Photographe accusé de viols : "un mécanisme d'emprise et de contrainte" pour les victimes

25 plaintes ont été déposées. Un photographe parisien est accusé de viols et d’agressions sexuelles. Pourquoi les victimes ont-elles mis si longtemps à parler ? Comment le piège s'est-il refermé ? Qu’attendent-elles de la justice ? Nous avons rencontré une des avocates des plaignantes.
 

Les plaintes ont été déposées cette semaine contre Wilfrid A. L’homme, âgé d’une cinquantaine d’années est l’auteur d’une petite phrase « l’amour court les rues » que l’on peut lire dans le quartier de Montmartre et un peu partout dans Paris. Connu dans le milieu des modèles, il est aujourd’hui au cœur d’une affaire sans précédent : 12 femmes ont porté plainte pour viols, 13 pour agressions sexuelles contre lui. Parmi les plaignantes quatre étaient mineures au moment des faits. Les témoignages s’accumulent. L’homme aurait ainsi sévi pendant au moins 10 ans.

Une enquête a été ouverte par le Parquet de Paris. L’une des avocates des victimes, Me Valentine Rebérioux, dévoile les mécanismes qui auraient été mis en place par leur agresseur présumé. Une affaire qui pose la question de la prise en compte de la parole des femmes.
 

C’est quand même assez dingue que ce soit aux journalistes de faire ce travail plutôt qu’à la police quand il y a eu des signalements sur les faits de cet individu. Me Valentine Rebérioux


Il a pourtant suffit d’un seul témoignage reccueilli par Pauline Grand d’Esnon, journaliste pour Néon Magazine, pour qu’elle mène son enquête et tire le fil. Selon la journaliste les femmes qu’elle a rencontré ont toutes raconté la même histoire, sans se connaître. MaîtreValentine Rebérioux commente : "C’est quand même assez dingue que ce soit aux journalistes de faire ce travail plutôt qu’à la police quand il y a eu des signalements sur les faits de cet individu. La parution de son article va déclencher auprès des femmes une vague de témoignages."

 
   

Deux plaintes contre l'agresseur présumé n'avaient pas abouti

En effet, deux plaintes avaient été déposées contre l’agresseur présumé en 2013 et 2015. Mais à chaque fois Wilfrid A. est ressorti libre. "C’est quelque chose qui, en tant qu’auxiliaire de justice, nous place dans une colère assez grande. Quand on voit que de très jeunes femmes ont eu le courage de se rendre au commissariat pour déposer plainte pour ces faits et que les procédures n’aboutissent pas, on comprend que derrière il y ait des dizaines et des dizaines de victimes parce que les femmes sont installées dans un système où elle considère et elle constate au quotidien que leur parole n’a pas de crédibilité, n’a pas de poids, n’a pas de valeur."

Alors combien sont-elles exactement ?  Selon la journaliste "une centaine de témoignages ont été apportés au magazine". Contacté, Me Joseph Cohen-Sabban, l’avocat de l’agresseur présumé, juge au contraire difficile de le savoir.

Un mécanisme d’emprise et de contrainte

L’homme abordait les jeunes femmes dans la rue ou à la sortie des lycées. C’est toujours le même scénario : pour les attirer jusqu’à son domicile, il prend le prétexte d’une séance photo. Il joue sur sa différence d’âge, profite de son statut. Selon Me Rebérioux  "Leur point commun c’est leur jeune âge. Et on voit que cela fait partie du mécanisme d’emprise et de contrainte qui va se mettre en place. Vous allez avoir d’un côté une très jeune femme qui pour certaines évoluent effectivement dans des milieux de mode, cinéma, théâtre etc… mais qui pour d’autres sont juste en train de se balader dans la rue ou de prendre son tag en photo. Et de l’autre côté vous avez un homme, beaucoup plus âgé, qui va énormément se vanter de sa réputation, de son influence et des contacts qu’il a. La manière qu’il va avoir de les aborder et de créer cette contrainte psychologique sur ses victimes, cela va être de leur faire miroiter des choses qu’elles ne demandent même pas, car elles ne sont pas particulièrement en demande de reconnaissance professionnelle."

Elle ajoute : "C’est toujours la même histoire. Elles se rendent à un shooting photos. Elles découvrent que le rendez-vous n’a pas lieu dans un studio photo mais à son domicile. Elles viennent pour un rendez-vous professionnel. Au moment où il va commencer à prendre des photos, alors que jusqu’à présent il les couvrait de compliments, il va commencer à les dénigrer. Il va leur dire qu’elles sont trop tendues, qu’elles doivent se détendre. Et c’est sûr ce motif que l’agression va commencer. On est en réalité dans le début de l’agression, qui ensuite va très vite."

Lorsque ces jeunes filles se retrouvent là, il est déjà trop tard. Pauline Grand d’Esnon évoque des "récits glaçants". C’est la peur qui prend le pas. Peur que le photographe publie les photos d’elles, peur encore de ne pas être crues. Selon l’avocate : "Il affabule largement sur son influence et ses contacts mas cela va créer une véritable peur chez ses victimes qui vont se dire « Moi jeune femme de 18 ans qui me suis rendue volontairement à ce shooting photo, quelle va être la crédibilité de ma parole quand je vais dire que j’ai été victime de ce type si influent et si renommé ? Forcément c’est lui qu’on croira et pas moi. »"
 

Elles attendent en premier lieu que cela s’arrête. Me Reberioux


Selon leurs avocates, les plaignantes ont décidé de parler lorsque chacune a compris qu’elle n’était pas seule dans cette histoire. Comme souvent, c’est d’abord le souci de protéger d’autres jeunes filles, la volonté d’éviter que cela recommence qui les motivent. "Ensuite elles attendent d’être reconnues victimes des faits qu’il a commis et qu’il en assume l’entière responsabilité devant les juridictions. "

Me Joseph Cohen-Sabban remet en cause ses témoignages et rejette toute accusation de violences. "Il a eu de multiples compagnes, il a eu de multiples modèles et celles avec lesquelles il a eu des relations n’ont jamais été selon lui des relations forcées."  Depuis Wilfrid A. aurait reçu de nombreuses menaces sur les réseaux sociaux. Sur les conseils de son avocat, il aurait quitté la capitale en attendant d’être convoqué par les enquêteurs de la 2ème division de la Police Judiciaire.

 

 
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