Scopelec, le plus gros groupe coopératif de France basé dans le Tarn a perdu 65% de ses contrats de sous-traitance avec Orange. Une filiale de la société tarnaise assigne l'opérateur téléphonique en justice. Elle lui reproche de manquer à ses engagements et de menacer un millier d’emplois.
Une filiale de Scopelec appuyée par les Comités Sociaux et Economiques des 2 entreprises poursuivent en justice Orange pour "rupture brutale de la relation commerciale". Setelen a déposé une assignation en référé contre Orange auprès devant le tribunal de commerce de Lyon. L'affaire sera jugée demain lundi 28 mars.
Une assignation pour faire respecter les droits de la coopérative
C'est un dossier qui pourrait animer une fin de campagne de l'élection présidentielle un peu endormie sur le volet économique. Orange, opérateur dont l’Etat est actionnaire, fait l'objet de nombreuses critiques, pour la brutalité avec laquelle il a géré l'abandon de l'un de ses sous-traitants historiques : Scopelec.
En novembre dernier, Scopelec a perdu 65% de ses contrats de sous-traitance avec Orange après un appel d'offres. Ce changement qui rentrera en vigueur le 31 mars va lui faire perdre 40% de son chiffre d'affaire. Dans le PV de l'assignation en justice, il est même mentionné que :
Avec une perte de chiffre d’affaires se situant entre 50 et 75 %, les sociétés SETELEN et SCOPELEC se trouvent confrontées brutalement à un sureffectif important qu’elles sont totalement dans l’incapacité de gérer conformément aux règles de droit applicables.
Procès verbal de l'assignation en justice d'Orange par la société Setelen
Le groupe décide donc de contre-attaquer devant la justice. "Cette assignation a pour objectif de faire respecter nos droits à un préavis utile et nos droits à un accompagnement, y compris financier, face aux préjudices subis. Il est normal qu'Orange assume ses responsabilités et indemnise ses manquements", déclare le président du directoire du groupe Scopelec, Thomas Foppiani à l'AFP. Depuis plusieurs jours, il martèle les mêmes mots sur les plateaux TV : "Scopelec est en danger".
Le groupe tarnais reproche au géant des télécoms de ne pas avoir respecté le préavis et de ne pas l'accompagner dans ce changement brutal. Toujours d'après l'AFP, "Orange conteste le bien-fondé de cette assignation" dans un communiqué publié, en assurant avoir "respecté l'ensemble des délais". Et de poursuivre : "Les attributaires du contrat en vigueur jusqu'au 31 mars 2022 ont été prévenus dès 2018 du terme de ce marché et du lancement d'un nouvel appel d'offres. Cela leur a été formellement notifié en avril 2020, soit 23 mois avant le terme, avec un préavis supérieur aux usages".
La semaine dernière, le tribunal de commerce de Lyon avait décidé de placer la société Scopelec en procédure de sauvegarde. Une procédure qui permet aux entreprises en difficultés de se réorganiser tout en maintenant son activité et en assainissant ses comptes. Cette étape est souvent suivie par un plan de sauvegarde qui peut conduire l'entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation.
Depuis plusieurs mois dans la tourmente
Le 3 février 2022, les salariés de Scopelec étaient en grève pour protester contre la perte de 2 gros contrats de sous-traitance avec Orange. Le groupe compte 3800 salariés et pas moins de 1900 emplois seraient menacés, dont 500 en Occitanie.
Pendant cinquante ans, tout se passait plutôt bien entre Orange et son sous-traitant, chargé de l’installation et de l’entretien du réseau téléphonique à travers le pays. Le ciel s'est assombri à l'automne 2021 et depuis les salariés de la plus grosse coopérative de France veulent reprendre en main leur scop.
Selon le journal l'Humanité, le 16 novembre dernier la direction de l’opérateur décroche son téléphone pour prévenir le sous-traitant des résultats du dernier appel d’offres. Plusieurs secteurs géographiques avec des marchés importants vont lui échapper : Ile-de-France, Normandie, Centre-Est, Limousin... 40% du chiffre d'affaire va ainsi partir à la concurrence.
La procédure de renouvellement de l’appel d’offres durait depuis janvier 2021 et le groupe attendait une issue favorable. Mais l'opérateur téléphonique en a décidé autrement, prétextant une qualité des prestations à la baisse et des plaintes multiples reçues. Selon un dirigeant de la scop joint par l'Humanité, 15 millions d’interventions ont été réalisées dans toute la France sur les 6 dernières années et les plaintes seraient marginales.
Pour eux, Orange a fait ce choix pour se tourner vers un autre sous-traitant moins cher et moins regardant socialement. N'empêche que potentiellement 1000 personnes licenciées à partir du 1er avril, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, l'affaire pourrait agiter le landerneau politique. D'autant plus que l'Etat détient plus de 20% du groupe.
Ce lundi 28 mars 2022, le tribunal de commerce de Lyon entendra la direction de Setelen filiale de Scopelec. Les CSE (Comité Social et Economique) des 2 boîtes se sont joints à la procédure. Ils demandent le maintien des volumes des commandes pendant une durée de 18 mois, à compter du 1 er avril. Ils veulent aussi condamner l'opérateur téléphonique à verser 173 000 € par jour si jamais il refusait de se soumettre à cette exigence.