Le futur hôtel d’agglomération du Grand Albigeois est au centre d’un conflit politico-juridique. La majorité a opté pour une formule d’achat « clés en main » pour un montant de 35 millions d’euros. L’opposition a déposé un recours devant le tribunal administratif et dénonce une procédure illégale. L'affaire pourrait peser sur la campagne de Stéphanie Guiraud-Chaumeil pour la mairie d'Albi.
L’hôtel d’agglomération est le plus important chantier jamais lancer par le Grand Albigeois : 35 millions d’euros. La construction d’un bâtiment fait consensus parmi les maires de l’Agglomération. Il répond à un besoin et doit permettre de faciliter le travail ainsi que le quotidien des 320 agents de la collectivité.
En revanche, le montage de l’opération immobilière soulève une levée de bouclier.
D’une opposition politique à une procédure contentieuse
En février 2024, sept communes – membres du Grand Albigeois – ont voté contre une délibération autorisant l’achat d’un immeuble situé dans le quartier de Cantepau. La décision a finalement été adoptée (14 voix « contre », 32 voix « pour »).
Vous habitez sur une des 16 communes de l'Agglo ? Participez à la concertation préalable à la modification n°4 du #PLUi ! Le dossier de concertation est mis à disposition dans les mairies, au siège du @grandalbigeois, ainsi que sur le site internet.
— Grand Albigeois (@grandalbigeois) June 12, 2023
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L’opposition ne s’est pas exprimée uniquement dans les « urnes », au moment de l’adoption de la délibération, notamment sur le prix d'investissement jugé excessif. Elle a pris une tournure contentieuse avec le dépôt d’un recours devant le tribunal administratif de Toulouse. Les requérants demandent l’annulation de la décision du Grand Albigeois, présidée par la maire d’Albi, Stéphanie Guiraud-Chaumeil.
Par nature, un recours n’est pas suspensif. Les travaux peuvent avancer en attendant que le juge se prononce. Et cela va prendre du temps. Les délais moyens de jugement sont de 18 mois. Le recours a été déposé en juillet dernier. Une audience n’interviendra pas avant fin 2025.
Un achat « clés en main » favorable à un promoteur privé ?
Ce n’est pas la première fois que la construction d’un hôtel d’agglomération est lancée. Le 28 septembre 2017, un premier projet voit le jour. Il s’agit d’une extension d’un bâtiment dont la communauté d’agglomération est propriétaire. Cout du chantier : 8 millions d’euros pour 3000 m2. Le 13 septembre 2022, c’est fini. L’hôtel d’agglomération laissera sa place à des bureaux d’entreprise.
Il faut attendre le 13 février 2024 pour que le dossier soit réouvert. Et il prend une forme particulière. Plus question de construire ou d’agrandir. Le choix est fait d’acheter un immeuble qui sera construit et livré par un opérateur privé, SAS Albi Berthier. Il sera implanté sur le site de Cantepau.
En langage juridico-administratif, il s’agit d’une Vente en Etat Futur d’Achèvement (VEFA). Cette procédure est parfaitement légale. Elle est utilisée par les collectivités locales dans certains cas. Mais elle est encadrée. Et pour cause.
En effet, sa principale caractéristique est de « court-circuiter » les règles de mise en concurrence et le code des marchés publics. Pas besoin de faire un appel d’offre, d’examiner plusieurs candidatures et d’attribuer le travail au « mieux disant ».
Afin d’éviter que la VEFA ne dérive en délit de favoritisme, la jurisprudence encadre soigneusement la pratique. L’opposition qui attaque en justice la délibération du Grand Albigeois dit avoir repérer une faille juridique : une violation d’un principe de base de la VEFA.
Une procédure illégale ?
Sur le papier, au regard de la délibération 2024-066, l’Agglomération du Grand Albigeois, s’engage à acheter « sur plan » un bâtiment qui va lui livrer, « clés en mains » un constructeur. Ce schéma est juridiquement conforme à la procédure d’une VEFA. En effet, selon la jurisprudence, une VEFA ne doit pas déboucher sur une situation dans laquelle un immeuble a été conçu en fonction des besoins propres de la collectivité.
Si c’est le cas, autrement si c’est du « sur mesure » et que la collectivité se comporte comme un maitre d’œuvre, il faut alors passer un marché public avec mise en concurrence….
Pour l’avocat des requérants, Maitre Antonin Hudrisier, « ce qui pose problème, c’est qu’une VEFA est illégale si l’immeuble est destiné à remplir les besoins propres de la collectivité ». Et ce serait exactement « ce qui se passe avec notamment des consignes données au constructeur ».
Evidemment, ce sera au tribunal administratif de Toulouse de trancher. Il statuera sur la base des mémoires déposés par les deux parties. Le débat sera forcément juridique, technique. Mais il reposera surtout sur des éléments de fait notamment les pièces et preuves montrant que le Grand Albigeois ne se contente pas d’attendre de recevoir les clés de son nouvel hôtel d’agglomération.
Contactée, la présidente de l'agglomération, Stéphanie Guiraud-Chaumeil, n’a pas souhaité s’exprimer.
Une affaire pesant sur la campagne ?
Néanmoins, c’est une véritable épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus d’un chantier de plusieurs dizaines de millions d’euros. En cas d’annulation de la délibération, ce serait un coup dur pour les promoteurs du projet et en premier lieu, la présidente du Grand Albigeois et maire sortante d’Albi.
Le risque est relatif. La livraison du bâtiment a toutes les chances d’être effectuée avant que tous les recours ne soient « purgés ». Comme dans le cas de l’A69, les maçons et les bétonnières vont aller plus vite que la justice : 18 mois pour une décision du Tribunal administratif, 24 à 48 mois en cas d’appel.
Néanmoins, à quelques mois des municipales de 2026, l’intervention d’une décision de justice va s’inviter dans la campagne. Depuis plusieurs semaines, l’hypothèse d’un duel au sommet entre le président du conseil départemental, Christophe Ramond, et la maire d’Albi. Selon nos inormations, ce scénario n’est plus d’actualité. L’affiche électorale sera probablement moins « punchie ».
Mais la décision du tribunal administratif va forcément « ambiancer » l’atmosphère.