Des milliers d'opposants à la construction de méga-bassines et les forces de l'ordre se sont affrontés samedi 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Ces violences rappellent celles de Sivens (Tarn) en 2014 lorsque le militant Rémi Fraisse avait été tué par une grenade policière. L'avocate de la famille et un ancien opposant au projet du barrage dénoncent l'attitude du gouvernement.
Les images d'affrontements ultra-violents entre des milliers de personnes et les forces de l'ordre dans le cadre de l'opposition à l'installation des méga-bassines à Saint-Soline (Deux-Sèvres) rappellent un autre évènement aux conséquences dramatiques, qui s'est déroulé dans le Tarn.
C'était en 2014, lorsque des milliers de personnes constituent une ZAD (Zone à Défendre) à Sivens (Tarn), car ils s'opposent à un projet de barrage. Le 26 octobre de la même année, le militant Rémi Fraisse décède, mortellement touché par l'explosion d'une grenade offensive lancée par des forces de l'ordre.
"À quoi sert la mort de Rémi Fraisse ?"
Interrogé par Médiapart, le père de Rémi Fraisse, Jean-Pierre Fraisse, a forcément pointé du doigt les évènements de Sainte-Soline, ravivant les souvenirs de la mort de son fils. "La mort de Rémi n'a servi à rien. Je ressens de l'abattement, de la douleur. On est toujours traumatisé quand on voit toutes ces images de violences policières" a t-il témoigné, remonté contre "la répression à outrance".
L'avocate de la famille de Rémi Fraisse, Maître Claire Dujardin, va dans le sens des propos de Jean-Pierre Fraisse. Elle fait part de "l’indignation" de la mère de Rémi Fraisse : "la question qui vient en tête, c'est : à quoi sert la mort de leur fils", poursuit l'avocate.
"On ne peut pas utiliser des armes contre la population"
"C'est vrai que quand j'ai vu les images de Saint-Soline, ça m'a rappelé Sivens", reconnaît Christian Conrad, membre de l’association Apifera-Tarn, et opposant au projet de barrage de Sivens. "Pas grand chose ne s'est arrangé" depuis ajoute-t-il, dénonçant une police "violente", et un gouvernement "qui n'a jamais pris conscience du décès de Rémi Fraisse".
Maître Claire Dujardin est encore plus incisive. "C'est à la fois de la sidération et de la colère, lorsque l'on voit l'usage disproportionné des armes des forces de l'ordre" pointe-t-elle. "Ce sont des armes de guerre, contrairement à ce que peut dire le Ministre de l'Intérieur. " Pour elle aussi, "aucune leçon n'a été tirée" depuis la mort de Rémi Fraisse. "C’est inquiétant. Quand est-ce-que ça va s’arrêter ? On ne peut pas utiliser des armes contre la population", reprend-elle.
Dans ce contexte pesant, Christian Conrad déplore néanmoins les scènes de violences de manifestants "qu'il a toujours condamné" car "elles servent les intérêts de nos opposants".
"On ne prend pas note de ce qu'il se passe pour l'eau"
Les opposants aux projets de Sainte-Soline et de Sivens font également le parallèle avec la revendication d'une gestion de l'eau plus responsable. "C'est une aberration, on ne prend pas note de ce qu'il se passe", critique Christian Conrad.
Dans un contexte aggravé par le réchauffement climatique et des épisodes de sécheresse plus longs et plus fréquents, l'utilisation "gourmande" de cette ressource par les agriculteurs mène à "un dialogue de sourds" assure-t-il. "On est également minoritaires face à des élus qui soutiennent les agriculteurs". Claire Dujardin prend la défense de ces écologistes, "qui défendent le vivant", et qui ne sont pas "des personnes violentes".
Plus de 8 ans après la mort de Rémi Fraisse à Sivens, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'État à indemniser la famille. Mais le combat n'est pas totalement terminé pour le clan Fraisse : un recours a été déposé par Maître Claire Dujardin devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, afin de "faire condamner la France pour méconnaissance des droits de l'Homme", fait savoir l'avocate.