Au procès de l'incendie de la rue Erlanger, la colère et la peine des proches de victimes

Pendant trois jours, une trentaine de parties civiles doit s'exprimer au procès de l'incendie de la rue Erlanger. Des proches des dix victimes et des survivants. Ce lundi, certains n'ont pas caché leur colère face à l'accusée, Essia Boularès.

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"Madame Boularès, voilà maintenant quatre ans que j’attends de vous voir. Quatre ans que j’attends de poser les yeux sur la personne qui m’a enlevé mon petit frère." A la barre, Thomas, 32 ans, se tourne vers l’accusée, le regard et la voix chargés de colère. Dans la salle d’assises aux bancs clairsemés, il est venu ce lundi porter la parole de sa famille brisée : celle de sa mère qui ne dort plus, celle de son père qui "ne s’en remettra pas", et celle de ses deux autres frères "privés de leur pilier". Leur frère et fils Jonathan Jouclas avait 26 ans. La vie de cet étudiant en théâtre s’est arrêtée le 5 février 2019 dans l’incendie de la rue Erlanger. "En le privant de son avenir, vous avez gâché le nôtre… La vengeance nous est interdite, c’est cette cour qui statuera sur votre sort et rendra son verdict. Aucune peine de prison ne sera assez lourde à nos yeux."

De la peine et de la colère, Vincent en a aussi énormément. La cinquantaine, il est venu parler de sa sœur Pascale Coget dont le sourire XXL s'affiche sur les écrans de la salle d’audience. Très impliquée dans son travail, elle dirigeait la fondation "Un avenir ensemble" destinée à accompagner des jeunes de milieux défavorisés dans la vie professionnelle. Elle avait reçu la médaille de l’ordre national du mérite en 2016 pour son action. Son corps calciné, "méconnaissable", a été découvert dans son appartement situé au 7e étage. Elle avait 58 ans. 

Je me suis accroché à l’idée que ma sœur était morte sans souffrance en respirant des fumées toxiques. Donc sans douleur, dans son sommeil. Mais les rapports des experts m’ont donné une image de ma sœur dans la salle-de-bain, écrasée par le plafond. Était-elle partie se réfugier ? A-t-elle pleuré ? A-t-elle attendu la mort ? A-t-elle senti le piège se refermer ? A-t-elle eu peur ? Elle a vu arriver la mort avec certitude ?

Vincent, le frère de Pascale Coget

Essia Boularès, dont les troubles mentaux et les addictions ont été rapportés au cours du procès, était-elle consciente de ses actes en mettant le feu à la porte de son voisin ? C'est la conviction de Vincent, le frère de Pascale. "Elle menace, elle passe à l’acte. Elle prépare soigneusement un départ de feu, allume et observe l’horreur. Pour moi, elle est coupable. Elle a assassiné ma sœur." 

Puis s’avance à la barre Solène B., 37 ans. Elle a le souffle court, la voix cassée après avoir eu les cordes vocales brûlées. Une des multiples séquelles de l’incendie. La jeune femme vivait au 7e étage de l'immeuble du 17 bis rue Erlanger depuis 2017. "Mon beau-frère, qui est pompier de Paris, m’avait dit que si un jour il y avait un incendie ici, je serais dans 'la merde' car les pompiers ne pourraient pas intervenir. Moi j’aimais cet appartement parce qu’il était sur cour et qu'on entendait les oiseaux. C’était un luxe dans Paris."

"Je n’arrive toujours pas à accepter ce que j’ai entendu cette nuit-là, le son de personnes brûlées vives"

Le 5 février 2019, Solène B. est tirée de son sommeil par les cris de ses voisins. Lorsqu'elle comprend que le bâtiment est en feu, elle se réfugie dans sa salle de bain, mouille ses vêtements et fait couler de l’eau. Allongée sur le sol, elle va attendre plus de trois heures l’arrivée des pompiers. Trois heures pendant lesquelles la jeune femme suffoque, pense qu'elle va mourir. Intoxiquée aux fumées toxiques et au cyanure, elle sera hospitalisée pendant plusieurs jours en réanimation puis en pneumologie sous oxygène. Ses poumons ont aujourd'hui gardé une hyper sensibilité qui l'empêche de faire du sport et la fatigue. "Je ne peux plus accepter le stress, ma vie professionnelle est complètement détruite", témoigne Solène B. "Et je n’arrive toujours pas à accepter ce que j’ai entendu, cette nuit-là. Entendre le son de personnes brûlées vives, c’est un son que l‘humanité ne peut pas entendre, que je ne peux pas entendre. Il y a une personne qui est morte au pied de ma porte. Devant moi, il y avait Jonathan Jouclas qui est décédé. En face de chez moi, en bas de chez moi, des personnes sont décédées. Ce soir-là, j’ai perdu une partie de moi. Je suis désormais entourée de morts. J’essaie de m’accrocher tous les jours, mais il faut que la personne qui a mis le feu soit punie. Je suis désolée Mme Boularès."

Dans son box, Essia Boularès acquiesce à ces propos, essuie quelques larmes. Vendredi dernier, elle avait exprimé ses regrets face aux victimes et aux pompiers venus témoigner. Celle qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, trente ans si l'altération du discernement au moment des faits est reconnue, sera entendue ce vendredi par la cour.

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