"Ce n'est pas aussi rentable qu'un immeuble de 39 mètres", faut-il rénover les maisons faubouriennes de Vaugirard ?

Alors que les maisons faubouriennes, traces des anciens villages, se font rares dans la capitale, celles du XVe arrondissement sont menacées de destruction. Passoires énergétiques, rénovation coûteuse, réponse à la crise du logement... Les opposants à leur destruction luttent pour protéger le patrimoine faubourien restant.

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En marchant dans le quartier de Vaugirard, au cœur du XVe arrondissement parisien, il arrive parfois que l'on tombe sur des petites maisons entourées de grands immeubles. Bien souvent hautes d'un ou deux étages, elles sont la trace d'une ancienne vie de village, et ont été construites avant que la rue dans laquelle elles se trouvent ne soit intégrée à la ville de Paris au milieu du XIXe siècle.

"Ces maisons racontent l'histoire de Paris et l'absorption de ces anciens faubourgs, détaille Bérénice Gaussuin, architecte du patrimoine, docteure en architecture. Il me semble qu'il n'en reste vraiment plus beaucoup à Vaugirard. Le XVe arrondissement a déjà eu des travaux urbains de grande importance."

Se faisant rares, ces dents creuses dans le paysage immobilier parisien séduisent aussi bien les amoureux du patrimoine architectural que les promoteurs immobiliers. Mais pas pour les mêmes raisons.

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"Des permis de construire sur des petites maisons, comme celles de Vaugirard, il y en a partout dans Paris", se désole Christine Nedelec, présidente de l'association SOS Paris, créée en 1973 pour défendre le patrimoine de la capitale.

Un constat que fait également Pauline Rossi, chargée d’études au Secrétariat permanent de la Commission du Vieux Paris, instance chargée, depuis 1897, d'examiner le patrimoine en vue des plans d'urbanismes et d'émettre des avis à la Ville de Paris sur les potentielles destructions. "Depuis les années 1990, ça arrive très souvent que l'on voie passer ce type de petites maisons, explique-t-elle. Sur 10 à 15 dossiers traités chaque mois, il y en a 2 ou 3 pour des petites maisons comme celles-ci."

Préserver le patrimoine faubourien, une quête difficile

Car, si elles ont le charme de l'ancien, ces maisons se trouvent bien souvent sur une parcelle pouvant rapporter bien plus. Certaines ont ainsi été démolies pour qu'un immeuble plus imposant ne les remplace. Une façon pour les promoteurs "de chercher à maximiser le foncier et de renforcer la densité" en ville, estime Bérénice Gaussuin, qui est également membre de la Commission du Vieux Paris.

Il reste assez peu de maisons de ce type, quelques dizaines seulement entre Vaugirard et Grenelle, dans des états de conservation différents.

Philippe Goujon

Maire du XVe arrondissement

C'est d'ailleurs ce qui est prévu pour la maison du 190 rue Lecourbe qui, malgré les oppositions, sera détruite en 2025 pour laisser place à un immeuble de 39 mètres de haut et des dizaines de nouveaux logements. "Notre position est de préserver le plus possible le patrimoine faubourien. Il reste assez peu de maisons de ce type, quelques dizaines seulement entre Vaugirard et Grenelle, dans des états de conservation différents", affirme le maire du XVe arrondissement, Philippe Goujon.

Il ajoute par ailleurs qu'il a "émis un avis défavorable et la Commission s'est prononcée contre, à l'unanimité" pour la destruction du 190 rue Lecourbe. Des conseils qui n'ont pourtant pas eu l'effet escompté : "La ville a donné son accord." Une décision d'autant plus désolante pour le maire du XVe arrondissement que la bâtisse "a une architecture très caractéristique qui date de la fin du XIXe siècle", ajoute-t-il. 

La rénovation, trop coûteuse

C'est d'ailleurs cette "architecture vernaculaire" qui peut parfois conduire à la démolition des bâtiments anciens. Construites "au XIXe siècle voire XVIIIe siècle" avec des matériaux locaux comme "du moellon, des pans de bois et du plâtre", elles sont peu résistantes à l'eau, détaille Pauline Rossi, de la Commission du Vieux Paris.

Rénover ces maisons, c'est une opération qui coûte de l'argent. Ce n'est pas aussi rentable qu'un immeuble de 39 mètres de haut.

Bérénice Gaussuin

Docteure en architecture

Autant d'éléments qui font que ces maisons ont bien souvent besoin de rénovations pour être adaptées aux normes actuelles, comme le DPE, le diagnostique de performance énergétique, par exemple. Une solution qui est le plus souvent écartée par les promoteurs car trop coûteuse, dénoncent ceux qui défendent les maisons.

"Rénover ces maisons, c'est une opération qui coûte de l'argent, explique Bérénice Gaussuin. Ce n'est pas aussi rentable qu'un immeuble de 39 mètres de haut, et c'est très difficile de lutter contre ça. Mais quand on nous dit qu'il n'y a pas d'alternatives, bien souvent c'est juste qu'elles ne sont pas assez rentables."

Démolir, une solution contre le manque de logements ?

Aux arguments économique et écologique s'ajoute l'argument social. Dans une ville comme Paris, qui connaît une grave crise du logement, les maisons peuvent-elles continuer à occuper une parcelle sur laquelle pourrait être construit jusqu'à 80 logements ?

Pour les opposants à ces projets immobiliers, la réponse est claire : "Il faut repenser les façons qu'on a de faire du logement à Paris", tranche Christine Nedelec de SOS Paris. Pour la présidente de l'association, "il faut s'attacher à restaurer et conserver l'existant" et se tourner "vers les bureaux vides et les 400 000 logements vacants" en Île-de-France pour répondre à la crise du logement et créer des logements sociaux.

Philippe Goujon explique également "le XVe arrondissement est vaste, on peut faire ce type de logements ailleurs" sans avoir à détruire ces bâtisses anciennes estime-t-il, avant de préciser, "en 20 ans, on est passé de 13 000 logements sociaux à 28 000".

Face au juridique

Conserver le patrimoine parisien encore debout, une "lutte âpre", reconnaît Christine Nedelec de SOS Paris. Car, si l'association utilise habituellement des "leviers médiatiques, de mobilisation citoyenne ou de plaidoyer" en plus du juridique pour empêcher ces nouvelles constructions, elle précise que ce dernier levier est souvent le plus efficace.

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Mais il est de plus en plus compliqué de changer le court des choses puisque "le promoteur ne fait rien d'illégal", affirme Philippe Goujon, maire du XVe. Dans le cas du 190 rue Lecourbe, rien ne semble pouvoir arrêter la décision prise par la Ville de Paris, estime le maire.

Les associations comptent malgré tout continuer à se battre. "On alerte encore et encore sur la disparition de ces dents creuses, mais toutes les atteintes faites au patrimoine sont définitives, regrette SOS Paris. Mais on ne va pas abandonner."

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