"C'est notre ange gardien" : le Veilleur du mont Saint-Mard, un arbre remarquable, survivant de bien des tempêtes

C'est une curiosité dont les habitants des villages voisins du mont Saint-Mard sont fiers : au beau milieu des cimes de la forêt, émerge un arbre qui domine tous ses congénères. C'est le Veilleur. Un pin que les plus fortes tempêtes n'ont jamais réussi à faire plier.

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On ne voit que lui. Tout seul, là-haut sur le mont Saint-Mard. Dressé à plus de trente mètres au beau milieu de cette forêt de l'Oise, il dépasse de plusieurs têtes les autres arbres qui s'épanouissent à ses pieds.

Dans le coin, on l'appelle le Veilleur. Tout le monde le connaît. Tout le monde a quelque chose à regarder à propos de cet arbre. "On le voit de partout, dit Catherine qui s'échauffe avant d'entamer son parcours de marche nordique. Je faisais des balades là-haut avec mes enfants quand ils étaient petits. Ils adoraient aller le voir. C’est toute une histoire ce Veilleur. À chaque tempête, on a peur qu’il tombe, mais il est toujours là."

Car le Veilleur, c'est l'histoire de la résilience hors norme d'un arbre atypique.

Un pin corse sur un pin sylvestre

"Pour nous, le Veilleur, c’est un résineux au milieu d’une hêtraie, au milieu de feuillus. C’est déjà un beau contraste d’essences, sourit Michel Leblanc ancien responsable d'unité territoriale à l'Office national des forêts (ONF). Et puis c’est une essence double puisque c’est un pin noir, un pin laricio qui est greffé sur un pin sylvestre qui est une essence indigène. C’est deux pins l’un sur l’autre. On voit bien la différence entre les deux écorces : en bas, celle du pin sylvestre et au-dessus, celle du pin noir."

La greffe est surtout visible au bourrelet qui s'est formé entre les deux essences :

La présence iconoclaste de ce pin au milieu des hêtres et des chênes s'explique par le goût des forestiers de la fin du XIXe siècle pour les expérimentations. "À l’époque, ils aimaient bien tout ce qui était un peu exotique. En plus, c’était dans l’air du temps, explique Michel Leblanc. Donc ils se sont amusés à faire des greffes dans le massif. Ils ont greffé un peu tout ! Et il y en a un en particulier qui a greffé un pin noir sur un pin sylvestre. C’est comme ça qu’on situe à peu près l’âge du Veilleur, mais lui donner une date précise, c’est impossible."

Depuis la place du village, j’ai vu les arbres tomber un à un. C’était le vent qui faisait chuter tous les arbres. Sauf celui-là. C’était vraiment extraordinaire à voir : il ne restait qu’un arbre. Tout seul. C’était lui. Le survivant.

Gérard Desmaret, ancien maire de Rethondes

Mais le Veilleur aurait pu ne jamais atteindre les 150 ans et les trente mètres de haut. Il n'a cessé de grandir alors les autres arbres de la forêt s'effondraient lors de violentes tempêtes. Les habitants de Rethondes, la commune qui s'étend au pied du mont Saint-Mard, se souviennent particulièrement de la dernière en date, celle de 1990. "Depuis la place du village, j’ai vu les arbres tomber un à un. Mais vraiment un à un, se souvient Gérard Desmaret, ancien maire de Rethondes. Et le bruit que ça faisait. Un bruit sourd. Infernal. Boum boum boum boum boum….On se demandait ce qui se passait. C’était le vent qui faisait chuter tous les arbres. Sauf celui-là. C’était vraiment extraordinaire à voir : il ne restait qu’un arbre. Tout seul. C’était lui. Le survivant. Avant la tempête, on ne voyait pas. Il faisait partie de la forêt. Il a émergé à cause de la tempête et il est devenu le Veilleur. Notre Veilleur. Aujourd'hui, il est tout seul là-haut. Il nous regarde. Il veille sur nous, sur la commune."

Un patrimoine local à préserver

Ce que confirme Michel Leblanc : "Il a grandi avec le reste du peuplement puisqu’il n’y avait rien au moment de sa plantation en 1870. On ne le voyait pas particulièrement. Et il a émergé quand les arbres autour sont tombés en 1984 et surtout en 1990 après les tempêtes. Il s’est retrouvé très visible. Pourquoi il a tenu plus que les autres ? C’est dû à sa position : il est en dessous la dalle calcaire, dans des éboulis, avec des gros cailloux autour. Ce qui fait que son système racinaire qui s’est étendu a pu se loger dans les interstices des cailloux. Il est bien assis."

On a toujours un œil dessus. Quand il y a des tempêtes, on a toujours peur qu’il tombe. Ce serait un désastre s’il tombait. Un désastre sentimental. C’est un symbole, comme notre église.

Angelina, habitante de Rethondes

Conscient de l'importance de ce patrimoine local étonnant, l'ONF prend soin du Veilleur et fait ce qu'il faut pour le préserver aussi longtemps que possible. Quitte à faire des choix et à sacrifier d'autres arbres. Comme ce petit hêtre qui a le défaut de s'être installé sur les racines de son aîné. "Je vais le marquer à la peinture et quand les bûcherons seront dans le coin, je leur demanderai de le couper, annonce Maxime Delvoye, technicien forestier à l'unité territoriale Compiègne-Laigue. Ça laissera un peu plus de place à notre Veilleur. Ça va lui redonner de la place sur le plan racinaire. Et surtout, quand les gens viendront se balader, ils pourront regarder en l’air et avoir un point de vue direct sur la cime de l’arbre. On fait le choix de conserver le Veilleur parce que le hêtre qu’on va enlever, il y en a une grande quantité autour de nous. Mais des arbres comme le Veilleur, il n’y en a pas cinquante."

S'il est choyé, c'est parce qu'un jour, le Veilleur ne veillera plus : au rythme de croissance de la hêtraie, il finira par être rattrapé en taille par les autres arbres. Il émerge d'ailleurs moins de la canopée qu'il y a vingt ou trente ans. À moins qu'une autre tempête ne l'épargne à nouveau. "On a toujours un œil dessus. Quand il y a des tempêtes, on a toujours peur qu’il tombe, conclut Angelina qui habite et travaille à Rethondes depuis 27 ans. Ce serait un désastre s’il tombait. Un désastre sentimental. Ce serait un monument qui s’en irait. Il a un sacré vécu. C’est un symbole, comme notre église. C’est un peu notre ange gardien. Donc il faut qu’il tienne..."

Avec Gontran Giraudeau / FTV

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