La fièvre du tricot s'est emparée du Parc Expo de la porte de Versailles, à Paris, où se tient le championnat de France de "speed knitting" jusqu'au 1er décembre. Parmi les mordus de maille en compétition, la Francilienne Isabelle Stiegler, la "Poulidor du tricot", qui pourrait enfin décrocher un titre.
Une maille à l'endroit... Puis une maille à l'endroit..., encore et encore, le plus vite possible, pendant trois minutes. Lors du championnat de France de vitesse de tricot (speed knitting), qui se tient à Paris au sein du salon Créations & Savoir-Faire, du 27 novembre au 1er décembre, on fait chauffer les poignets. Tous les "mangeurs de maille", soit les passionnés de tricot, ont leur technique. Mais chaque participant se voit confier les mêmes aiguilles, et la même pelote de laine, pour tenter de réaliser l'exploit : entrer dans la légende du tricot.
Catherine et Isabelle, un éternel duo de championnes
Petits et grands, débutants comme expérimentés, tout le monde peut participer. Les hommes aussi : la gent masculine a pourtant été jusqu'ici bien absente du concours. Mais personne ne se berce d'illusions : depuis dix ans, ce sont toujours les deux mêmes qui occupent le podium. La championne bretonne Catherine Bouënard, à la technique imparable, et la téméraire francilienne Isabelle Stiegler, éternelle deuxième, surnommée la "Poulidor du tricot".
"À chaque fois, on est à quelques mailles près", juge Isabelle, qui regarde sa rivale du coin de l'œil avec un sourire amusé : "Un jour, je l'aurai, elle me craint, vous savez !" L'ambiance est joviale autour de la scène, mais une certaine fébrilité gagne les participantes qui s'installent. "Le tricot, normalement, ça a un effet apaisant, calmant", ajoute la vice-championne, qui intervient dans une clinique psychiatrique près d'Argenteuil pour faire de la "tricothérapie". "On utilise le tricot comme outil thérapeutique, c'est une pratique qui apporte de la confiance en soi, qui fait travailler la concentration, la mémoire, les fonctions exécutives et qui fait entrer dans un état de relaxation. Mais là, c'est tout le contraire : on est dans la vitesse, c'est la compèt' ! Dans la joie et la bonne humeur, bien sûr." D'ailleurs, aucune des deux championnes ne dit s'entraîner.
Un virus qui touche toutes les générations
Témoins du rajeunissement de la pratique du tricot, des familles ou des inconnues de plusieurs générations s'affrontent. Françoise de Marseille, Sophie de Vanves et Laurianne du Jura ont chacune vingt ans d'écart, mais la même dextérité dans les doigts.
"Ce sont des jeunes qui m'apprennent des techniques que je ne connaissais même pas", assure Jimmy Tricotin, le youtubeur tricot aux près de 20 000 abonnés qui anime avec humour la compétition. "Tout le monde s'habille pareil. Avec le tricot, on peut vraiment personnaliser ses vêtements, et les jeunes adorent ça, se démarquer, avoir ce côté unique. Moi, j'ai vu des maillots du PSG en tricot", s'amuse-t-il.
Si beaucoup de participantes nous confient avoir appris grâce à leur mère ou leur grand-mère, le tricot s'est démocratisé aussi en investissant les réseaux sociaux. Le jeune speaker basé dans l'Essonne, expert en tutoriels vidéos, en est un bon exemple.
Sa popularité a explosé pendant le Covid, alors que beaucoup d'internautes avaient besoin de faire quelque chose de leurs dix doigts, plutôt que de rester les yeux rivés sur leur téléphone. Paradoxalement, c'est l'influenceur qui incite à la déconnexion et au partage. "Avec le tricot, on se concentre, on s'éloigne des écrans, on n'a plus mal à la tête. C'est aussi une activité de partage, entre les jeunes qui ont vu des choses intéressantes sur les réseaux et leurs aînés. Aujourd'hui, on arrive à voir toute une famille venir tricoter en même temps, et même des jeunes enfants, c'est beau."
La fièvre du tricot continuera d'animer le salon jusqu'à dimanche, où se jouera la finale de speed knitting. Objectif pour Catherine et Isabelle, dépasser le record de France établi en 2019 à 267 mailles tricotées en trois minutes. Catherine reste pour le moment en tête pour cette première journée de compétition, avec 248 mailles abattues, contre 217 pour Isabele.