Qu'il pleuve, qu'il vente ou que le soleil rayonne, ils sont indissociables de la vie des quais de Paris. Mais les Jeux olympiques de Paris 2024 font planer sur les bouquinistes un sombre nuage : à leur grand dam et pour des raisons de sécurité, ils devraient démonter leurs boîtes.
Si vous flânez quai de Conti sur la rive gauche de la Seine entre le jeudi et le dimanche, vous avez de grandes chances d'apercevoir la silhouette de Pascal Corseaux. Bouquiniste depuis 1996 après avoir notamment été libraire à Londres, c'est un des ardents défenseurs des bouquinistes dont il est vice-président de l'association.
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Ce jour-là quand nous le rencontrons, il pose pour un photographe de l'AFP, preuve que la destinée de sa profession lors des prochains JO trouve un écho bien au delà de Paris. De nombreux médias comme le New York Times par exemple se sont faits l'écho de la polémique.
"Ce que j'aime c'est la liberté et le contact avec les gens. Ce contact humain est très plaisant, les clients nous font découvrir des livres et on essaye de les partager aussi. Il y a également toute la dimension bibliophilique, la recherche et l'étude de ces trouvailles. L'envie ne baisse jamais, on se lève toujours de bonne humeur avec l'idée que la journée sera celle d'une nouvelle aventure", confie Pascal Corseaux. Néanmoins, l'humeur est quelque peu maussade depuis que la préfecture de police de Paris entend démonter les boîtes pour sécuriser la cérémonie d'ouverture des Jeux.
"On ne veut pas que les boîtes soient enlevées. Nous sommes actuellement en discussion avec la préfecture et la Ville de Paris. La préfecture évoque des problèmes de terrorisme ou de mouvement de foule et veut retirer les boîtes. On s'y oppose car on pense qu'il y a d'autres solutions pour sécuriser les boîtes. Actuellement, il y aurait 600 boites à enlever... La préfecture est en train de revoir les linéaires pour réduire le nombre de boîtes à enlever mais on s'y oppose".
Car la question soulève un paradoxe : les bouquinistes sont inscrits au patrimoine culturel immatériel français mais ne seraient donc pas mis en valeur lors des Jeux olympiques. "Paris c'est la tour Eiffel, Notre Dame, le Louvre et les bouquinistes. On est là pour défendre notre métier. On est aussi des commerçants et on a besoin de vivre. Retirer les boîtes, c'est nous enlever notre gagne-pain. La couverture presse mondiale montre ce que nous représentons pour l'attractivité de Paris", poursuit Pascal Corseaux.
"On est aussi des commerçants et on a besoin de vivre. Retirer les boîtes, c'est nous enlever notre gagne-pain."
Pascal CorseauxVice-président de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris
En attendant que la question de la présence du maintien ou non des boîtes pendant les Jeux soit tranchée, le commerce continue pour le bouquiniste "paysan de Paris" dont les affaires sont soumis aux aléas de la météo. Le beau temps est synonyme de foule sur les quais et donc de clients potentiels. "Je vends une dizaine de livres par jour, jusqu'à une vingtaine les jours fastes."
Quand on lui demande ses coups de coeurs, son regard se porte sur les centaines d'ouvrages de son étalage et se saisi de trois livres : "'La veillée au pays breton', c'est un livre pour enfant magnifique. Il y a aussi 'le Roi au masque d'or' de Marcel Schwob avec un tirage sur papier Japon." Le regard est vif et on devine chez Pascal Corseaux le goût de bien conseiller ses clients : "Le livre, c'est la découverte. On lit toujours de nouvelles choses et je suis passionné du monde de l'édition. C'est un puits sans fond."
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La plus grande librairie du monde à ciel ouvert renferme dans ses boîtes environ 300 000 livres. Dans un monde mouvant à l'heure de la dématérialisation et du numérique, les bouquinistes font figure de repère sur les quais depuis 450 ans.