L'Afghanistan a basculé entre les mains des talibans après une offensive éclair jusqu'à la conquête de Kaboul. A Paris, des membres de la communauté afghane s'inquiètent pour leurs familles restées sur place. Ils témoignent.
Depuis trois semaines, ils suivent l'avancée des talibans en Afghanistan à la télévision et sur les réseaux sociaux. Dans un mélange d'impuissance, de stupeur et de colère, ils s'accrochent à chaque image reçu pour se sentir un peu plus proche de leurs familles. Ces dernières semaines les messages envoyés par les Afghans à leurs proches installés à Paris, se multiplient. Ils y décrivent un nouveau quotidien, dans leurs villages, villes, provinces sous le contrôle désormais des talibans.
Si sur place, beaucoup peinent à témoigner de peur de représailles, à Paris, les familles partagent la même inquiétude. Une peur tellement forte que les témoins interrogés ont parfois choisi de conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité.
"Une chape de plus sur ce pays"
"Je suis choqué. Quand j’ai vu que les talibans avaient pris Kaboul, je n’y croyais pas (…) On a été vendus par les politiciens afghans", nous confie Shayan, 23 ans, réfugié afghan et entrepreneur à Paris. Il a récemment pu avoir des nouvelles d’amis restés dans la capitale afghane. "J’ai des camarades avec qui je suis allé à l’école qui sont coincés à Kaboul. Ils ont peur. Ils ne sortent pas de leur chambre", poursuit-t-il. "Une partie de ma famille est restée en Afghanistan. Ils ont très peur. Les informations ne circulent quasiment pas, ou alors au compte-goutte. Ils vivent dans l’incertitude", explique Shafagh, 25 ans, d’origine afghane et travaillant dans le monde de la finance. "La situation fait peur. Des gens se sont battus et sont morts, des familles sont endeuillées... tout ça pour rien (...) l’Afghanistan est un pays pauvre, et ça empirera avec les talibans", estime-t-il.
Les femmes et les filles vont être les premières victimes du régime.
"C’est malheureusement une chape de plus qui s’abat sur ce pays. On craint que le régime soit le même qu’il y a vingt ans", explique de son côté Fahim Ziaï trésorier de l’association Fraternité Paris-Kaboul, venant en aide aux populations en détresse, en particulier les populations afghanes, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. "Un ami sur place m’a dit que la situation était telle que ce n’était même pas la peine d’essayer de prendre un avion", complète-t-il.
Les femmes au cœur des inquiétudes
L’inquiétude est palpable sur ce que pourrait devenir le pays si les talibans appliquaient leur doctrine. L’avenir des femmes est au cœur des préoccupations. "Les femmes et les filles vont être les premières victimes du régime. Et cela pourrait être encore plus dur pour les chiites Hazara [ethnie persanophone présente dans le centre du pays, ndlr], celles qui ne sont pas encore mariées, et celles qui ont travaillé pour des puissances étrangères", estime Shayan, ajoutant parmi les principales victimes les journalistes, les artistes et les chanteurs.
Il ne faut pas oublier l’Afghanistan. Il l’a trop souvent été.
Même inquiétude du côté de l'association Fraternité Paris-Kaboul pour laquelle travaillent vingt à trente personnes (infirmières, professeurs, médecins) dans Kaboul et sa banlieue. Elle gère également des dispensaires, dont l’un est dirigé par une femme. "Je suis inquiet pour le personnel de l’association sur place, surtout dans ce dispensaire", confie Fahim Ziaï.
"Les Afghans sont un peuple romantique. J'ai souvent fait remarqué à mes parents que les chansons afghanes sont majoritairement des chansons d'amour. Les Afghans sont des gens amoureux, qui ont soif de liberté. Il ne faut pas oublier l’Afghanistan. Il l’a trop souvent été", raconte Shafagh. Même resenti du côté de Shayan. "On ne doit pas laisser tomber l’Afghanistan. Il faut aider le pays, pas seulement pour ses richesses ou la politique. Les Afghans méritent, eux aussi, de vivre dans un pays tranquille".