Suppression de l'Aide médicale d'Etat : "il y a des gens qui vont mourir de cette réforme". Un médecin porte plainte contre des sénateurs

Un médecin albigeois porte plainte contre deux sénateurs médecins, qui soutiennent la suppression de l'Aide médicale d'Etat (AME) pour les sans-papiers. Une position "ni éthique, ni déontologique", pour le professionnel de santé, qui s'inquiète, au même titre que 3500 de ses confrères, de la mise en place d'une telle réforme.

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Le Dr Jean Doubovetzkyest médecin généraliste à Albi. Il a décidé, la semaine dernière, avec un autre praticien, de porter plainte, devant l'Ordre des médecins contre deux sénateurs médecins LR, qui ont voté la suppression de l'Aide médicale d'état (AME) aux sans-papiers. Pour rappel, cette aide offre une couverture des frais de santé aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois et disposant de très faibles revenus.

Le projet de loi immigration prévoit de supprimer cette aide pour les sans-papiers, en la remplaçant par une Aide médicale d'urgence (AMU) qui limiterait le panier de soins au "traitement des maladies graves et douleurs aiguës", aux "vaccinations réglementaires" et aux "soins liés à la grossesse". Une proposition décriée par de nombreux professionnels de santé et qui divise au Parlement. 

Un danger pour la santé publique

"Ces deux médecins sénateurs ont voté et promu la suppression de l'AME et son remplacement par une aide d'urgence", explique le Dr Jean Doubovetzky. "Les conséquences de cette décision, si elle était actée, seraient absolument catastrophiques, parce que les services d'urgences sont déjà complètement débordés." 

Le médecin donne un exemple précis du dysfonctionnement, selon lui, du dispositif : "Quelqu'un qui a de la fièvre et une toux ne peut pas être traité au service d'urgence, il sera donc renvoyé vers un autre service. Avec le nouveau dispositif d'aide médicale d'urgence, il n'aura pas le droit. Donc si cette personne est en train de commencer une tuberculose, il ne sera traité qu'au moment où la tuberculose deviendra grave."

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L'exemple de l'Espagne 

Une situation dangereuse, pour le patient mais aussi pour la population, qui peut le croiser et être contaminé. "Il y a des gens qui vont en mourir de cette réforme", assure le Dr Jean Doubovetzky. "Pas seulement des gens en situation irrégulière, mais aussi ceux qui vont les croiser dans la rue, dans le métro etc. Sur le plan de la santé publique c'est dangereux."

C'est ce qui est arrivé en Espagne, où le dispositif avait été supprimé. Une restriction aux soins pour les étrangers, qui a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses et une surmortalité (20 % de plus pour cette population fragile). Une mesure qui, en plus, n’avait pas permis au gouvernement de faire des économies, comme l'a soulignée la presse espagnole à l'époque. La réforme a finalement été abrogée en 2018 et le dispositif réinstallé.

La question de "l'appel d'air"

La suppression de l'AME est défendue par la droite, l'extrême droite et une partie de la majorité. L'argument principal ? La crainte d'un "appel d'air" pour l'immigration clandestine, l'idée que les étrangers viennent en France pour se faire soigner. "Une idée fausse", pour le Dr Doubovetzky, qui assure que la question a été étudiée : "En Afrique, Asie, les gens ne savent absolument pas que les soins sont gratuits."

Pour lui, les étrangers qui arrivent en France ne le savent pas non plus et n'ont pas le réflexe de chercher cette AME. "Si un travailleur social ou un soignant ne leur en parle pas, ils ne savent pas que ça existe et ne le demande pas. Beaucoup de personnes ne sont pas au courant et sont dans une situation difficile", insiste le docteur. Il fustige les deux sénateurs médecins, contre qui il a déposé sa plainte : "Ou bien ils sont ignorants, ou bien ils savent et font semblant de ne pas savoir. Dans les deux cas, ce n'est pas éthique." 

Une tribune de médecins 

Jean Doubovetzkyn'est pas le seul médecin à s'ériger contre la suppression de l'AME. Samedi 11 novembre 2023, 3500 médecins, salariés et libéraux, ont transmis un appel à l'AFP, dans lequel ils s'engagent à "désobéir" si l'aide est supprimée et à "continuer de soigner gratuitement" ces malades. 

Si le médecin albigeois n'a pas signé cette tribune, car il n'en a pas eu connaissance à temps, il soutient la démarche : "Bien sûr que nous, les généralistes, nous allons continuer comme avant, de soigner ces sans-papiers. Pour les soignants hospitaliers, en disant qu'ils passeront outre le système administratif et qu'ils recevront ces gens, alors qu’officiellement ils n'ont pas le droit de faire, c'est une vraie désobéissance. Il faut les saluer pour cela." 

Pour Jean Doubovetzky, le rôle du médecin est clair : il faut soigner tout le monde. "C'est essentiel qu'un humain soit considéré comme tel, quelle que soit son origine ou sa situation", conclut-il.

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