PHOTOS. Matelas au sol, cellules surchargées : reportage dans une maison d'arrêt surpeuplée et vétuste

La maison d’arrêt d’Albi (Tarn) compte actuellement 188 détenus, pour une capacité théorique de 105 places. Les conditions de détention font l’objet d’une audience au tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne), suite à une saisie de l’Observatoire international des prisons. Reportage avec la députée Karen Erodi (LFI) qui a visité l'établissement accompagnée de journalistes.

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Surpopulation, vétusté des locaux… La maison d’arrêt d’Albi (Tarn) ne fait pas exception au constat national dressé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Mise en service en 1968, elle compte à ce jour 188 détenus, pour une capacité théorique de 105 places. Des lits ont été ajoutés dans les cellules, mais au moins une quarantaine de détenus dorment sur de simples matelas posés à même le sol, certains depuis des mois.

En tant que journalistes, nous avons pu visiter une partie des locaux de la maison d’arrêt d’Albi le lundi 12 août 2024, et interviewer des détenus et membres du personnel pénitentiaire. Nous accompagnions la députée de la deuxième circonscription du Tarn, Karen Erodi (LFI), venue constater les conditions de détention et les conditions de travail du personnel de la prison à la veille d’une audience judiciaire à ce sujet.

En effet, la section française de l’Observatoire international des prisons – association qui agit pour le respect des droits de l’homme en milieu carcéral -, a saisi le tribunal administratif de Toulouse au contentieux « pour exiger l’amélioration des conditions de détention à la maison d’arrêt d’Albi ». L’audience était programmée pour mardi 13 août 2024.

Des matelas au sol

À notre arrivée, une quinzaine de détenus font du sport dans la première cour de promenade, un "city stade", des tables de ping-pong et quelques équipements de musculation sont à leur disposition, ainsi que des douches extérieures, très appréciées, car utilisables sans restriction. Nous avançons vers le premier couloir de cellules. Dans l’une d’elles, située au rez-de-chaussée et d’une superficie d’environ 12 mètres carrés, huit hommes sont incarcérés. Dans la pièce, on aperçoit, six lits superposés et deux matelas ajoutés au sol. Des serviettes de bain humides et des masques respiratoires sont suspendus çà et là. Sur les lits, une paire de lunettes, un magazine ou un paquet de biscuits. Les murs sont jaunis, un sabre est dessiné au fond de la pièce.

L’un des détenus, un homme âgé, nous confie :"(Ce que je souhaiterais), c’est d’être moins nombreux dans les cellules, et puis les rafraîchir un peu. Un rideau de douche, allez le voir, allez le toucher. Enfin non, mettez des gants (…) Je ne vous souhaite pas de vivre ça un jour. C’est trop galère, ça fait des tensions". La température avoisine les 30 degrés dans la pièce, en cette journée de fortes chaleurs. Les détenus y passent l’essentiel de leur journée. Les murs et les fenêtres sont vétustes.  "La maison d’arrêt d’Albi est une passoire thermique", reconnaît le chef d’établissement, Patrick Migliaccio, notre guide lors de cette visite.

Un peu plus loin, nous entrons dans une autre cellule, beaucoup plus exiguë, où sont détenus deux jeunes hommes. Un lit superposé et des toilettes d’un côté, puis un mètre de large, et de l’autre côté de la pièce, des étagères pour les vêtements et la nourriture, une petite télévision, où est diffusée une course hippique. L’un des deux détenus a 26 ans.

Il se déclare plutôt satisfait de ses conditions de détention, mentionnant avoir séjourné dans d’autres prisons dont celle de Seysses celle de Fleury-Mérogis (Essonne). "Il y en a qui sont trop nombreux en cellule, c'est compliqué, nous, on est deux, c’est pour ça on ne se plaint pas, mais à trois l’été, c'est invivable, je ne sais pas comment ils font. Ça, ce sont des trucs à changer, mais sinon Albi, je n'ai rien à leur reprocher". Il souligne la qualité des rapports humains avec le personnel pénitencier. "Franchement ça se passe bien ici, les surveillants, ils sont gentils avec nous, on est gentils avec eux, dans le respect (…) c’est familial parce que c’est une petite prison, ce n'est pas comme à Seysses où c’est la guérilla !". Il décrit les cafards dans les cellules de Seysses et les bagarres lors des promenades "tous les trois jours".

"De la moisissure partout"

La visite se poursuit. La députée Karen Erodi constate avec dégoût l’état des quatre douches communes situées au rez-de-chaussée. "Je vois de la moisissure partout, des champignons… C’est immonde !". Les douches sont dans un état d’insalubrité avancé, les plafonds sont tombés à force d’humidité, les joints des carreaux sont noirs, le sol est sale.

Quelques minutes plus tard, la députée dresse le constat : "Les détenus ont des conditions de détention catastrophiques, l’état du bâtiment, des moisissures, des plafonds qui tombent au niveau des douches communes, des douches dans les cellules dégradées et qui datent d’un autre temps…". Elle a choisi de visiter la maison d’arrêt en cette journée de fortes chaleurs – il fait 34 degrés à Albi cette après-midi-là. "Quand le personnel ouvre la porte pour qu’on puisse aller voir les détenus, on sent la chaleur qui sort de ces cellules, c'est insoutenable", souligne-t-elle.

La députée tarnaise a poursuivi la visite de la maison d’arrêt jusqu'à tard dans la soirée de mardi. Elle s’est entretenue longuement avec des membres du personnel de la maison d’arrêt, évoquant leurs conditions de travail difficiles. Ici, une cinquantaine de personnes travaillent, dont une trentaine de surveillants ainsi que des soignants, des personnels administratifs, dans des bureaux de très petite taille, parfois sans lumière du jour. Le directeur reconnaît une difficulté pour recruter. Un poste de surveillant est actuellement vacant, faute de candidat. Environ 10% des effectifs sont en arrêt de travail et ils ne sont pas remplacés, quelle que soit la durée de leur arrêt, parfois des années. Les agents nous confient être souvent rappelés sur leurs jours de repos, pour pallier le manque de personnel. Ils s’étaient d’ailleurs déjà mobilisés le 13 mars 2024 devant la maison d’arrêt pour dénoncer ce déficit de surveillants.

"Ce sont des conditions de détention qui ne sont absolument pas satisfaisantes, nous en convenons, en revanche tout est mis en œuvre au niveau de la direction, des personnels aussi qui sont très impliqués, qui subissent aussi ce phénomène de surpopulation, et de conditions de détention extrêmement compliquées qui dégradent aussi leur cadre de travail" déplore Patrick Migliaccio, le chef d’établissement, au détour d’un couloir.

En France,  au 1er avril 2024, l’autorité indépendante chargée du contrôle des lieux de détention et de privation de liberté dénombrait 77 450 détenus pour 61 570 places de prison. La situation dans les maisons d’arrêt, dédiées aux peines de courte durée et aux prévenus en attente de jugement, est particulièrement délicate avec un taux d'occupation moyen de 150%.

D’après deux représentantes de la Ligue des droits de l'Homme du Tarn, l’Occitanie fait partie des régions de France où les prisons sont les plus surpeuplées. Dans une publication datée du 7 août 2024, l’Observatoire international des prisons (OIP) estime que la "surpopulation carcérale atteint un niveau inégalé" dont "les chiffres officiels ne donnent pas toute la mesure". L’OIP estime que les statistiques publiées par le ministère de la Justice gomment l’importance de la surpopulation dans les quartiers de détention dédiés aux hommes, très largement majoritaires.

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