Les filles de l'air : Fatoumata Kebe, la tête dans les étoiles

Elles sont souvent entrées dans l'aviation ou l'espace comme on entre en religion … Par passion !
A travers plusieurs portraits de "filles de l'air", on constate que dans l'aéronautique aussi, les femmes ont trouvé leur place…. Et cela ne date pas d'hier !

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Fatoumata Kebe est originaire du Mali et a grandi à Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis. Aujourd'hui, elle termine sa thèse en astronomie à l'Observatoire de Paris et est l'une des 18 "femmes de l'espace" mises en avant dans l'exposition Space Girls, Space Women imaginée par Sipa Press et L'ESA, actuellement au Musée des Arts et Métiers, à Paris.

Comment une petite fille, née dans le 93 dans un milieu modeste, a-t-elle eu la vocation de devenir astronome et réussi à s'imposer comme l'une des spécialistes mondiales des débris spatiaux ? En parallèle de son activité de chercheuse, Fatoumata a créé une association pour faire découvrir aux jeunes des quartiers en difficulté l'univers spatial. Histoire qu'eux aussi puissent avoir l'ambition de rêver, la tête tournée vers les étoiles... 

Dans ma famille, les études supérieure, on avait pas l'habitude.


Q. Quand est apparue cette vocation pour l'astronomie ? 
C'est une vocation qui est née quand j'étais petite, quand j'ai vu des images de planètes dans une encyclopédie sur laquelle je suis tombée dans le salon de mes parents. Je me suis dit "Plus tard, je travaillerai dans l'astronomie !"... Le truc, c'est qu'on avait pas de cours d'astronomie, des choses qui nous auraient amené à faire ce genre de choix. Alors il a fallu faire les démarches pour trouver quelles études faire... Rien n'a été facile. C'était une découverte pour moi et pour mes parents aussi, car dans ma famille, les études supérieures, on avait pas l'habitude.

Q. En tant que femme, ça a été compliqué d'en arriver là ou vous êtes aujourd'hui ? 
En fait, ça été facile car j'avais l'ambition d'y arriver. Donc je n'ai jamais eu de problèmes, pour mes stages ou autres... En fait, je me suis juste fait la remarque sur le fait qu'on était juste 2-3 femmes dans une salle de 100 personnes... Après, je pense en fait qu'on ne communique pas assez sur les femmes dans ce type de métiers. Quand on voit quelqu'un du milieu spatial parler à la télé, c'est un homme. Il n'y pas de modèle féminin. Quand je donne des cours dans des lycées, les jeunes filles sont incapables de me donner le nom d'une femme travaillant dans le milieu. Les plus âgées peuvent n'en citer qu'une : Claudie Haigneré.

L'espace est devenu une poubelle

Q. Vous êtes actuellement doctorante à l'Observatoire de Paris et vous écrivez une thèse sur les débris spatiaux... En quoi ça consiste ? 
Les débris spatiaux, ce sont en fait les vestiges de l'activité humaine là-haut. Il y a les vieux satellites, pour avoir accès aux télécommunications -GPS, internet...- car on a pas les moyens de les faire redescendre sur terre. On trouve aussi des morceaux de fusées, etc... Aujourd'hui il y -a des millions de débris dans l'espace et qui sont incontrôlables. Ces débris, ça représente un danger parce qu'ils peuvent retomber sur terre et impacter les zones habitées, mais ils peuvent aussi entrer en collision et donc détruire les autres satellite qui eux, sont encore en mission. 
Mon travail, c'est de faire des simulations de collisions et d'explosions dans l'espace pour voir comment les débris vont se mouvoir autour de la terre, et trouver une méthode pour nettoyer l'espace dans les années à venir.

Q. Vous dites d'ailleurs que vous êtes une "gardienne de l'environnement spatial"...
Oui, c'est vrai... Quand il y a vraiment des explosions qui ont lieu dans l'espace, les pays se rejettent la responsabilité l'un sur l'autre. Alors mon travail, c'est aussi un rôle de surveillance.

Q. L'espace est-il devenu une sorte de "poubelle" ?
C'est exactement ça... Il faut savoir qu'aujourd'hui on a 20.000 débris spatiaux qui ont une taille supérieure à 10 cm, 700.000 entre 1 et 10 cm et 125 millions qui ont une taille inférieur à 1 cm... Donc oui, on peut dire que l'Espace est devenue une poubelle.

Q. Comment peut-on faire, du coup, pour limiter ces débris et "nettoyer" l'espace
On peut mettre en place, pour les nouveaux satellites, des kits qui vont leur permettre de revenir sur terre une fois qu'ils auront fini leur mission. Chaque pays met en place sa politique spatiale. De notre côté, la France force justement aujourd'hui les exploitants de satellites français à faire revenir sur terre leur satellite après 25 ans. Le problème, c'est que chacun fait un peu ce qu'il veut... 

Q. Aujourd'hui, vous êtes l'une des 18 femmes mises en avant dans l'exposition Space Girls, Space Women, actuellement au Musée des Arts et Métiers, mais aussi sur les grilles du jardin de l'Observatoire de Paris. Quel effet ça fait ? 
Ça fait très bizarre... Si un jour, on m'avait dit que mon portrait serait exposé et que ma photo serait même sur l'affiche d'une expo, j'aurais dit "Impossible !".  C'est vraiment quelque chose d'atypique, surtout pour quelqu'un qui est dans la recherche, qui n'a pas l'habitude d'être exposé. C'est aussi ça qui est bien dans Space Girls, Space Women : il y a plein de profils différents. Ça prouve qu'on peut y arriver quoiqu'il arrive, peu importe son milieu, son origine, son sexe... C'est un beau message. 

Q. Quel conseil donneriez-vous à la petite Fatoumata qui a ouvert ce livre d'astronomie ? 
Je lui dirais : "Ose rêver ! Et n'aie pas peur d'avoir de l'ambition !"
Un chiffre : 17%
Alors que nous venons de fêter le cinquantenaire de l’Europe Spatiale, et malgré leur présence à des postes clés, les femmes sont sous-représentées dans les carrières scientifiques avec une proportion de 17% en moyenne des ingénieurs en France.

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