Les agriculteurs doivent faire face à un manque croissant de vétérinaires, pourtant essentiels pour le suivi sanitaire des animaux. Ils sont de plus en plus nombreux à préférer la tranquillité d'un cabinet ou d'une clinique et délaissent leurs fonctions en milieu rural. En France, il manquait 2700 vétérinaires en 2022. Illustration dans le Tarn.
À l'image de la désertification médicale, les zones rurales subissent de plein fouet la pénurie de vétérinaires. Les effectifs devraient progresser dans les prochaines années avec l'ouverture d'école privées. Mais à qui cela profitera-t-il ?
"Pas le temps, trop compliqué"
En 2023, Jean-Guillaume Cadastraing est confronté à une suspicion de fièvre Catharrale. Cet éleveur ovin, installé à Soual dans le sud du Tarn, est à la tête d'un troupeau d'une trentaine de bêtes. Il contacte son vétérinaire sanitaire pour faire des dépistages par prise de sang comme le prévoit la réglementation.
"J'ai essuyé une réponse négative", raconte Jean-Guillaume Cadastraing. "C'est pourtant obligatoire et il a l'agrément pour cela. Mais depuis que la clinique a changé de main, ils nous disent qu'ils n'ont pas le temps ou que c'est trop compliqué. C'est une question d'offre et de demande".
Des jeunes moins motivés
Des vétérinaires, qui préfèrent soigner des chiens ou des chats dans leurs cabinets, plutôt que de sillonner les routes en milieu rural, une réalité dans les 4 écoles publiques, qui forment à la profession : "Dans ma promotion, on était une quarantaine sur 160 à choisir la rurale", témoigne à l'AFP Marina Abbadie, 26 ans, diplômée en 2023 de l'Ecole vétérinaire de Toulouse.
🥼 Face au manque criant de vétérinaires en zone rurale, où, pourtant, leur rôle est crucial pour le suivi sanitaire du bétail, le défi est d'attirer les jeunes diplômés #AFPVertical ⤵️ pic.twitter.com/EuVJCcGqZ5
— Agence France-Presse (@afpfr) April 20, 2024
Car le métier est bien souvent fantasmé par ces jeunes, loin de la réalité sur le terrain et notamment dans les fermes : "Il y a des contraintes", avoue Marina Abbadie "Et pour commencer, les gardes un week-end sur deux, plus deux à trois nuits chaque semaine. Ça revient vite et quand on est réveillé pour une césarienne en pleine nuit et qu'il faut réattaquer le matin, c'est dur".
Ouverture aux écoles privées
Chaque année, 500 vétérinaires diplômés sortent des écoles françaises. Mais la profession estimait qu'il en manquait 2700 en 2022. Pour trouver une solution, le gouvernement donne des agréments à des centres de formation privés. Une première école a déjà ouvert ses portes en septembre 2022.
Honoré d’inaugurer ce matin la nouvelle école vétérinaire @UniLaSalle_fr de Rouen. 🩺
— Marc Fesneau (@MFesneau) February 16, 2024
La France, reconnue pour son excellence en matière de formation vétérinaire 🇫🇷, confirme son engagement avec cette nouvelle école, en formant chaque année 840 nouveaux vétérinaires d’ici 2030,… pic.twitter.com/6GAFIwJ2yz
Mais cette ouverture au privé fait craindre une course effrénée à la rentabilité, dont les agriculteurs seraient les grands perdants : "Qui est derrière ? Les fonds de pensions ?", s'inquiète Jean-Guillaume Cadastraing, qui est aussi membre de la confédération paysanne du Tarn "On va capitaliser la médecine vétérinaire".
Demande de radiation de cliniques rachetées par des fonds d'investissement
La tendance de la financiarisation est déjà bien ancrée. En 2023, Ouest-France établissait que sur 8.000 établissements vétérinaires en France, environ 1 000 auraient avaient déjà rejoint des groupes d'investissement, dont certains sont détenus par de grands groupes alimentaires comme Mars et Nestlé.
La situation a conduit l'Ordre des vétérinaires à engager des procédures administratives ou des radiations contre plus de 300 structures, estimant que ces rachats compromettent l'indépendance et le pouvoir décisionnel des praticiens.
D'ici 2030, le nombre de vétérinaire diplômés devrait presque doubler dans l'Hexagone. Reste à savoir si l'Etat aura le poids pour convaincre ces professionnels de reprendre le chemin des fermes.