En ce 80ème anniversaire du débarquement et de la Libération, une amicale relève un sacré défi de travail de mémoire et de transmission : publier sur les réseaux sociaux, les portraits des 465 hommes et femmes, enregistrés dans les maquis de Vabre, dans le Tarn. Tous se sont battus pour sauver des juifs, aider aux opérations du Débarquement et participer à la Libération.
Vabre, petite commune située à l'est du département du Tarn, est un village des Justes. Lors de la Seconde Guerre mondiale, le secteur fût une terre d'accueil de nombreux réfugiés fuyant le service du travail obligatoire (STO). Et un peu plus de 450 résistants ont œuvré dans les maquis dans la perspective du débarquement du 6 juin 1944. Parmi eux, Etienne Lévy alias Lacroix, petit-fils du capitaine Dreyfus. René Lasserre, lui, rejoint le maquis le jour du Nouvel An 1944, l'étudiant devenu saboteur. Raymond Lapeyre est un policier déserteur dont la mission est d'être le "cuisto" d'une section.
Depuis septembre 2023, et dans la perspective des célébrations du 80e anniversaire du Débarquement et de la Libération, l'Amicale des maquis de Vabre s'est lancée dans un vaste travail de mémoire et de transmission. Elle publie régulièrement sur ses réseaux sociaux le portrait des maquisards de Vabre.
Un fastidieux travail d'archives
Le maquis de Vabre était dirigé par Guy de Rouville, qui en était le chef administratif et dont le nom de code était Paul Roux, nous raconte Michel Cals, le vice-président de l'Amicale. La famille de Rouville a légué à la commune de Vabre énormément d'objets et 8000 archives sur papier. "C'était un maquis très organisé et structuré parce qu'il y avait beaucoup d'intellectuels à sa tête, des centraliens, polytechniciens..." Le petit-fils de Rouville a créé le site internet avec toute cette matière.
Aujourd'hui, Simon Louvet a repris le flambeau des recherches pour identifier les 463 maquisards inscrits au registre de Vabre. Le journaliste et écrivain qui a repris des études d'histoire est l'arrière-petit-fils d'un résistant de Vabre. En mars 2022, il se rend dans la commune du Tarn. "Je suis arrivé à Vabre parce que je voulais voir où était mon grand-père, trouver les lieux, obtenir des informations." Et c'est à ce moment-là qu'il prend attache avec l'Amicale des maquis.
À partir de ses recherches personnelles sur son aïeul, Simon Louvet se propose de travailler à l'identification et aux biographies de tous les autres maquisards de Vabre. Il écume les dossiers d'homologation FFI aux archives de l'armée, à Vincennes.
J'ai recherché tous les noms les uns après les autres. Et donc, pour l'instant, j'ai trouvé environ 220 dossiers que je suis allé consulter.
Simon Louvet
Simon Louvet y aura passé trois mois et publié régulièrement les biographies au fil de ses trouvailles. Son engouement pour le sujet suit une logique scientifique de l'historiographie, de la manière dont s'écrit l'histoire, explique-t-il. "Après la guerre, il a fallu écrire la grande histoire de la Résistance. Puis, c'est l'histoire des chefs, une histoire militaire. Et aujourd'hui, 80 ans après, on retrouve beaucoup plus une logique d'histoire sociale et individuelle qui permet de raconter ce qui a fait la cohésion à un moment de ces groupes, pourquoi un tel se retrouve là à tel moment, et ça permet de comprendre des dynamiques particulièrement intéressantes comme à Vabre."
Simon Louvet est quasi intarissable et déterminé à aller jusqu'au bout des 200 biographies encore manquantes. Plusieurs sources pour l'y aider : le registre des maquis de Vabre, particulièrement fiable mais également un livre recueil de témoignages édité par l'Amicale.
Travail de mémoire et de transmission
Les réseaux sociaux, terrain de transmission auprès des jeunes générations. L'Amicale mène de nombreuses actions auprès des scolaires, dans les collèges et lycées pour remettre en lumière la résistance militaire, mais aussi la résistance civile. Vabre est village des Justes. "On a accueilli, sauvé et caché énormément de familles juives", rappelle Michel Cals. Le vice-président de l'Amicale mène de nombreuses actions sur le terrain, va à la rencontre des scolaires dans les collèges et lycées.
"Il y a tout un travail de pédagogie à faire qui est absolument énorme. Absolument énorme, parce qu'il y a une ignorance totale, il y a des préjugés gigantesques", nous confie-t-il. Michel Cals reconnaît que "80 ans, c'est très loin." Mais, parfois, il se retrouve pantois face à son jeune public.
"Le dernier collège que j'ai reçu, au bout de cinq minutes, je leur dis qu'il y a un mot qui va revenir très souvent, c'est maquis. Est-ce que vous savez ce que ça veut dire ? Et je vois tous les yeux qui s'arrondissent et j'ai compris que pour eux, c'était un plat japonais. Voilà. Donc, tout est à faire."
Et le sujet peut s'avérer complexe du fait que ce soit un maquis juif combattant. "Aujourd'hui, vous imaginez les amalgames auxquels on a droit." Mais l'Amicale des maquis de Vabre ne baissera ni les bras, ni la garde et continuera à faire vivre l'héritage de Guy de Rouville, alias Paul Roux, le chef administratif des maquis de Vabre. Du 12 au 14 août 2024, l'Amicale organisera une série de rencontres et d'animations pour célébrer les 80 ans de la Libération dans la vallée des Justes.