Les défenseurs de l’A69 entre Toulouse et Castres mettent souvent en avant le désenclavement de ce territoire situé dans le sud du Tarn. Des chercheurs de l’université d’Albi et des urbanistes d'autres établissements universitaires remettent en question cet argument.
"On a une nécessité de désenclaver le Sud du Tarn qui est aujourd’hui synonyme de ruralité. Il a besoin d’être rattaché à la métropole toulousaine par une voie de circulation." Comme tous les pro-A69, le député du Tarn Jean Terlier en est persuadé. L'autoroute A69 va sortir la sous-préfecture tarnaise de son isolement. Des chercheurs de l'Institut National Universitaire Champollion d’Albi n'en sont pourtant pas persuadés. Dans un communiqué, ils affichent même leur désaccord concernant ce projet autoroutier. Parmi les arguments, l’aspect écologique (destruction de la biodiversité) et économique (coût du péage élevé à 17 euros). Il y est aussi question de l’argument du désenclavement. Les chercheurs de cette université dénoncent « un projet à visée économique à partir d’un raisonnement simpliste supposé permettre le désenclavement d’un bassin d’emploi. Pourtant les recherches en aménagement du territoire n’ont jamais démontré que la création d’une infrastructure de transport était automatiquement synonyme de développement social et économique pour les territoires concernés. »
Maxime Genevrier, professeur d’urbanisme associé à Lettres Sorbonne Université, travaille quotidiennement sur la revitalisation des centres-villes. Selon lui, les urbanistes sont toujours craintifs dès qu’il s’agit de nouveaux projets d’infrastructures routières.
France 3 Occitanie : qu’enseigne l’histoire urbaine concernant les nouvelles infrastructures routières comme les autoroutes ?
Maxime Genevrier : Toutes infrastructures routières libèrent du foncier, des terrains à construire autour. Tout se passe généralement en périphérie, sur l’axe qui relie des pôles urbains. Ici, entre Toulouse et Castres. Cela va générer des développements certes mais à l’extérieur des centre-villes.
Est-ce-que l’on veut des développements périphériques qui participent à dévitaliser les centres-villes?
Je sais que cela semble contre-intuitif mais cela va participer à dévitaliser Castres. Cette autoroute ne place pas au centre de l’échiquier cette ville. Elle place en son centre, Toulouse. C’est le phénomène de métropolisation. C’est-à-dire, plus qu’aujourd’hui, Castres deviendrait une ville suburbaine de la région toulousaine. Ça a été prouvé géographiquement dans d’autres villes que cela ne participe pas au développement des centres-villes.
France 3 Occitanie : cette autoroute ne pourrait pas rendre plus attractifs les commerces de Castres ?
Maxime Genevrier : Les commerces, contrairement à ce que l’on pourrait penser, tournent à majorité avec la chalandise proche, c’est-à-dire avec les habitants du centre-ville. Aussi, les usagers de périphérie vont de par leur type de mobilité, majoritairement la voiture, privilégier les espaces consacrés à cette mobilité, c’est-à-dire les espaces périphériques. Ça roule mieux, c’est plus facile pour se garer, plus rapide… La périphérie n’est pas complémentaire du centre-ville. Elle est concurrente en termes commerciale et en termes d’habitat. Si les décideurs attendent de l’autoroute qu’elle permette de développer le centre-ville de Castres, c’est une erreur.
France 3 Occitanie : avez-vous un exemple ?
Maxime Genevrier : Il me vient un contre-exemple. La ville de Cahors. Elle est souvent citée comme une des villes où il y a le moins de commerces vacants dans sa catégorie, c’est-à-dire dans sa taille de ville (comparable à celle de Castres).A Cahors, il y a une autoroute qui ne passe pas loin. Mais, ce n’est pas une autoroute dédiée à cette ville, c’est une autoroute de transit. Cahors est loin d’autres métropoles. Et pourtant, elle fonctionne bien. L’analyse globale qui est faite, c’est qu’elle a bénéficié de son éloignement qui crée un pôle de vie autonome. Elle n’est pas dépendante d’un autre centre urbain et elle a bien règlementé son étalement urbain donc elle est restée dense. Quand on veut revitaliser son centre urbain, je dis toujours : "développez-vous pour vous". La ville doit être le centre de sa propre zone d’attractivité.