Ils ont reçu ce matin l'arrêté de mise en sécurité urgent. Les propriétaires et les locataires de 35 appartements situés dans le 11e arrondissement de Paris ont 48 heures pour évacuer leur copropriété qui menace de s'effondrer. Ils attendent des solutions de relogement.
Ce week-end, Noé a assisté au déménagement à la va-vite de la plupart de ses voisins partis avec quelques vêtements et leurs plantes sous le bras. Lui a réuni l’essentiel de ses affaires dans une grosse valise : ses papiers d’identité, ses diplômes, ses documents de copropriété. "Il y a aussi mes photos, des petits souvenirs, tout ce qui est fondamental pour moi et que je veux pas perdre." Mais faute d’avoir trouvé un hébergement en urgence, le jeune homme est resté dans son appartement. "Je suis comme tétanisé. Je ne sais pas où aller. S’il s'agit de quelques semaines, je peux réussir à me débrouiller. Mais si la situation dure plusieurs mois voire plusieurs années, là, je n’ai pas de solution."
Pas de solution de relogement
Noé est le propriétaire d’un appartement coquet de 18m2 du quartier Oberkampf (Paris XIe). Un logement acquis en 2021 "à un bon prix" compte tenu de l'ampleur des travaux prévus à l'époque dans la copropriété. "Je n'étais pas inquiet, car je pensais subir les travaux pendant un an tout au plus." Mais derrière la façade fraîchement ravalée se cachait en fait une structure très dégradée. Une structure qui menace aujourd'hui de s’écrouler.
Il y a dix jours, un expert mandaté par la mairie a rendu des conclusions alarmantes. Il estime que le bâtiment "est susceptible non seulement de s’effondrer, mais également d’affecter la sécurité des trois autres immeubles de la résidence, ainsi qu’une propriété mitoyenne". 35 logements doivent donc être évacués dans les plus brefs délais.
48 heures pour déménager
Rencontrée devant sa boîte aux lettres, Anne, 46 ans, nous montre le recommandé qu'elle vient de recevoir. "C'est l’arrêté de mise en sécurité urgent qui vient de tomber. C'est un coup de massue. On a 48h pour dégager." Cette propriétaire qui habite son appartement depuis quatorze ans ne décolère pas. "On a injecté des sommes énormes pour la réalisation de travaux, plus de deux millions d'euros. Chaque semestre, nous avions des appels de fonds. J'ai l'impression d'avoir été une vache à lait."
Cette femme nous montre les butons mis en place en 2017 pour stabiliser les bâtiments. Une installation "temporaire" pour sécuriser les habitants. Puis le matériel de chantier qui concerne un bâtiment mitoyen. Un chantier de 700 000 euros commencé il y a une semaine après plusieurs reports liés à un différend avec le locataire du rez-de-chaussée, le gérant d'une Dark Kitchen (NDLR : cuisine destinée aux livraisons). " Il nous a fallu un an pour réussir à le faire partir. En attendant, la situation s'est dégradée. Et lorsque le local commercial a été évacué, nous avons constaté que des poteaux porteurs avaient été retirés. Cela avait peut-être été fait avant..."
Conséquence, l'escalier du bâtiment s'effondre dans la foulée. Pour pénétrer dans les appartements, il faut désormais emprunter un escalier en fer "provisoire" placé à l'extérieur". Ça fait des années que j'ai envie de vendre mais impossible de faire visiter mon appartement avec ces échafaudages et cet escalier de fer. Et avec cette injonction d'évacuer la copropriété, le chantier est de nouveau interrompu," se désespère Anne.
En attendant que des travaux de confortement soient réalisés pour lever l’imminence du danger, Anne a trouvé une location meublée dont elle doit signer le bail ce soir. Mais elle va devoir continuer à payer son prêt en même temps que sa location. "Pour combien de temps ? On a l'impression d'être dans une situation assez inextricable."
Sa voisine de palier Céline n'a pour l'instant trouvé aucun logement dans son budget. Elle nous accueille dans son 12m2 insalubre, aux murs fissurés et à la fenêtre obstruée par un mur, loué pour 335 euros par mois. C'est normalement à son propriétaire de lui trouver un appartement. Mais ce dernier semble faire la sourde oreille depuis dix jours. "Déménager mais où ? Comment ? Je ne sais pas quoi faire. C’est affreux."
Depuis le 1er juillet 2017, c'est la Ville de Paris qui est compétente en matière de péril et de sécurité des bâtiments d’habitation. C'est elle qui est susceptible de prendre des arrêtés en cas de risques liés à l’état d’un bâtiment.
Personne à la rue selon la mairie
Selon Ian Brossat, l'adjoint au maire en charge du logement, une réunion publique doit se tenir demain soir à la mairie du XIe arrondissement pour présenter des solutions. Personne ne se retrouvera à la rue, locataires ou propriétaires. "Si les propriétaires ne relogent pas leurs locataires, la mairie se substituera. En ce qui concerne les propriétaires qui occupent leurs logements, nous sommes en lien avec des foncières privées pour qu'ils mettent à disposition des appartements moins chers que dans le parc classique, explique l'élu PCF. "Mais il faut évacuer. Il y a eu plus de dix visites dans cette copropriété et la dernière nous a particulièrement alertés. Il n'est pas question de faire prendre des risques aux habitants. On ne peut pas jouer avec la sécurité."
D'après l'élu, ces injonctions d'évacuation restent rares. A l'instar de celle du 5 juin 2022, rue Saint-Séverin dans le 5e arrondissement. Une vingtaine de riverains avaient dû évacuer dans la nuit leurs logements après l'effondrement d'une partie de la cage d’escalier de l’immeuble. En 2021, 148 bâtiments ont été identifiés comme présentant des fragilités justifiant une surveillance de la part de la puissance publique. Un chiffre qui ne cesse de baisser d'années en années.