REPORTAGE. 2 000 fûts toxiques encore sous terre à Sermaise, des associations et des habitants veulent réhabiliter un site pollué.

À Sermaise, un collectif d'associations et de riverains veut réhabiliter le site de l'ancien industriel GERBER contaminé il y a plus de 40 ans par des produits toxiques issus de milliers de fûts. Le site est actuellement sous la surveillance de l'Etat.

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"On pense qu'il y a une vraie volonté politique d'enterrer le dossier. Nous, on a vrai projet pour ce site. Le dépolluer, l'aménager, l'ouvrir au public, On veut regarder vers l’avenir." Pascale Augiat à la tête du collectif Orbia, un ensemble d'associations de défense de l’environnement et de riverains, bataille aujourd'hui pour "faire avancer" à nouveau "ce dossier" et se faire entendre. Pour mettre un terme à une pollution qui contamine depuis 50 ans les eaux souterraines et les sols d'un ancien site industriel, celui de l'entreprise GERBER sur la commune de Sermaise au sud de l'Essonne..

Aujourd'hui, pour pénétrer sur le site Gerber situé en bordure d'une départementale, il faut franchir une ou deux barrières. Des grillages, à certains endroits en très mauvais état, cernent les cinq hectares de ce territoire où la nature à première vue a repris ses droits. La rivière, l'Orge, coule en contrebas du terrain.

Sur place, la végétation est dense mais pousse en réalité sur un sol très largement polluée. À quelques mètres en profondeur, plus 2 000 fûts d'où s'échappent des matières toxiques, gisent là depuis cinquante ans.  Selon les autorités sanitaires, 34 700 m3 de terre sont contaminés par des produits polluants.

C'est un truc absolument abominable, c'est une sorte de goudron du goudron très épais, une sorte de mélasse

Pascale Augiat du Collectif Orbia

On ne sait pas précisément où sont enterrés les fûts, précise Pascale Augiat, "tout dépend des différentes cartographies qui ont été réalisées pour les localiser". Mais on connaît bien en revanche leur contenu. Au moins une demi-douzaine de composants toxiques ont été identifiés. Notamment du Benzène, un composé organique toxique, irritant et cancérogène mais aussi des COHV, des composés Organiques Halogénés Volatiles capables de migrer dans l’air, l’eau et les sols.

Une pollution qui date de 40 ans

Cette contamination des sols est le legs d'une ancienne activité industrielle. Sur cette parcelle de la commune de Sermaise, à proximité d'une station de pompage d'eau potable, l'entreprise Gerber traitait, régénérait des tonnes de solvants industriels usés fournis par de grands groupes chimiques. 

Pendant 40 ans, l'industriel a accumulé des milliers de fûts contenant des produits qu'il ne pouvait pas traiter, des produits "non regénérables". L'odeur dégagée par l'entreprise était pestilentielle. Portée par les vents, elle se propageait jusqu'à 8 à 10 km selon les témoins de l'époque.

En 1972, les autorités finissent par intervenir. La préfecture décide de suspendre l'activité industrielle et appose des scellés sur les machines. Elle demande à l'entrepreneur de se mettre en conformité, d'évacuer les fûts et les mares de produits polluants et d'épandre une couche de sable sur le terrain. L'industriel décide alors d'enfouir les bidons et répand des produits polluants sur les sols.

En 1993, l'industriel est placé en liquidation judiciaire. Reconnu défaillant, l'Etat entreprend des travaux de dépollution. 14 millions d'euros vont être dépensés pour tenter de dépolluer le site. Entre 1992 et 2001, 3 686 fûts sont excavés et retraités. 10 650 tonnes sur site et 5 850 tonnes hors site de terres polluées sont évacuées. Sermaise est qualifiée par le Parisien comme le village le plus pollué de France.

Mais en 2005, après de nouvelles découvertes de fûts, la campagne d'excavation et de traitement des terres s'arrête. Selon l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, exhumer le contenu les quelque 2 000 fûts toxiques encore sous terre et évacuer les terres encore polluées pourrait causer plus de mal de bien.

Leur évacuation risquerait d'entraîner sur le court terme un fort relargage de polluants dans les eaux souterraines

Conclusions d'une étude de 2005 par l'ADEME

L'ADEME, explique d'autre part, qu'il n'y a pas d'évolutions significatives de pollution sur les eaux souterraines, que "les risques toxiques et cancérigènes pour les populations riveraines sont acceptables au regard des seuils réglementaires (...) sous réserve que l'utilisation des nappes à l'est du site", en aval de l'Orge "soit interdite à la population", précise l'établissement public.

En clair, les riverains ne doivent plus consommer l'eau issue de ces nappes et ne peuvent plus s'en servir pour arroser leurs jardins ou leurs potagers. Les riverains doivent s'alimenter dans la commune à côté, à Dourdan.

"Ça n'avance absolument pas"

Depuis 2020, un comité de suivi du site a été institué. L'ADEME est mandaté pour surveiller la qualité des eaux souterraines. 14 piézomètres, des petits appareils de mesures enfouis dans le sol, permettent d'effectuer des relevés pour contrôler la qualité des deux nappes phréatiques situées sous le site.

Tous les semestres, des comptes rendus sont publiés, des réunions sous l'égide de la sous-préfecture sont organisées en présence d'un collège de riverains et d'habitants. 

"On discute des choses et d'autres mais finalement aucune décision n'est prise et ça n'avance absolument pas", regrette Pascale Augiat du collectif Orbia. "Aujourd'hui, il y a des techniques de dépollution certainement beaucoup plus performantes que ce qu'on connaissait il y a 20 ou 30 ans. La première chose, c'est de faire une étude approfondie pour voir ce qui est possible de faire pour dépolluer complètement ou autant que faire se peut ce site", déclare-t-elle.

"Il faut qu'on trouve un moyen d'isoler cette pollution"

Pour rebondir, assainir enfin le site, le collectif espère fédérer tous les acteurs engagés sur ce dossier : l’État, les élus locaux mais aussi le syndicat de l'Orge qui regroupe 65 communes. Un bras de la rivière a été détourné. Le syndicat qui gère la rivière souhaiterait qu'elle retrouve son parcours initial.

Dans son combat, le collectif d'associations peut compter notamment sur l''engagement du nouveau députe de l'Essone, Steevy Gustave, élu aux dernières élections en juin 2024. Le parlementaire du groupe Écologiste et Social s'est saisi de l'affaire. Il souhaite "auditionner" tous les acteurs de ce dossier, élus locaux et représentants de l'Etat et annonce travailler à la rédaction d'une proposition de loi sur la responsabilité des industriels pollueurs.

"J'ai vraiment envie d'avancer sereinement sur ce dossier sans dogmatisme. Je veux juste essayer de comprendre sans incriminer des gens, mettre les responsables face à leurs responsabilités et demander à l'État de faire son travail pour sécuriser la vie des gens", déclare l'élu.

Présente sur le site ce matin, Pascale Augiat redoute les conséquences des dernières intempéries. Depuis plusieurs jours, des fortes pluies ont raviné, dit-elle, les sols du site pollué et gagnent l'Orge en contrebas. À ses côtés, Nicole Brault qui réside à quelques centaines de mètres de là, dans le prolongement de la rivière, partage son inquiétude.

"Il faut qu'on trouve un moyen d'isoler cette pollution alors ça peut être en sortant toute cette terre polluée ou en faisant des travaux. Mais moi, je voudrais bien que ça avance, surtout pour l'avenir de nos enfants et pour cette terre, pour la végétation et la faune", explique-t-elle.

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