Le département est "gangréné" par le phénomène des rixes selon Caroline Nisand, la procureure de la République d'Évry.
La commune de Boussy-Saint-Antoine, dans l’Essonne, est en deuil après la mort d’un adolescent de 14 ans lors d’une rixe. Les faits se sont déroulés hier soir, entre le stade de football et la piscine de la commune. Deux bandes de jeunes âgés de 13 à 17 ans venant de deux communes avoisinantes, Épinay-sous-Sénart et Quincy-sous-Sénart, se sont affrontées. Ils étaient une trentaine au total.
Des armes blanches, des bâtons et des béquilles ont été utilisées. "Je savais que ça allait dégénérer", se souvient un habitant du quartier. "Les deux bandes d’Epinay et Quincy sont connues depuis un moment déjà (…) A Boussy, généralement, il n’y a pas de ça", ajoute-t-il.
Une violence qui "monte en gamme"
Parmi les multiples coups portés dans cette rixe, l’un d’eux atteint le jeune adolescent au niveau du thorax. Il a succombé à ses blessures quelques minutes plus tard, vers 17h. Deux autres jeunes, âgés de 13 et 16 ans, ont également été blessés, le plus jeune gravement au cou. Hier soir, son pronostic vital était encore engagé.
Au total, sept personnes sont en garde à vue, six ont été interpellées rapidement. La septième, soupçonnée d'avoir porté les coups mortels, s'est rendue dans la soirée. C’est un mineur de 15 ans. "On a monté en gamme au niveau de la violence. Il y a quelques années, les affrontements se faisaient avec des bâtons et des pierres et il y avait des caillassages", détaille Guillaume Roux, le secrétaire départemental du syndicat SGP Police de l’Essonne. "Aujourd’hui on est avec du couteau et parfois des armes à feu", constate-t-il.
L’Essonne "gangrénée"
Selon le parquet d'Évry, une enquête pour meurtre et tentative de meurtre sur mineur de moins de 15 ans a été ouverte et confiée à la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de l'Essonne. Ce mercredi matin, le parquet annonce auprès de l'AFP que le pronostic vital de l'adolescent de 13 ans évoqué plus haut "n'est plus engagé". Il est "sorti du bloc opératoire", a-t-il précisé.
La tragédie survient le lendemain de la mort de Lilibelle, une adolescente de 14 ans tuée d’un coup de couteau au niveau du ventre alors qu’elle tentait de s’interposer dans une rixe dans la commune de Saint-Chéron. Une enquête portant sur des faits de meurtre sur mineur de 15 ans et de violences en réunion a été ouverte. Elle a été confiée à la section de recherches de Paris, en cosaisine avec le groupement de l'Essonne.
Cela fait donc deux morts en 24h dans le département de l’Essonne, "gangréné" par le phénomène des rixes à répétition, selon les propos tenus par Caroline Nisand, la procureure de la République d'Évry. En 2020, 99 affrontements entre bandes rivales ont eu lieu dans le département. Cela représente une augmentation de 80% par rapport à 2019.
Les rixes "de pair avec les réseaux sociaux"
"Les Pères ont failli (…) je connais ce phénomène de rixes depuis que je vis ici", nous confie Romain Colas, le maire (PS) de Boussy-Saint-Antoine, se disant également "attristé" et "en colère" de la situation actuelle. "Il est inadmissible, quand on a 14 ans, de voir sa vie cesser avec un tel déchainement de violences". Selon nos informations, l’élu voudrait mettre en place un plan de prévention, notamment avec les plus jeunes, âgés de 6 à 9 ans, en collaboration avec les élus des communes d'Épinay-sous-Sénart et Quincy-sous-Sénart.
M. Colas souhaite également activer une cellule de veille, assurer un suivi individuel afin d'identifier les jeunes qui "posent le plus de problème", et de donner des moyens à la police sur les réseaux sociaux "si on veut éviter que ce genre de drame ne se multiplie". "Le drame survenu hier doit collectivement nous inciter à tirer des enseignements et à agir", explique le maire.
Lors d’une visite à Dourdan hier soir, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a affirmé que ce phénomène des rixes est "très francilien" et "va de pair avec la déscolarisation, le manque d’autorité parentale, les réseaux sociaux" ainsi que l'essor des messageries cryptées comme Telegram, sur lesquels "la loi ne permet pas [aux forces de l'ordre] d'intervenir".