entrepreneurs dont certains ont demandé l'annulation pure et simple de l'augmentation de la CFE. Certains sont d'ailleurs prêts à se remobiliser ce jeudi, critiquant la gestion de la collectivité, mettent en cause son président.
Cet épisode de la CFE traduit une fois de plus, pour certains élus, les zones d'ombre de la gestion de la communauté d'agglomérations. D'autant que dans la délibération, Paul Salvador demande aux élus de l'agglomération de lui "donner tout pouvoir" pour son exécution en vue de définir et de mettre en œuvre ce dispositif avec les représentants des chefs d'entreprise et les organismes professionnels représentant le tissu économique local".
Fragilités financières
La révolte des artisans et commerçants tombe mal pour l'agglomération qui semble fragile sur le plan financier. Selon la présidence de la collectivité, elle doit permettre de combler un trou d'environ 4 millions dans le budget de la collectivité, évoqué le 4 décembre dernier. "Comment peut-on sortir ce chiffre alors que nous avons voté un budget à l'équilibre ?" questionne encore Maryline Lherm, conseillère communautaire.
Au regard des futures coupes budgétaires annoncées aux collectivités par feu le gouvernement Barnier, la collectivité pourrait se retrouver avec une perte de 3 millions d'euros de ressources. "Les recettes fiscales de l’Agglomération sont constituées à 83% des impôts ménages et seulement 17 % des impôts des entreprises. Les incidences du Projet de Loi de Finances 2025 s’élèvent à une perte de 3 M€ en recettes de fonctionnement (à ce jour), ce sont des pertes nouvelles qui n’étaient pas connues en 2023 lorsque les bases ont été revues", détaille un document transmis aux élus. Cette coupe budgétaire si elle se concrétise risque d'accentuer les difficultés de la collectivité à assumer son fonctionnement et à trouver de nouvelles recettes notamment pour ces investissements.
Dans son rapport d'orientations budgétaires 2024, la communauté d'agglomération affiche des recettes d'investissement négatives avec une épargne nette déficitaire d'environ 2,5 millions d'euros. Quid de 2025 ?
"Mal gérée", "sans projet"," ni stratégie". Plusieurs élus ont déjà exprimé leurs critiques sur la gestion de la collectivité. "C'est une mécanique désastreuse, car nous n'avons aucune vision stratégique car gérée au coup par coup, analyse Thomas Domenech, élu d'opposition au Conseil municipal de Gaillac. Il n'y a pas de gestion, pas de vision du territoire, et la ville qui en pâtit le plus c'est Gaillac, grande ville centrale de l'agglo." Des "manquements" que la Cour régionale des comptes n'a pas manqué de pointer dans son rapport sur l'agglomération en 2022.
Ce manque de vision notamment sur les investissements n'est pas sans créer des remous jusque dans les municipalités, comme à Gaillac. Pierre Tranier, l'un des élus de la commune en charge du budget à l'agglomération a démissionné, jeudi dernier, de son mandat d'élu local. Prochain épisode ce jeudi soir ?