Affaire de la "chemise arrachée": quinze salariés d'Air France devant la justice

La photo du DRH d'Air France, chemise en lambeaux, avait fait le tour du monde et terni un peu plus la réputation française en matière de dialogue social: le procès de 15 salariés de la compagnie s'ouvre mardi à Bobigny.

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L'intersyndicale d'Air France appelle à une grève et un rassemblement en soutien aux prévenus aux abords du tribunal. La CGT, qui compte plusieurs membres parmi les prévenus, veut transformer cette journée en tribune pour "les libertés syndicales". Cinq de ses adhérents, dont un représentant du personnel, ont été licenciés par la compagnie à la suite des événements. Convoqués pour 9 heures, cinq salariés sont poursuivis pour "violences en réunion" et dix autres pour "dégradations".

Les faits s'étaient produits le 5 octobre 2015 lors d'une manifestation contre un projet de restructuration d'Air France visant à supprimer 2.900 emplois pour redresser sa compétitivité.

Après avoir forcé la grille d'accès au parvis du siège d'Air France à Roissy, une centaine de manifestants avait envahi la salle où la direction était en train de présenter le plan en comité central d'entreprise. Lors d'un mouvement de foule, le directeur des ressources humaines Xavier Broseta et celui de l'activité long courrier, Pierre Plissonnier, avaient été malmenés, de même que certains des vigiles assurant leur protection. Puis, alors qu'ils tentaient de fuir, leurs chemises avaient été arrachées par la foule hostile, massée à l'extérieur du bâtiment.

Ils n'avaient pas été blessés mais les images, filmées par de nombreux médias, de ces deux cadres fuyant sous les huées, torse nu et chemise en lambeaux, avaient fait le tour du monde et suscité de nombreuses réactions indignées, le Premier ministre Manuel Valls qualifiant les fauteurs de trouble de "voyous".

Les syndicalistes dénoncent une "violence patronale"

Fin mai, le procès s'était ouvert en pleine épreuve de force entre la confédération de Montreuil et le gouvernement sur la loi travail, avant d'être opportunément renvoyé à la rentrée. Si le contexte est moins explosif, les débats s'annoncent tendus entre des prévenus résolus à dénoncer la "violence patronale" et une direction qui fustige le recours à la violence physique.

L'avocat d'Air France, Me Dominique Mondoloni, a ainsi critiqué la "volonté de la défense de transformer les auteurs en victimes et les victimes en auteurs". "Air France sera là pour soutenir ses salariés et répéter que la violence ne peut en aucun cas devenir un mode de régulation des conflits sociaux", a-t-il ajouté, soulignant l'attachement de l'entreprise, qui emploie 55.000 personnes, au dialogue social.

Côté défense, Me Lilia Mhissen aimerait "qu'on ne juge pas les salariés sur des extraits de vidéos". Par exemple, deux des prévenus ont "clairement agi pour protéger MM. Broseta et Plissonnier", affirme l'avocate de 12 des salariés, persuadée que "si on avait récupéré toutes les images de la vidéo-surveillance et l'ensemble des rushes des journalistes, l'histoire aurait été différente".

L'avocate a fait citer la compagnie pour immixtion dans un conflit social et entrave à l'exercice du droit syndical. Alors que ces faits doivent être examinés le 9 décembre, Me Mhissen devrait plaider à l'ouverture de l'audience la jonction entre les deux affaires.

Si le tribunal fait droit à sa demande, le procès, prévu pour durer jusqu'à mercredi, sera renvoyé au 9 décembre. Au pénal, les salariés poursuivis pour violences encourent jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Au civil, Air France leur réclame un euro symbolique. Le jugement sera mis en délibéré.



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