Les mesures se multiplient depuis quelques années à l'échelle de la Ville de Paris ou la région Île-de-France pour créer de nouveaux espaces verts et préserver ceux déjà existants. Amélioration de la qualité de vie, bienfaits pour la santé des habitants et pour l'écologie... Que ce soient de petits ou de grands espaces de verdure, tout est bon pour verdir la région préconisent les spécialistes.
C'est l'ambition que s'est fixée la région Île-de-France d'ici 2040. Adopté le 11 septembre, le SDRIF-E (Schéma directeur environnemental de la région Île-de-France) acte la création de 140 espaces verts, la sanctuarisation de 13% du territoire francilien et de la quasi-totalité des espaces verts, mais aussi la préservation de 160.000 hectares d'espaces de nature. L'objectif principal serait ainsi de "permettre à chaque Francilien d'avoir accès à un espace de nature à moins de 10 minutes."
Du côté de la Ville de Paris, le nouveau Plan Local d'Urbanisme (PLU) bioclimatique s'est donné comme but d'atteindre les 10m² d'espaces verts par habitant - recommandation de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) - en créant 300 nouveaux hectares d'espaces verts. Un objectif qui ne sera pas forcément simple à réaliser.
"Il y a une répartition très hétérogène des espaces verts. Le poumon de notre région ce sont les forêts, commence Christian Thibault, directeur du département environnement de l'Institut Paris région, avant de nuancer le cas de la capitale, Paris est une ville très dense, très minérale et carencée en espaces verts. Elle est différente d'autres métropoles comme Londres ou Vienne qui sont beaucoup plus grandes mais qui ont également de gros parcs."
Plutôt grands parcs ou petits squares ?
Parmi les exemples d'espaces verts aux dimensions impressionnantes pour Paris, il y a le parc Martin Luther-King, qui a atteint sa taille finale en 2020. Ses 10 hectares de verdure dans le 17e arrondissement ont contribué à apporter de la végétation dans la capitale ces dernières années.
On retrouve aussi le projet d'un parc urbain de 27,4 hectares dans le secteur de Paris Nord-Est, porté par l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) et la Ville de Paris, qui remplirait à lui seul 1/10e de l'objectif fixé dans le nouveau PLU. "Une opportunité foncière et un cadre assez rare", commente Jonathan Flandin, écologue de formation et directeur de l'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France.
C'est intéressant d'essayer de faire l'effort de suivre les recommandations de l'OMS, mais il ne faut pas se poser une limite et ne rien faire du tout si ce n'est pas possible.
Claire DaugeardArchitecte formée aux sciences cognitives sociales
Mais dans une ville aussi dense que Paris, les gros parcs sont-ils la seule solution pour répondre au besoin des 10m² d'espaces verts par habitant ? Pour les experts, il faut prendre en compte la réalité du manque d'espace disponible à Paris et trouver d'autres moyens pour amener de la végétalisation en milieu urbain.
"C'est intéressant d'essayer de faire l'effort de suivre les recommandations de l'OMS, mais il ne faut pas se poser une limite et ne rien faire du tout si ce n'est pas possible", réagit Claire Daugeard, architecte formée aux sciences cognitives et sociales, membre de l'agence [S]City.
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Toute action pour végétaliser les villes est donc bonne à explorer selon la spécialiste : "On peut penser aux pocket parcs (ou micro parcs) qui se multiplient, aux coulées vertes pour que la biodiversité puisse passer. Il y a aussi les façades et terrasses végétalisées, et toutes les micro actions comme la création de parterres, de bancs plantés, d'arbres avec un peu de blé autour...", énumère-t-elle.
Jonathan Flandin de l'Institut Paris régions ajoute même : "Les cimetières franciliens peuvent également être une opportunité de création d'espaces verts en zone urbaine, comme c'est le cas avec le cimetière du Père Lachaise par exemple."
Diversifier les espèces et aménagements des espaces verts
Les spécialistes ne manquent pas de conseils pour aider à la création de ces nouveaux espaces verts, dont la conception optimisée en amont. "Pour ces petits espaces verts et squares, il est préférable d'utiliser ou de préserver des espèces que l'on retrouve déjà dans la faune locale, comme lors du réaménagement de certaines friches par exemple", explique Jonathan Flandin.
Il ne faut pas approcher les espaces verts en terme de surface mais plutôt en terme d'ambiance, en ajoutant des recoins, des petites buttes. C'est ce qui apporte une sensation de calme.
Christian ThibaultDirecteur du département environnement de l'Institut Paris région
Les avantages de ces espèces sont nombreux : "Elles demandent peu d'entretien, moins d'interventions pour les tailler ou les arroser : elles sont déjà adaptées au type de sol." L'écologue de formation recommande également de "de varier les strates de végétations" en y mélangeant "des arbres d'espèces variées, des haies, des espaces de prairies" puis de "laisser la nature évoluer par elle-même".
Christian Thibault souligne également l'importance de créer des différences de niveaux au sol. "Il ne faut pas les approcher en terme de surface mais plutôt en terme d'ambiance, en ajoutant des recoins, des petites buttes. C'est ce qui apporte une sensation de calme, qui est un sentiment recherché lorsque l'on fréquente les espaces verts. Alors qu'à l'inverse, un espace dégagé donne rapidement une sensation de parc bondé."
Améliorer la qualité de vie et la santé des habitants
Au-delà des aspects esthétique et environnemental, végétaliser les villes devient même un "problème de santé publique", explique l'architecte formée aux sciences cognitives, Claire Daugeard. Synonymes d'une amélioration de la qualité de vie en milieu urbain, les espaces verts permettent aussi "au cerveau de se régénérer, de réduire le stress et de limiter la fatigue mentale".
Autant d'éléments qui peuvent être des atouts pour améliorer la santé mentale. "Il a été prouvé que les espaces très denses ont une corrélation avec le fait de développer certains troubles mentaux allant jusqu'à la schizophrénie", explique la spécialiste.
Là encore, la taille de l'espace vert n'est pas le plus important. "Un petit square ne sera peut être pas aussi bénéfique qu'un gros parc, mais c'est déjà un apport de bien-être. Il favorise un confort sensoriel. Le simple fait d'avoir une vue depuis son appartement sur des arbres est restaurateur pour le cerveau."
Il a été prouvé que les espaces très denses ont une corrélation avec le fait de développer certains troubles mentaux allant jusqu'à la schizophrénie.
Claire DaugeardArchitecte formée aux sciences cognitives
Mais pour l'experte, l'un des enjeux majeurs pour ces nouveaux espaces verts est de "mettre en avant l'accessibilité afin que chacun se sente invité à y aller. Par exemple, un petit square de famille avec des installations pour les enfants ne va pas convenir à tous". Un point d'autant plus important que les espaces verts ont un rôle social capital. "C'est important qu'il y ait une vie commune, que les gens ne restent pas enfermés chez eux", détaille Christian Thibault.
Si, pour le moment, villes et région semblent vouloir créer de nouveaux espaces, le spécialiste rappelle que cette phase pourrait s'essouffler au bout d'un moment. En cause notamment, un "manque de foncier" disponible ou les "moyens financiers" qui ne suivent pas. "Les espaces verts coûtent de l'argent pour l'entretien et le gardienage. Ils ne rapportent pas autant que des logements, détaille Christian Thibault. Il y a des cycles. Quand une commune va atteindre le seuil qu'elle s'était fixé, après elle arrête. Ce n'est pas une création linéaire."