Les Jeux paralympiques, qui se sont ouverts ce mercredi à Paris, rassemblent des athlètes avec des handicaps physiques, visuels et psychiques. Pourquoi la compétition n'inclut-elle pas des catégories pour les personnes déficientes auditives ?
Plus de 4 000 athlètes participent aux Jeux paralympiques de Paris 2024, qui débutent ce mercredi 28 août avec une cérémonie d’ouverture sur la place de la Concorde. L’événement, réservé aux personnes en situation de handicap, regroupe de nombreuses catégories selon les disciplines pour des questions d’équité entre les sportifs. Handicap moteur cérébral, déficience visuelle, personnes de petite taille, membres amputés, fauteuil roulant… Les épreuves suivent une classification complexe selon les différents handicaps.
Aucune catégorie n’inclut toutefois les déficiences auditives. Les athlètes sourds et malentendants ont leur propre compétition : les Deaflympics, aussi appelés les Jeux mondiaux des sourds (et par le passé, les Jeux mondiaux silencieux). Un événement centenaire, plus ancien que les Jeux paralympiques, dont la première édition date de 1960 à Rome (et dont les origines remontent à l’après-guerre à Stoke Mandeville, en Angleterre). Créés par le militant sourd français Eugène Rubens-Alcais, surnommé "Le baron de Coubertin sourd", les Deaflympics, eux, ont été organisés pour la première fois à Paris, en 1924.
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La 24e et dernière édition en date des Deaflympics d’été a été organisée à Caxias do Sul, au Brésil, en 2022. Seules les personnes avec un seuil d'audition de moins de 55 décibels peuvent prendre part aux épreuves. À noter cependant que certains athlètes sourds participent aux JO. Pour Paris 2024, on peut citer la basketteuse belge Emma Meesseman, la nageuse australienne Meg Harris, la footballeuse australienne Mackenzie Arnold, le golfeur indien Diksja Dagar, le kayakiste américain Small Aaron et le volleyeur américain David Smith.
"Les personnes sourdes ne se considèrent pas comme handicapées"
Mais pourquoi les Deaflympics et les Jeux paralympiques ne sont-ils pas fusionnés ? Sur son site, le Comité international des sports des sourds (CISS) affirme qu’"au sein de la communauté sourde, le soutien à des Jeux séparés est massif". "Les personnes sourdes ne se considèrent pas comme handicapées, en particulier sur le plan physique. Nous nous considérons plutôt comme faisant partie d'une minorité culturelle et linguistique", écrit Jerald Jordan, ancien président du CISS.
"L'athlète sourd est physiquement apte à concourir sans restrictions significatives, à l'exception des barrières de la communication. Dans les sports d'équipe et certaines épreuves individuelles, la perte d'audition peut être une contrainte. Cependant, ces restrictions disparaissent aux Jeux des sourds. Les sports et leurs règles sont identiques à ceux des athlètes valides. Il n'y a pas de sports spéciaux et les seules adaptations consistent à rendre les signaux auditifs visibles. Par exemple, nous utilisons des lumières stroboscopiques pour les signaux de départ", pour les courses, explique-t-il.
Faire concourir les athlètes sourds aux Jeux paralympiques plutôt qu'à leurs propres Jeux ne permettrait pas d'économiser de l'argent.
Jerald Jordan, ancien président du CISS
"Faire concourir les athlètes sourds aux Jeux paralympiques plutôt qu'à leurs propres Jeux ne permettrait pas d'économiser de l'argent, précise par ailleurs Jerald Jordan. Au contraire, cela coûterait plus cher. À l’heure actuelle, les Jeux des Sourds sont organisés de manière très économique, les coûts les plus importants concernant les sites et les officiels. Les équipes individuelles assument les coûts liés à la nourriture, l'hébergement, les uniformes, l'équipement et le personnel de soutien."
"Si les athlètes sourds participent à ce qui serait essentiellement une compétition pour les entendants, ils auraient besoin de nombreux interprètes en langue des signes", ajoute-t-il, précisant que ces derniers "ne sont pas faciles à trouver et sont coûteux". Jerald Jordan note aussi que les Jeux paralympiques "ne seraient pas en mesure d'absorber" les 2 500 sportifs qui participent aux Deaflympics.
"Le sport, c’est quelque chose qui rassemble les personnes sourdes et entendantes"
Coexistence des JO, des Jeux paralympiques, des Deaflympics… "Parmi les personnes sourdes et malentendantes, il y a des débats et des interrogations, répond Gabrielle Portnoï, fondatrice de l’association la Parole aux sourds, fondée il y a 15 ans. Il y a ceux qui veulent rester au sein d’une compétition dédiée, et ceux qui veulent s’intégrer aux personnes entendantes. Mais de nombreuses adaptations sont nécessaires pour communiquer, et il est parfois difficile d’être accueilli au sein d’une équipe."
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"Qu’on parle des athlètes qui participent aux Deaflympics, aux JO aux côtés des entendants, ou aux Jeux paralympiques, en raison d’autres déficiences, les performances de tous ces sportifs permettent de valoriser le sport sourd. Le judoka Cyril Jonard, qui est malvoyant et sourd, participe aux Jeux paralympiques de Paris 2024. On espère qu’il va ramener des médailles", poursuit-elle.
"Mes deux parents sont sourds, je suis une 'child of deaf adult', ou 'Coda'. Le sport, c’est quelque chose qui rassemble les personnes sourdes et entendantes. On partage ça en famille, c’est hyper agréable de partager ça", explique Gabrielle Portnoï, qui ira voir plusieurs épreuves paralympiques à Paris, notamment le basket-fauteuil.
La prochaine édition des Deaflympics d'été - qui a lieu tous les quatre ans - prendra place à Tokyo, au Japon, en 2025. Pour ce qui est des Deaflympics d’hiver, la 20e et dernière édition en date a eu lieu à Erzurum, en Turquie, en mars dernier. La prochaine édition sera organisée à Gangwon, en Corée du Sud, en 2027.